Guy Bedos en piste au Cirque d’Hiver

A soixante-douze ans, Guy Bedos revient en tournée au Cirque d’Hiver Bouglione qu’il a déjà arpenté il y a deux décennies.
L ’âge est désormais "son affaire prioritaire" qu’il n’a aucunement l’intention de laisser en pâture aux critiques et aux commentaires plus ou moins bienveillants. Aussi, par mesure de précaution, l’artiste prend les devants en organisant son nouveau one man show autour de ce thème vital qu’il renvoie en boomerang à l’usage de tous.
"Ce n’est qu’un au revoir", fera-t-il entonner par le public en épilogue de son spectacle quand il traversera une dernière fois la piste comme une travée de cathédrale d’où s’élève alors un requiem d’orgue flamboyant.
Il faut dire que pour débuter, le comédien a réglé son compte à tous les anniversaires à partir du dixième, de manière à éviter tous les assauts de la compassion à l’égard du temps qui passe.
En outre, s’émouvant des accidents morbides qui pourraient subvenir aux spectateurs présents d’ici à sa prochaine création scénique, l’acteur balise ainsi les angles d’attaque insidieuse qui pourraient différencier sa propre vulnérabilité.
Laissant donc la place libre à la mélancolie dans une approche philosophique cherchant à maîtriser l’ensemble des paramètres pathétiques de la destinée, Guy Bedos est à la barre d’un paquebot qui tangue à-tout-va, dont le capitaine ne sera pas celui d’une croisière en folie mais celui d’un talent qui se reconnaît à en être le trublion qualitatif.
S’étant ainsi démarqué des humoristes à la mode à qui malgré tout il concède des circonstances atténuantes, il observe néanmoins que les meilleurs d’entre eux, qu’il avait autrefois cooptés, ont déjà transgressé le principe de vie.
De la cause à l’effet, il n’y a qu’un pas que l’équilibriste lucide franchit dans l’allégresse non feinte de s’inscrire en survivant dans la conscience collective comme l’artiste de référence qui aura su maintenir sur un fil pérenne, la clairvoyance politique et éthique en brocardant tous les travers de ses concitoyens, y compris les siens.
La mise en scène de Roger Louret préserve un rythme circulaire sans relâche où se succèdent des sketchs d’anthologie réadaptés à l’inventaire d’une carrière artistique dont l’incontournable revue de presse viendrait marquer l’apogée.
Ce tour de piste n’est certainement pas le dernier du virtuose en noir et blanc sur fond rouge, mais c’est juste pour rire qu’il faudrait oser le prendre comme tel.
Photo © Sandrine Roudeix
GUY BEDOS EN PISTE - *** Theothea.com - de et par Guy Bedos - mise en scène : Roger Louret - Cirque d’Hiver