Hara Kiri – A bras ouverts : 60 ans de polémiques contre la liberté de l’humour
A bras ouverts sort en salle aujourd’hui. Dès l’annonce du titre original, le film-comédie de Philippe de Chauveron a suscité de vives polémiques et la critique acerbe de certaines personnalités de la presse et du monde du spectacle. De gauche, sans doute un peu bobo, engagé contre toutes les formes de racisme et de discrimination, je milite pour un droit à l’humour noir, très noir.
La polémique portée contre le film de Philippe de Chauveron n’est pas sans rappeler certains grands scandales du cinéma français et de la presse satirique. A chaque fois, le scénario est le même. Un scénario, un titre de film, une couverture de magazine s’en prennent à une personnalité, une communauté ou une couleur de peau. La mécanique est bien rodée. Dans les jours qui suivent, la critique et l’indignation déchainent les passions, la presse s’empare de l’affaire et dénonce des choix scandaleux. La polémique autour du film A bras ouverts –que je n’irai sans doute pas voir- n’est pas sans me rappeler le scandale survenu à la mort du Général de Gaulle. Le lendemain du décès du fondateur de la Vème République, le journal satirique Hara-Kiri, dont l’humour sans concession choquait volontiers la vieille bourgeoisie gaulliste française, titrait une Une qui deviendra légende. « Bal tragique à Colombey – 1 mort » pouvait-on lire sur la première page du magazine. Immédiatement, la classe politique, outragée et martyrisée par un titre jugé injurieux envers le héros de la Résistance, s’est émue. Le journal fut interdit à la vente aux mineurs, au même titre que la pornographie, signant sa mort et sa renaissance sous une forme différente, un certain … Charlie Hebdo. Dans une société secouée par Mai 68, la liberté d’opinion et d’expression restait encore soumise à des limites évidentes.
La comédie française ne fut pas en reste. L’humour ravageur de « La Grande Bouffe », dénonçant les abus et jouissances d’une bourgeoisie –bien de chez nous- décadente et d’une société de consommation aliénante a choqué les bonnes âmes de l’époque. Les scènes de sexe et les festins partagés par l’ensemble des invités d’un groupe d’amis plongés dans une ambiance sectaire et satanique, furent perçus comme la preuve irréfutable de tendances pornographiques et de mœurs déviantes chez le réalisateur, Marco Ferreri. Le même Marco Ferreri dans « Y’a Bon les Blancs » se moque, avec une ardeur inégalée et volontairement cruelle, de ce que seront les bénévoles humanitaires, découvrant l’Afrique avec des yeux ébahis et rapidement confrontés à la réalité du terrain.
Pour moi, la liberté de l’art doit toujours mépriser les débats politiques, les mœurs imposées et ne donner aucune limite à son imagination. Je n’ai pas vu A bras ouverts, même si mon amitié pour le Christian Clavier des Visiteurs lui donne un atout de poids. Cependant, je défends le réalisateur et la liberté qu’il prend pour se moquer de tout le monde, d’une spiritualité politique à laquelle j’appartiens, que je le veuille ou non. La polémique n’a pas d’intérêt, le débat sur la qualité du film en a un. Dès lors, à nous d’apprécier –ou non- le travail du réalisateur. Mais par pitié, ne crions pas au racisme et à la haine, là où il n’y en a pas.