mardi 9 novembre 2021 - par Ronce

I shall not be moved

A la découverte de la culture américaine à travers les hymnes interprétés par Johnny Cash.

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Johnny Cash chante "Je ne bougerai pas, rien ne pourra me déraciner." image pixabay

 

Paroles

Glory hallelujah, I shall not be moved
Anchored in Jehovah, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the waters
I shall not be moved

In His love abiding, I shall not be moved
And in Him confiding, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the water
I shall not be moved

I shall not be, I shall not be moved
I shall not be, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the waters
I shall not be moved

Though all Hell assail me, I shall not be moved
Jesus will not fail me, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the water
I shall not be moved

Though the tempest rages, I shall not be moved
On the rock of ages, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the water
I shall not be moved

I shall not be, I shall not be moved
I shall not be, I shall not be moved
Just like the tree that's planted by the waters
I shall not be moved

 

Proposition d'adaptation

Gloire à Dieu, Alleluia, je ne bougerai pas
Ancré en Hyavé, je ne bougerai pas
Oui, comme un arbre dressé au bord de l'eau
Je ne bougerai pas

Je demeure en Son amour, je ne bougerai pas
Et je suis confiant en Lui, je ne bougerai pas
Oui, comme un arbre dressé au bord de l'eau
Je ne bougerai pas

Rien ne m'emportera, je ne bougerai pas
Rien n'me déracinera, je ne bougerai pas
Oui, comme un arbre dressé au bord de l'eau
Je ne bougerai pas

Assailli par l'enfer, je ne bougerai pas
Jésus, Lui, restera, je ne bougerai pas
Oui, comme un arbre dressé au bord de l'eau
Je ne bougerai pas

Si la tempête fait rage, je ne bougerai pas
Sur Sa montagne éternelle, je ne bougerai pas
Oui, comme un arbre dressé au bord de l'eau
Je ne bougerai pas

 

Aux sources du texte

Le site "austinbhebe" attribue les paroles chantées par Johnny Cash à Edward Hammond Boatner qui a rédigé cette version avant 1929 à partir de chants traditionnels. Edward H. Boatner est né en 1898 et a collecté des textes chantés par les communautés afro-américaines au début du XXe siècle. Il a passé sa vie à chanter et éditer des musiques religieuses.

Ce chant a connu deux trajectoires bien distinctes depuis une origine commune.

Le titre original est "I shall not be moved", à la première personne du singulier. C'est clairement un chant d'église qui appelle à s'ancrer dans le Seigneur et à ne pas dévier.

Dans les années 1930 le chant a été repris et modifié par des "activistes" qui sont passé à la première personne du pluriel : "we shall not be moved". Cette variation est un chant de protestation et de révolte qui appelle à occuper un espace publique pour se faire l'écho d'une revendication.

Johnny Cash a conservé la première personne.

 

Confiance ou révolte ?

Pourquoi chanter "je ne bougerai pas, rien ne pourra me déraciner" ?

Comme le souligne l'histoire singulière de cette chanson, on peut l'interpréter soit comme un chant de confiance, soit comme un chant de révolte.

Pour le croyant, Dieu est une source de force et de stabilité. Nous le constatons dans notre vie de tous les jours, la vie "religieuse" nous relie aux personnes humaines et à la nature, et nous donne un souffle, nous donne envie d'exprimer de la joie. "Gloire à Dieu", "Alleluia" sont les cris de joie de ceux qui ressentent cette force qui leur est donnée.

Et lorsqu'on a trouvé la source de cette force, on peut prendre racine et grandir, se dresser avec fermeté contre les épreuves. Nous sommes ancrés en Hiavé.

Dans la vie du croyant, une relation se tisse jour après jour à mesure qu'il découvre Dieu, et cette découverte passe par un questionnement. La vie nous confronte à des injustices et à des moments absurdes qui sont difficiles à concilier avec un Dieu bienveillant.

Et pourtant certains parviennent, même à travers les épreuves les plus douloureuses, à demeurer en Son amour, à rester confiant.

 

Naïveté ou clairvoyance ?

Pour celui qui ne croit pas, cette attitude relève de la naïveté, de la stupidité, de la crédulité, de l'aveuglement, voir de la maladie mentale. En tout cas c'est ce que j'ai pensé durant la majeure partie de ma vie.

Chacun tranchera. Le philosophe Feuerbach, né en 1804, a établit que la croyance est ce qu'on nommerai aujourd'hui une "structure cognitive", présente en l'être humain et qui sert de béquille mentale pour résister à l'absence de sens de la vie. D'autres développerons cette analyse et ferons des religions l'exploitation de cette béquille.

Mais rien ne prouve qu'ils ont raison, au contraire, la foi vécue est un appétit de rencontre avec la nature, avec la réalité qui nous entoure et qui porte une signification. En me connectant avec la nature, je prend racine dans le réel et je m'élève vers les cimes des arbres, et encore plus haut, comme dans le chant "taller than trees".

 

Assailli par l'enfer

Le chant évoque un autre aspect délicat de la vie du croyant par les phrase "Though all Hell assail me" et "Though the tempest rages" que j'ai traduit par "Assailli par l'enfer" et "Si la tempête fait rage".

Il y a là les deux aspects de la difficile "question du mal". Le mal moral et le mal naturel. Pour celui qui reste en dehors de la religion, la question du mal est un argument massue pour ne pas y rentrer. Pourquoi Dieu permet-il le mal sous ces deux formes ? Pour ma part je me disais que je ne sais pas si Dieu existe, mais si il existe je ne veux pas avoir affaire avec lui.

Le mal moral est celui commis par les être humains, qui font du mal aux autres humains ou à la nature, à la beauté, à la vérité. Le mal naturel est la conséquence des lois de la nature : maladies, tremblements de terre, etc.

Le croyant a réfléchit à ces deux catégories de maux et se demande en quoi ils sont compatibles avec l'expérience qu'il a de Dieu. La raison comme l'art ou l'amour permettent d'apporter des réponses et nous éclairent sur notre relation à l'univers et à la "natura" humaine. La souffrance demeure, mais elle n'est pas absurde.

 

Faire face au mal

Une fois qu'il a reçu une réponse satisfaisante et pérenne à cette question du mal, le croyant est bien plus fort et confiant. Le chant évoque deux des multiples attitudes qu'il est possible d'adopter.

Face au mal moral, à l'enfer, savoir que "Jesus will not fail me", qu'il reste à mes côté est un exemple et un soutien. En effet la vie du Christ nous montre qu'il a fait face au mal, qu'il a souffert des sarcasme et des violence. Pour le croyant Jésus est en permanence à nos cotés.

Face au mal naturel, le croyant peut prendre appui sur le "rock of ages", la montagne éternelle. C'est une autre référence à Dieu. J'y voit aussi la solidité et la permanence des lois de la nature. Nous pouvons nous fier à elles et prendre en main nos vies pour échapper aux dangers.

La nature est vue à la fois comme une menace incontrolable, la tempête et comme un ordre sur lequel s'appuyer, comme le fait l'être humain avec les sciences et techniques qui lui permettent d'atténuer la rigueur des éléments.

 

Etrange destin

Après les années 30 cette chanson sera reprise, de nos jours encore, par divers mouvements de protestation et d'occupation. Dans ces cas là on utilise la première personne du pluriel "WE shall not be moved".

Dans ce contexte la chanson prend un sens différent, et parfois opposé à on sens initial. D'abord avec le mouvement des droits civiques américain qui lutte contre la ségrégation raciale elle devient un chant de combat. A ce moment elle garde encore son ancrage religieux

Elle est ensuite reprise pour toutes sortes de causes avec des paroles qui appellent plus à la révolte et à la lutte qu'à la confiance et à l'enracinement.

L'usage du "nous" marque à lui seul l'intention d'opposer un groupe à un autre dans une dimension horizontale. Alors que le "je" est la marque du rapport individuel entre l'être humain et Dieu dans une dimension verticale.

 

Une autre vision du collectif

Ce simple pronom évoque pour moi un accès au collectif qui s'ouvre au croyant. En plus d'un rapport horizontal et souvent conflictuel, le croyant dispose d'un rapport vertical ou nous pouvons tous nous rejoindre.

Au lieux de lutter les uns contre les autres pour des droits, nous pouvons aussi nous élever au dessus de nous-même, ignorer nos propres droits et répondre à l'appel de notre conscience morale individuelle. C'est une des facettes du rêve américain originel, faire confiance à l'Homme ancré en Dieu pour construire une nation soudée et juste.

C'est ce que Giuseppe Melchiorre Sarto a parfaitement résumé dans cette phrase sarcastique : << La question sociale sera bien près d’être résolue lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs devoirs. >>



4 réactions


  • Samy Levrai samy Levrai 9 novembre 2021 13:27

    La soumission des esprits à l’Empire fait rage.


  • Sandro Ferretti Sandro Ferretti 9 novembre 2021 13:53

    @Ronce,

    Mouais, on peut toujours faire parler le « man in black », mais je pense qu’il avait tout dit dans « Ain’t no grave » ( qui n’est du reste pas fondamentalement contradictoire avec l’article) ;

    Ici, pour ceux qui entravent le britton (le reste est littérature, désolé pour l’auteur).

    https://www.youtube.com/watch?v=o0MIFHLIzZY

    et surtout cette version dans un clip assez surréaliste, constitué d’un collage en accéléré des meilleures contributions d’un concours de dessins lancé à sa mort par un de ses fans club ;ainsi que des versions noir et blanc stylisées de ses clips.

    https://www.youtube.com/watch?v=WwNVlNt9iDk


  • amiaplacidus amiaplacidus 9 novembre 2021 19:08

    « ...de la culture américaine ... »

    Antinomie. À moins que l’on considère que le fusil d’assaut est un objet culturel.


    • amiaplacidus amiaplacidus 9 novembre 2021 19:10

      @amiaplacidus
      Pour compléter, c’est, je crois, Einstein qui a déclaré :
      « « Les États-Unis d’Amérique sont le seul pays passé de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation. »  ».


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