Il y a 200 ans mourait l’astronome et compositeur William Herschel
Ces dernières semaines, les images envoyées par le télescope spatial James-Webb ont remis au cœur de l’actualité les progrès scientifiques en matière de connaissance de l’univers. En 2010, avant qu’il ne cesse son activité, le télescope Herschel avait, entre autres éminents services, permis à l’Agence spatiale européenne (ESA) de découvrir « la face cachée de la naissance des étoiles ». Ce fabuleux outil avait été baptisé en hommage à Sir William Herschel, un grand astronome dont on a oublié qu’il fut également un compositeur de qualité...
« Coelorum perrupit claustra » (Épitaphe de William Herschel*)
Né à Hanovre le 15 novembre 1738, rien ne prédispose Friedrich Wilhelm Herschel, à devenir un scientifique de premier plan, anobli par le roi d’Angleterre. Son père Isaac, modeste violoniste et hautboïste dans une fanfare d’infanterie, donne à ses quatre fils une éducation musicale sommaire avant de les diriger vers l’école militaire pour parfaire leur formation. Dès l’âge de 14 ans, Wilhelm intègre la musique des Gardes du régiment de Hanovre au double titre de violoniste et hautboïste, comme son père. Sans pouvoir s’y adonner, il manifeste déjà un goût certain pour les disciplines scientifiques qui sera déterminant pour son destin.
En 1756 éclate la Guerre de Sept Ans, premier véritable conflit mondial avec ses jeux d’alliance et ses combats répartis sur trois continents. Envoyé en Angleterre avec son Unité pour parer une éventuelle attaque des Français, Wilhelm est séduit par le style de vie britannique et n’a plus qu’une hâte : quitter la vie militaire. De retour en Basse-Saxe durant l’automne, il parvient, avec l’aide de son père, à se faire démobiliser, n’ayant pas signé d’engagement ferme. Aussitôt il se rend à Londres où il trouve un emploi de copiste musical sous le nom anglicisé de William Herschel.
Trois ans plus tard, son avenir étant manifestement bouché dans la capitale anglaise, le musicien part tenter sa chance en province. Á Durham tout d’abord, où il dirige l’orchestre de la Milice locale tout en entamant une carrière de compositeur. Á Édimbourg ensuite, puis à Newcastle et Pontefract avant de s’installer à Leeds où il occupe un poste de directeur de concerts. Nouveau départ en 1766 pour Halifax. Insatisfait, Herschel n’y demeure toutefois que quelques mois avant de s’établir dans la superbe ville de Bath où il devient organiste de la toute nouvelle Octagon Chapel.
Herschel reste dix ans à Bath. Enfin fixé en un lieu où il peut donner libre cours à ses passions, il partage son temps entre la tenue de l’orgue, la composition et... l’astronomie pour laquelle il s’est découvert un intérêt grandissant, découlant directement de la proximité intellectuelle qu’il a très tôt perçue entre la musique et les mathématiques. En 1772, au retour d’un voyage à Hanovre, il ramène en Angleterre sa jeune sœur Caroline, de douze ans sa cadette, vouée par les usages sociétaux en vigueur à l’époque à tenir la maison de leur défunt père. Dotée d’une jolie voix, la jeune fille est principalement destinée à chanter dans les concerts que dirige son frère.
Le rôle de Caroline évolue très vite : de plus en plus pris par sa passion pour l’astronomie, William a impérativement besoin d’être assisté. Tout naturellement il se tourne vers sa sœur dont il apprécie l’appétit de connaissances et la rigueur intellectuelle. Un choix d’autant plus évident que Caroline se passionne à son tour pour cette discipline scientifique, au point qu’elle découvrira plus tard huit comètes et trois nébuleuses qui lui vaudront un salaire annuel alloué par le roi George III ainsi que la reconnaissance comme première astronome féminine professionnelle de l’histoire.
L’étoile de George
En 1777, Herschel continue de composer mais la musique est reléguée au second plan. Il passe en effet de plus en plus de temps à la connaissance des cieux avec l’aide de sa sœur. Une opiniâtreté récompensée : le 13 mars 1781, sur un télescope qu’il a lui-même mis au point avec l’aide de sa cadette, il découvre la 7e planète du système solaire et deux de ses satellites : Oberon et Titania. Herschel baptise cette planète Georgium Sidus (L’étoile de George) en hommage au roi George III, originaire de la Maison de Hanovre et lui-même passionné d’astronomie. Rebaptisée par la suite Uranus, cette planète est la première de l’histoire à avoir été découverte à l’aide d’un télescope.
La nouvelle confère à Herschel une notoriété considérable. Le roi lui alloue, ainsi qu’à sa sœur, une pension annuelle – 200 livres pour lui, 50 pour elle – modeste mais suffisante pour que tous deux se consacrent désormais uniquement à l’astronomie. Á la demande du monarque, William et Caroline s’installent en août 1782 près du château de Windsor, à Datchet tout d’abord puis, en avril 1786, à Slough. C’est là qu’ils construisent, en 1789, le fameux télescope géant de Herschel, le plus grand du monde avec ses 12 m de longueur et ses 122 cm d’ouverture. Achevé le 28 août 1789, le télescope permet, dès la première nuit d’observation, la découverte de deux satellites de Saturne : Encelade et Mimas. De nombreuses autres découvertes suivront**.
Entretemps, le 8 mai 1788, William Herschel a épousé Mary Pitt à Upton. Leur unique enfant, John Frederick, lui-même futur scientifique de renom, est né à Slough dans la résidence-observatoire de la famille. Promu chevalier en 1816 par le prince Régent – le futur roi George IV – puis nommé premier président de la Royal Astronomical Society en 1821, Sir William Herschel meurt honoré et respecté de tous dans sa demeure d’Observatory House (Slough) le 25 août 1822 à l’âge de 83 ans.
Tombée dans un total et injuste oubli, sa musique a été exhumée en 2002 par les excellents London Mozart Players dans un superbe CD édité par Chandos Records et consacré à 6 des 24 symphonies écrites par Herschel. Outre ces symphonies, on doit au compositeur une douzaine de concertos pour instruments variés, différentes sonates pour clavier seul (orgue ou clavecin), la plupart écrite dans la tradition des voluntaries, d’autres sonates pour harpe ou pour violon et clavier, trois sonates en trio pour clavecin, violon et violoncelle, ainsi que des œuvres de musique sacrée.
On constate à l’écoute des symphonies de Herschel qu’il a incontestablement été un compositeur talentueux. Mais certes pas un géant de la musique à l’égal de ses géniaux contemporains Haydn, Mozart et Beethoven. Ses œuvres n’en sont pas moins séduisantes et habilement construites. Certains mouvements sont même écrits – sans doute n’est-ce pas un hasard – dans un style coloré dont l’inspiration n’est pas sans rappeler l’un de ses prédécesseurs allemands en Angleterre : Haendel. Deux des sonates en trio de Herschel ont été enregistrées cette année. D’autres œuvres du compositeur devraient suivre.
De nombreux évènements sont prévus cette année en Angleterre pour célébrer le bicentenaire de la mort de Sir William Herschel. Parmi eux, une exposition a été inaugurée à Bath le 16 juillet au Herschel Museum of Astronomy. Organisée par le Bath Preservation Trust en partenariat avec la famille du compositeur-astronome et la Royal Astronomical Society, cette exposition, baptisée Herschel 200, durera jusqu’à la fin de l’année 2022. Outre les nombreux documents présentés, elle comporte des séances dédiées au planetarium ainsi que des observations télescopiques, notamment des découvertes faites par William et sa sœur Caroline.
* Cette épitaphe signifie « Il a franchi les limites de l’univers ». Elle est gravée sur la tombe de William Herschel à Upton.
** Outre ses découvertes, Herschel est également connu pour avoir théorisé le fait que les étoiles naissent et meurent.
Liens musicaux (Mozart London Players, dirigés par Matthias Bamert) :
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