mardi 12 janvier 2021 - par Fergus

Il y a 50 ans, l’hommage des nazis au général SS Heinz Lammerding

 

Le 13 janvier 1971, Heinz Lammerding, âgé de 64 ans, décède à l’hôpital de Bad Tölz (Bavière) des suites d’un cancer généralisé. Quelques jours plus tard sont célébrées les obsèques du défunt. Condamné à mort par contumace pour crime de guerre en 1951 et 1953, cet ingénieur de formation a, durant des années, été un chef d’entreprise prospère et respecté de Düsseldorf (Rhénanie)…

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Il y a du monde aux funérailles. Outre les parents réunis à Tegernsee où la famille possède une grande villa au bord de ce lac idyllique des préalpes bavaroises, sont en effet présents à la cérémonie environ 200 anciens SS Kameraden dont de nombreux ex-officiers du corps d’élite du IIIe Reich. Il est vrai que l’homme que l’on porte en terre leur est bien connu : comme lui, ils sont, pour la plupart, membres de la HIAG (Communauté d’entraide des anciens de la Waffen-SS). Tous sont venus rendre hommage à l’un des leurs, le très respecté Heinz Lammerding, ancien général SS multi décoré pour ses faits d’armes au service de l’idéologie nazie et de la grandeur du Reich.

Adhérent dès 1931 du NSDAP et de sa branche militaire, la SA (Sturmabteilung ou Section d’assaut), l’homme intègre la SS (Schutzstaffel ou Unité de protection) en 1935. Officier supérieur au sein de la division SS Totenkopf durant les premières années de la 2e guerre mondiale, il s’illustre notamment en France puis sur le front de l’est où plusieurs villages russes sont rasés sur les ordres de ce combattant d’élite dénué de toute forme de scrupule. En 1944, Heinz Lammerding, devenu l’un des protégés d’Heinrich Himmler, est promu général et chargé de réorganiser la 2e division blindée Das Reich. Une tâche dont ce nazi convaincu s’acquitte avec un zèle qui va laisser une trace aussi atroce qu’indélébile dans le Limousin.

Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les plages du Calvados et de la Manche. La SS Panzer-Division Das Reich, reconstituée à Montauban (Tarn-et-Garonne), est appelée à venir renforcer les défenses allemandes en Normandie. Les résistants entrent alors en action pour retarder au maximum l’avance de cette troupe d’élite. Embuscades, harcèlements et sabotages font des victimes dans les rangs de la Waffen-SS et occasionnent de graves difficultés d’approvisionnement, notamment en carburant. Heinz Lammerding ne supporte ni les pertes ni le retard. Il donne l’ordre que soient exécutés « 3 otages français pour chaque blessé allemand », et « 10 otages français pour chaque mort allemand ».

C’est sous la responsabilité directe d’Heinz Lammerding qu’est commis le 9 juin le massacre de Tulle au cours duquel 99 des 120 otages raflés en vue d’être exécutés sont pendus dans la ville. 149 résistants sont déportés vers le camp de Dachau où 101 d’entre eux mourront. Le même jour est perpétré le massacre d’Argenton-sur-Creuse au cours duquel 67 personnes dont 56 civils – y compris des femmes et des enfants – sont exécutés. Non loin de là est également commis le massacre de Combeauvert qui coûte la vie à 33 résistants. Le lendemain, 10 juin, le comble de l’horreur est atteint avec le massacre d’Oradour-sur-Glane : 643 personnes sont exterminées sur 6 lieux différents du village, les femmes et les enfants étant brûlés vifs dans l’église où ils ont été enfermés. 

La guerre terminée, la responsabilité directe d’Heinz Lammerding n’est engagée que pour le massacre de Tulle bien qu’il soit évident que ses ordres implicites aient été exécutés par ses subordonnés durant ces monstrueuses journées de juin au cours desquelles les SS ont délibérément cherché à terroriser la population. Le 5 juillet 1951, le SS-Gruppenführer Heinz Lammerding est condamné à mort par le tribunal militaire de Bordeaux. Refugié en Allemagne, le général SS est rejugé dans la métropole girondine deux ans plus tard, non plus pour le seul massacre de Tulle, mais également pour celui d’Oradour. Le 12 février 1953, il est une nouvelle fois condamné à mort par contumace.

L’Allemagne ayant à plusieurs reprises rejeté les demandes d’extradition d’Heinz Lammerding, celui-ci a pu, sous un nom d’emprunt dans un premier temps puis sous son propre patronyme ensuite, monter son entreprise de bâtiment. Reprise par le fils, puis par le petit-fils d’Heinz Lammerding, cette entreprise a encore pignon sur rue dans le quartier Unterrath de Düsseldorf. Sa raison sociale : Bauausführung HB Lammerding GmbH & Co. KG.

Comme Heinz Lammerding, des centaines de donneurs d’ordre nazis et d’exécutants zélés impliqués dans les plus atroces crimes de guerre ont échappé au châtiment. Et si certains ont dû changer de nom et s’exiler à l’étranger pour se faire oublier, d’autres ont pu, dans les années qui ont suivi la fin du conflit, mener dans leur propre pays une existence normale, très éloignée du statut de paria que leur passé aurait dû au minimum leur valoir. Tel a été le cas du bourreau de Tulle et d’Oradour. Une impunité qui a longtemps occasionné une souffrance pour les habitants du Limousin ayant, de près ou de loin, vécu les horreurs de juin 1944. Aujourd’hui encore, les descendants des victimes ressentent un profond malaise à l’évocation de ces terribles évènements et de l’impunité dont a bénéficié Heinz Lammerding.




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