vendredi 13 janvier 2012 - par Armelle Barguillet Hauteloire

J. Edgar de Clint Eastwood

Film ambitieux et envoûtant qui révèle les ombres et les replis ténébreux de l'histoire américaine, le dernier Eastwood est l'histoire de J. Edgar Hoover, le patron et fondateur du FBI, que l'on voit dès la première scène dictant ses mémoires à un jeune et séduisant agent, de façon à ce que celles-ci apparaissent à la postérité sous les apparences les plus flatteuses. De l'enlèvement du bébé de Charles Lindbergh aux "raids Palmer", de l'arrestation du célèbre criminel John Dillinger à la panique rouge qui saisit des Etats-Unis au lendemain de la révolution bolchevique, c'est un demi siècle que le cinéaste passe en revue par l'intermédiaire de cet homme que l'on verra, au fil de l'action, coincé entre conventions sociales et désirs personnels. Avec l'aide de son scénariste Dustin Lance Black, Eastwood construit en déconstruisant un mythe, celui d'une Amérique virile, sûre d'elle et puissante qui se veut à tout jamais invulnérable, grâce à l'initiateur du plus gigantesque fichier d'empreintes digitales au monde, cet Edgar Hoover qui s'est donné pour but de faire entrer la police dans l'ère de l'expertise médico-légale et scientifique. Mais cet homme redoutable et redouté, qui parvint à édifier par lui-même un empire du renseignement inégalé, n'en est pas moins affligé de tares et de faiblesses intimes, vivant jusqu'à un âge avancé auprès de sa mère possessive qui l'incitera à vaincre son bégaiement et à gravir, marche après marche, les échelons de la bureaucratie fédérale, instituant un nouveau style, de nouvelle méthodes assez peu orthodoxes et usant de tous les coups tordus possibles pour parvenir à ses fins. C'est aussi à cause de cette mère ( Judi Dench ) qu'il fera en sorte de cacher son homosexualité, envisageant même des mariages de convenances et s'affichant volontiers en présence de femmes célèbres, mais ne vivant pas moins durant quarante ans auprès de son associé-amant Clyde Tolson ( Armie Hammer ), qu'il traitait selon les circonstances plus ou moins bien ou mal, et qui lui restera fidèle, comme sa secrétaire Hélène Gandy ( la délicieuse Naomi Watts ), jusqu'à la mort. 

Ainsi ce bouledogue mégalo, orgueilleux et obsessionnel, le plus souvent mal embouché, aura-t-il ses fidèles pour la simple raison qu'il savait remarquablement alterner terreur et humanité, dureté et tendresse, se composant un personnage hors norme, celui du grand flic, tantôt héros national, tantôt salaud vindicatif. Diplômé en droit de l'université George Washington, l'implacable justicier traversera trois guerres et opérera sous huit présidents, sachant se maintenir en place, malgré les aléas rencontrés, surtout sous la présidence de John Kennedy, parce qu'il avait su accumuler des informations personnelles sur chacun d'eux, principalement sur leurs vies sexuelles, ce qui était un comble lorsque l'on sait aujourd'hui les complexités de la sienne. Il tenait sous le coude les documents concernant les penchants lesbiens de Madame Roosevelt et les frasques des frères Kennedy. Mais c'est ainsi ! Cet homme était un manipulateur de génie, un être trouble et troublant que Eastwood nous présente selon un narratif concis, fait de flash-back habilement distribués entre les périodes les plus significatives de sa vie. Plus encore qu'un film sur le pouvoir, le cinéaste a souhaité mettre en relief un être en proie à ses contradictions ; d'une part, un orgueil monstrueux qui le poussait à agir de façon à ce qu'il soit le gardien le plus féroce du conformisme blanc américain ; d'autre part, une faiblesse de nature qui en faisait la victime de ses pulsions et de ses hantises. Son souci maniaque d'empiler dans des placards des tonnes de dossiers compromettants sur les hommes politiques de son temps ne servait-il pas, en définitive, à dissimuler ses secrets et ses compromissions ? Car Hoover était un marginal qui, pour échapper à ses démons, s'était forgé une stature sur-dimensionnée, celle du gardien des valeurs sacrées de son pays. 

Ce biopic, trente-deuxième long métrage de Clint Eastwood, est sans nul doute un grand film de par l'ampleur de la fresque proposée, mais également pour l'interprétation saisissante que Leonardo DiCaprio fait de cet Edgar Hoover qu'il incarne de l'âge de 20 ans à celui de 77 ans de manière magistrale. Film après film, cet acteur prouve sa faculté à entrer dans la peau de personnages aussi forts que caricaturaux ( avec l'aide de maquilleurs expérimentés évidemment ) et à leur donner une épaisseur humaine impressionnante. Il est indéniable que sans lui l'opus n'aurait pas eu cette puissance de conviction. Bien entendu un tel film ne pourra jamais satisfaire les amoureux de l'histoire, parce qu'il ne fera jamais que la survoler, ne nous livrant que des épisodes successifs et aspirant à trop embrasser pour ne pas risquer de mal étreindre.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE



16 réactions


  • morice morice 13 janvier 2012 11:09

    Di Caprio est toujours aussi mauvais et Hoover est présenté comme Howard Hughes comme une sorte de héros. Son homosexualité flagrante n’est qu’à peine évoquée, or elle explique la moitié de ces décisions. Bref, c’est un film raté.


     un grand film de par l’ampleur de la fresque proposée, mais également pour l’interprétation saisissante que Leonardo DiCaprio fait de cet Edgar Hoover qu’il incarne de l’âge de 20 ans à celui de 77 ans de manière magistrale

    le masque de caoutchouc ne fait pas le grand acteur. 

    Film après film, cet acteur prouve sa faculté à entrer dans la peau de personnages aussi forts que caricaturaux ( avec l’aide de maquilleurs expérimentés évidemment ) et à leur donner une épaisseur humaine impressionnante.

    il est abonné aux fresques historiques ratées, vous voulez dire.

    • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 13 janvier 2012 13:29

      @ soulmanfred

      Non, pas l’assassinat en lui-même mais la fureur de Hoover apprenant son prix Nobel. J’aurais aimé que le cinéaste traite davantage le sujet d’ailleurs. Il a fait la part un peu trop belle à la vie sentimentale du chef du FBI et pas assez aux faits marquants de sa carrière, à l’exception de l’enlèvement du bébé Lindbergh.


    • morice morice 13 janvier 2012 13:08

      cherchez qui c’est, vous comprendrez ....


    • voxagora voxagora 13 janvier 2012 13:14

      .

      Qui je suis est très facile à trouver,
      surtout quand on fiche à tour de bras.
      Par contre pour savoir qui est Morice, 
      il faudra plus que quelques liens.
      .

  • Surya Surya 13 janvier 2012 13:00

    Bonjour Armelle Barguillet Hauteloire,

    Il y a actuellement plusieurs metteurs en scène américains que j’apprécie particulièrement, et parmi eux figurent Ron Howard (Apollo 13, mais aussi A Beautiful Mind, magnifique film qui retrace la vie de John Nash...), James Cameron et Clint Eastwood. Ils fournissent toujours un travail remarquable, dont on aime ou pas le résultat, mais la qualité est là. J’ai bien envie d’aller voir ce J.Edgar, le sujet est intéressant et j’apprécie également Di Caprio.
    Je crois que les films retraçant la vie d’un personnage historique ne peuvent pas satisfaire pleinement les historiens, tout comme il est parfois difficile de ne pas être déçu par un film adapté d’un roman qu’on a aimé. Il faut les voir pour la qualité de leur réalisation et le jeu des acteurs. Ces films historiques peuvent également encourager à se documenter davantage sur les sujets qu’ils traitent, et l’on accroît donc ses connaissances.


  • morice morice 13 janvier 2012 13:07

    voxmachin : venant de celui qui se prend pour un Pacadis réussi, ça n’a aucun intérêt comme critique et ça ne tient pas debout : ça part sur le thème les vieux ont besoin de Viagra : comme l’auteur du texte, qui vieillit : en fait il parle de lui, comme faisait Pacadis....



    il entretien même son propre mythe, votre « critique »... 

    « Ma soeur connaissait un petit peu Pacadis qu’elle croisait au Palace, je l’ai découvert à travers elle. Elle et moi achetions beaucoup de presse rock (News Musical Express, Best mais curieusement pas Rock’n’Folk...). Vers 1982, je commence à lire Best, et les textes d’Eudeline étaient nettement mieux écrits que le reste. Je l’ai redécouvert ensuite à travers Huysmans, que j’ai adoré au lycée, et qu’Eudeline citait beaucoup. »

    vous avez déjà essayé de lire de l’ Eudeline ? NON ? je vous le conseille. Vous saurez comment ne pas écrire.


    plus loin il cite Yves Adrien : la novlangue va débouler.

    Pacadis, Eudeline :à partir de ça comment voulez vous faire des billets intelligents ? ça ne peut plaire qu’à des adeptes du branchisme. Comme vous.

    il dit : « C’est dans cette situation de grande violence des revendications politiques, de recréation d’un réel fantasmé, et de naissance d’un nouveau rock que les meilleurs critiques français des années 70 évoluent. On ne peut pas les séparer de ces mouvances politiques. »

    et voudrait en faire partie, votre crétin d’Azoury. Il peut toujours espérer, avec sa vision d’Eastwwod digne du comptoir en bas de ma rue...

  • morice morice 13 janvier 2012 13:14

    il y en a un autre sur King :



    le he Private Files of J. Edgar Hoover de 1977 film par Larry Cohen


    c’est supérieur.


    It’s unfortunate that none of the above material will be seen in Clint Eastwood’s movie version of Hoover’s life. I certainly recommend that anyone seeing this movie also have a look at my film, “THE PRIVATE FILES OF J. EDGAR HOOVER,” which MGM is releasing on DVD and can be purchased over Amazon and MGM Archives. It presents a much more accurate and full picture of Hoover’s career and behavior and Broderick Crawford is the precise image of Hoover.


    As my movie shows, they were all bad guys — the presidents, the politicians and the FBI director. There were no heroes — only ambitious men doing what was expedient. Hoover sacrificed the lives and reputations of many decent people in the interest of what he considered “the good of the nation.” It’s disgraceful and tragic –and it’s got the makings of a great movie. I have hopes that perhaps a new version of the script has been fashioned since the draft I received. But certainly my disappointment in what could have been the definitive J. Edgar Hoover movie must be expressed. And I thank you for your time and attentions in reading this — and hope that you’ll pass it on to your friends and fellow movie fans.

  • morice morice 13 janvier 2012 13:26

    « How Eastwood has managed to create so dull a film is actually quite stunning. »


    a colossal misfire that is, above all else, downright boring for much of its overlong running time...

    A laboured, morally questionable portrait of the would-be power broker that, moreover, is badly undermined by some dubious special-effects decisions.


    Not really a convincing and three-dimensional portrait of the life of Hoover.

    The picture has more of a « greatest hits » feel, rather than the feeling of a comprehensive, vivid portrait of the man’s life.

    c’est comme... Aviator en quelque sorte... 



    les tomates volent !

  • Intelle Intelle 13 janvier 2012 13:42

    Avant même de lire votre article j’avais décidé d’aller voir ce film, pour Clint Eastwood, cinéaste de génie après avoir été un grand acteur, et Léonardo di Caprio, jeune acteur talentueux qui n’a rien à envier à ses aînés.
    Pour les détracteurs de l’un ou de l’autre, n’allez voir un film que si vous avez de bonnes raison d’être attiré. Le sujet d’un film peut évidemment être différent de la réalité, mais nous allons au cinéma, pas voir un documentaire ! Il faut laisser s’exprimer l’imagination du réalisateur...


  • morice morice 13 janvier 2012 14:33

    Ce n’est pas ça : on peut romancer, mais passer autant à côté du sujet est confondant... Dans JFK, on est plus proche de la réalité, tout en étant romancé...


    • Yohan Yohan 14 janvier 2012 10:14

      Evidemment, Momo qui a fait de la CIA son principal ennemi et cheval de bataille se supporte pas que ce film ne soit pas un réquisitoire contre les US.
      De toute façon, s’il vous dit que le film est nul, alors, c’est qu’il faut aller le voir


  • Veaulubiliator99 Veaulubiliator99 13 janvier 2012 19:06

    Quand je vois comment sont les vieux américains et leurs justesses de pensées et leurs regards sur leurs sociétes (Eastwood, tomy lee jones...) et les notres... Ouch ! Il vaut mieux vieillir aux USA ca rend moins cons...


  • Alexis_Barecq Alexis_Barecq 14 janvier 2012 10:33


    Ce film est une banalisation du mal.

    Berk.


  • YVES JOAD YVES JOAD 15 janvier 2012 08:50

    J’ai vu le film qui est excellent. C’est bien interprété et bien mis en scéne. Eastwood est un Républicain et il exprime à la fois l’admiration pour un personnage qui a été une grande figure américaine (créateur d’une police moderne, entre autres), et aussi d’une certaine répulsion (envers certaines méthodes ; envers un racisme daté).


    Ceci dit ce dont je rêve serait une adaptatation cinématographique d’American Tabloid de Elroy qui parle aussi d’’Hoover ; si le film de Eastwood correspond à une vision de « droite » ; la vision Elroy (au demeurant homme de droite...) offre une vision sinon « de gauche », du moins « complotiste » au sens où Hoover est présenté comme l’instigateur des meurtres de Kennedy et King. Hormis ces aspects « complotistes » le livre d’Elroy présente un foisonnement et une mise en perspective de l’histoire des USA extraordinaire. Entre autres le trafic de drogues Asie-USA initié par les services secrets US pour financer leurs coups tordus. Ce trafic étant lui même porté par le mouvement Hippie anti guerre du Vietnam de ces années là...







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