Jane Austen et Joe Wright : Orgueil et préjugés
Je m’apprêtais à écrire une note pour dire tout le bien que je pensais de la nouvelle version cinématographique du roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés, actuellement proposée sur nos écrans, quand j’ai découvert avec retard l’article de Philippe Chevilley dans Les Echos week-end des 27-28 janvier derniers , "Le jardin secret des Midlands".
Ce texte, auquel je vous invite à vous reporter, fournit, dans une page particulièrement dense, une initiation subtile et délicate à l’univers de Jane Austen, cette romancière, morte à quarante et un ans, en 1817, après avoir écrit cinq chefs-d’œuvre immortels. Philippe Chevilley décrit également les lieux, entre Lincolnshire et Derbyshire, qui ont servi de décors au film, et fournit une série de renseignements pratiques pour visiter notamment les châteaux que les vicissitudes de l’histoire, contrairement à ce qui s’est passé dans notre pays, ont laissé intacts, et pour accéder à l’œuvre de l’écrivain.
Nombreuses ont été les adaptations d’ Orgueil et préjugés. L’avant-dernière a été celle de la BBC en 1995, qui avait atteint un tel degré de qualité qu’on pouvait imaginer que, pour une longue période, ce serait la dernière. Mais, dans l’univers anglo-saxon, beaucoup plus que chez nous, les artistes ont le respect et le goût des œuvres classiques, et ne sentent pas blâmés de les servir avec scrupule et fidélité en y appliquant toute leur intelligence et tout leur talent sans les travestir ou les caricaturer ou les « adapter librement », démarche insupportable qui est à l’origine des pires productions de la télévision française.
Tous les amateurs de Jane Austen retrouveront donc avec plaisir, dans ce film, les cinq demoiselles Bennet, leur mère et leur père, l’honnête, mais influençable, Bingley, l’odieux Wickham, le sombre et romantique Darcy, sans oublier le pasteur Collins et l’ineffable lady de Bourgh. Humblement, Judi Dench, Donald Sutherland, Keyra Knightley et Mathew MacFadyen mettent leur talent exceptionnel au service de ces personnages éternels. Mathew MacFadyen, dans le rôle de Darcy, réussit à faire oublier Colin Firth qui le jouait dans la version de la BBC de 1995, et ce n’est pas peu dire. La composition de Donald Sutherland en Mr. Bennet restera aussi dans les mémoires, comme celle de Keyra Knightley qui incarne magnifiquement Elisabeth.
Joe Wright, comme le dit fort justement Philippe Chevilley, évite tout académisme et restitue une Angleterre à la fois romantique et réaliste. Il le fait sans complaisance, mais aussi sans le parti pris réducteur que beaucoup d’adaptateurs ou de metteurs en scène contemporains pratiquent en appliquant au passé les jugements et les comportements d’aujourd’hui. Paradoxalement, cette démarche de fidélité permet de mettre en lumière le caractère universel et permanent des situations et des sentiments, imaginés il y a deux siècles par Jane Austen, et peut toucher, à mon avis, du même coup, plus profondément les cœurs et les esprits du XXIe siècle.