« Je me sens si bien chez vous » Squat en Stratégie Séductrice aux Blancs Manteaux
Cette comédie d'Eric Lourioux reprise dans un format élagué la rendant speed, percutante et donc apte à son export éventuel en Avignon off, n'en est pas moins "drôlement culottée" tant par sa thématique "coup fourré sous amnésie préméditée" que par ses implications d'harcèlement X, ses chantages allusifs ainsi que, cerise sur le gâteau, une interprétation fascinante et décoiffante de style "cougar diplomate & classieuse" prête à toutes les opportunités permettant de pressentir l'objectif sous-jacent, à savoir s'installer dans une résidence bourgeoise en incitant les valeureux propriétaires à déguerpir, histoire de profiter de cette villégiature à leur place.
Cependant en façade, c'est le pragmatisme burlesque qui sera mis à profit pour, de façon empirique, parvenir à ces fins car aucune intention apparente ne semble dicter le comportement de Marcelle fortement perturbée par des cocktails explosifs au point de perdre la mémoire, débarquant, à cour, dans la vie de Patrice un de ses "ex" partageant désormais l'intimité affective de Valeyre son amoureuse, alors qu'un livreur de pizza, tout fou, entrera, lui à jardin, avec de précieuses informations concernant la vie privée récente de Marcelle aux souvenirs ainsi défaillants ou tout au moins sélectifs.
Très rationnel, bien qu'ému par ces retrouvailles avec son ancienne maîtresse, mais voulant surtout bien faire, Patrice (Nathaniel Khorsand & mise en scène) essaiera de remettre d'équerre cette situation périlleuse et ambiguë alors que sa compagne (Jane Off) ressentira en permanence un trouble instinctif et prémonitoire tout en subissant elle-même les assauts d'un désir libinideux mal assumé.
Il faut dire que si, de son côté, le coursier Fabio (Zack Naranjo) peut effectivement inspirer une certaine fascination ostentatoire pour ses proies éventuelles, c'est peu de dire que Marcelle met toute l'assistance en émoi sans que rien ne semble pouvoir arrêter les ravages de séduction qu'Olga Shuvalova se plaît à dispenser avec grâce autour d'elle... en affichant "le grand jeu". Ils ne succombaient pas tous, mais tous étaient frappés !...
Puisqu'il s'agit, en l'occurrence, de profiter des faiblesses de ses interlocuteurs, des failles de leur esprit critique et finalement d'abuser du sens de l'hospitalité, l'on se dit que la comédienne trouve ici la pertinence d'un véritable rôle de composition qu’elle joue avec immense talent jusqu'au bout des implications contradictoires...
D'ailleurs la pièce est très bien construite avec deux mouvements simultanés antagonistes montrant d’une part l’intégration parallèle de Marcelle et Fabio à marche forcée mais fort efficace dans le foyer de Patrice & Valeyre alors que symétriquement ceux-ci s'enfoncent peu à peu dans des complications domestiques et professionnelles de plus en plus ingérables.
C'est cette double progression inverse qui génère à la fois le suspens et le comique de situation où chacun des quatre interprètes force le trait de son rôle de façon à rendre caricaturales l'hospitalité et la bienveillance face à la roublardise et l'arnaque de haut vol.
Mais cela mène néanmoins à un constat plus que troublant à l'épilogue car de fait la malignité triomphe sur toute la ligne et transforme en victimes consentantes le couple d'accueil en fuite vers un exil si possible meilleur pour eux.
On l'aura compris, il s'agit d'une parodie poussant allègrement le bouchon de la farce jusqu'à ses extrêmes limites et conséquences transgressives en osant ainsi ne laisser planer aucun doute moral sur la victoire totale des malins sur les naïfs.
En tout cas, mille bravos aux comédiens qui incarnent leurs partitions respectives avec une conviction totalement confondante... et franchement désopilante.
photos 1 à 5 © Ricardo Figuiera
photo 6 © Theothea.com
JE ME SENS SI BIEN CHEZ VOUS - **.. Theothea.com - de Eric Lourioux - mise en scène Nath Khorsand - avec Nathaniel Khorsand, Olga Shuvalova, Jane Off & Zach Naranjo - Théâtre des Blancs Manteaux