jeudi 23 avril 2020 - par Sylvain Rakotoarison

Jean Carmet Lajoie

« Celui qui dit qu’il est arrivé, c’est qu’il n’est pas allé bien loin. » (Jean Carmet).

Jean Carmet

L’acteur français Jean Carmet est né il y a 100 ans, le 25 avril 1920. Comme d’autres, il avait 20 ans en 1940. C’est toujours impressionnant de se retrouver dans cette génération à une époque si troublée. Il a quitté ses études et est monté à Paris, il a travaillé dans des théâtres. Grande carrière au théâtre, au cinéma et à la télévision. Il aurait dû jouer le personnage de Michel Serrault dans "Le bonheur est dans le pré" réalisé par Étienne Chatilliez, mais il est mort le 20 avril 1994, à quelques jours de ses 74 ans.

Pour les plus de 35 ans, impossible de ne pas connaître Jean Carmet, présent dans plus de deux cents films au cinéma sans compter les nombreux téléfilms. Pour les plus jeunes, la rediffusion de films anciens devrait suffire à le faire connaître.

À l’écran, il incarnait typiquement le "beauf au grand cœur". Il n’était pas vraiment beauf dans la vraie vie mais il avait un grand cœur assurément. Il y avait d’abord sa physionomie, qui, avec l’âge, est devenu une véritable caricature, un peu maladroit, un peu gauche, l’œil pas très à l’aise. Un esprit comique révélé très naturellement. Il avait le look du "beauf" comme d’autres pouvaient avoir le look du "Français moyen" (exemple, Jacques Marin).

Certes, de tous ces films, certains n’ont pas brillé pour leur finesse et disons-le même, certains étaient même des navets, même si certains navets se mangent en soupe, comme "La soupe aux choux", réalisé par Jean Girault (sorti le 2 décembre 1981), dont l’adaptation est particulièrement pourrie mais qui permet de revoir le duo Louis de Funès (son avant-dernier film) et Jean Carmet, voire trio en rajoutant Jacques Villeret. Picorons alors ici le cinéma de Jean Carmet.

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Il a commencé par le théâtre à 20 ans, a rapidement fait des petits rôles pour le cinéma, mais sa notoriété a fait un bond lors de la sortie, le 6 décembre 1972 (il a déjà 52 ans !), de l’excellent film comique "Le Grand Blond avec une chaussure noire". Jean Carmet est l’ami de Pierre Richard (qui a une liaison avec sa femme), aux côtés de Mireille Darc, Bernard Blier et Jean Rochefort. Jean Carmet campe un personnage assez naïf, petit, aveugle, incapable de s’adapter à des situations exceptionnelles. Il fait parfois plus rire que l’acteur principal en titre, Pierre Richard (le réalisateur Yves Robert a dû insister pour avoir Pierre Richard et Jean Carmet, que certains producteurs voulaient remplacer par Claude Rich et Jean Lefebvre).

À partir de ce film devenu "culte", Jean Carmet a multiplié les seconds rôles à vocation comique. Le film qui l’a hissé au rôle principal ne lui a pas fait jouer un personnage très sympathique : "Dupont Lajoie", réalisé par Yves Boisset (sorti le 25 février 1975), film qui, lui aussi, a fait date, plus sociologiquement voire politiquement que culturellement. Aux côtés notamment de Pierre Tornade, Jean Bouise, Isabelle Huppert, Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret, Victor Lanoux, etc., Jean Carmet est un vacancier habitué, avec sa petite famille, à un camping du Sud, au bord de la mer. Le scénario raconte un viol suivi d’un meurtre sur fond de racisme, le crime est commis par un prétendu "bon Français" qui fait accuser des travailleurs immigrés algériens. Des campeurs voulant faire justice eux-mêmes tuent l’un des Algériens. Les pouvoirs publics noient l’affaire pour éviter des émeutes racistes.

Autre film majeur pour Jean Carmet, "Le Sucre", réalisé par Jacques Rouffio (sorti le 15 novembre 1978), où il est le personnage principal, le petit boursicoteur qui se fait escroquer par le grand spéculateur Gérard Depardieu, aux côtés d’autres personnages tout aussi cyniques joués par Michel Piccoli, Roger Hanin, Claude Piéplu, etc. Ce film très intéressant pour comprendre et populariser le mécanisme boursier lui a valu sa première nomination au César.

Dans ces années 1970, Jean Carmet s’est donc installé en contre-héros reconnu. Il joue aussi dans un film insolite, aux répliques absurdes, "Buffet froid", réalisé par Bertrand Blier (sorti le 19 décembre 1979), aux côtés de Bernard Blier et Gérard Depardieu (et aussi Michel Serrault). Là encore, il n’a pas le beau rôle mais il montre sa grande capacité à faire de l’humour très british, somme toute.

Dans "Les Misérables" réalisé par Robert Hossein (sorti le 20 octobre 1982), comment éviter Jean Carmet en Thénardier ? Dupont Lajoie était cafetier quelques années plus tôt. Le rôle de Jean Valjean est alors pour Lino Ventura et celui de Javert pour Michel Bouquet. César du meilleur acteur de second rôle.


Jean Carmet intervient peu dans le célèbre film "Les Fugitifs" réalisé par Francis Veber (sorti le 17 décembre 1986), qui met en avant le duo Pierre Richard et Gérard Depardieu (un duo qui a bien déjà fonctionné dans "La Chèvre"), mais il est difficile de ne pas éclater de rire quand on le voit en vétérinaire retraité et solitaire, à la limite de la dépression (il a été même nommé pour le César du meilleur second rôle). À noter que le personnage du commissaire fut joué par l’acteur Maurice Barrier qui est mort du covid-19 le 12 avril 2020 en Bourgogne à l’âge de 87 ans.

Je termine ma sélection personnelle et totalement arbitraire par le fameux "Roulez jeunesse !", réalisé par Jacques Fansten (sorti le 28 avril 1993), l’un des derniers films auxquels il participa (avec "Germinal" de Claude Berri), où il tient le rôle principal aux côtés de Daniel Gélin (avec la participation notamment de l’adorable Gisèle Casadesus). Ce film donne une autre vision (que celle d’aujourd’hui) des …EHPAD !

Mine de rien, bien qu’antistar, Jean Carmet a été largement reconnu de son vivant par la profession, puisqu’il a reçu trois Césars, dont un d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, remis en 1994 par son grand ami Gérard Depardieu (et il fut nommé à quatre autres occasions pour les Césars). Dans ses rôles, on a tendance à l’identifier non pas à un membre de la famille (ni oncle, ni cousin), mais plutôt à un voisin, un peu distant mais "en même temps" très chaleureux, qu’on n’envie pas mais qui peut aider et secourir, parler pour éviter la déprime.

Pierre Tchernia lui a rendu un grand hommage dans un documentaire diffusé le 17 avril 1997 sur Canal Plus, et la ville de Moulins l’honore régulièrement avec son Festival Jean Carmet qui récompense la deuxième semaine d’octobre les seconds rôles et les jeunes espoirs. Parmi les lauréats de ce festival, on peut citer Catherine Frot (1996), Jean-Pierre Darroussin (1996), Patrick Chesnais (1997), Sylvie Testud (2000), Stéphane Guillon (2001), Rufus (2003), Gilbert Melki (2006), Bernard Menez (2014), Diane Rouxel (2015), Laetitia Dosch (2016), Lucie Debay (2018), Anaïs Demoustier (2019), etc. En raison de la crise sanitaire, je ne sais pas si l’édition d’octobre 2020 sera organisée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alfred Hitchcock.
Jean Carmet.
Éric Rohmer.
Suzy Delair.
Kirk Douglas.
Jean Ferrat.
Roman Polanski.

Michèle Morgan.
Miou-Miaou.
Juliette Gréco.
Marina Foïs.
"Le Cercle des Poètes disparus".
Robin Williams.
Suzy Delair.
Michel Piccoli.
Gérard Oury.
Pierre Arditi.
"J’accuse" de Roman Polanski.
Faut-il boycotter Roman Polanski ?
Adèle Haenel.
Michel Bouquet.
Daniel Prévost.
Coluche.
Sim.
Marie Dubois.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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2 réactions


  • In Bruges In Bruges 23 avril 2020 11:47

    Comment peut-on faire une telle diarrhée dialectique sans mettre des liens avec la seule chose qui vaille :

    -les fulgurantes « brèves de comptoir » de ce type brillant ( le Vialatte de chez nous)

    -et l’extrait de « Buffet froid » touené dans la gare RER de La Défense ???


  • BabyStefani 4 juillet 2020 15:14

    Est-ce un article mémorable sur les acteurs grands film ? les films https://voirfilm.red sont si intéressants 


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