lundi 21 septembre 2009 - par Yasser Monkachi

L’art entre amalgames, starification et médiocrité

L’art … c’est super ! Surtout lorsque l’artiste en est un ! un vrai ! me disait une amie sur mon réseau social. Si ce n’est que subjectivité de chercher à catégoriser les artistes, il y aurait bien un minimum de pré requis, de talents et d’engagement pour s’en prévaloir.

L’artiste des temps modernes est déchiré entre plusieurs repères et subit une réelle saturation de concepts. Certains se disent contemporains mais cela ne résout pas pour autant leur désarroi. D’autres, plus médiatisés ceux-là, surfent sur la vague d’une marchandisation aveugle alors qu’une dernière catégorie de décalés souffre dans l’ombre, faute de public conséquent.

Amalgames ou la mondialisation de l’art

Si les conséquences désastreuses de l’intensification des échanges sur l’économie et l’environnement ne sont plus à démontrer, force est de constater leurs dégâts considérables sur l’art et la culture : acculturation, marchandisation, mélanges et fusions… Je n’aime pas personnellement ce mot fusion qu’on met actuellement à toutes les sauces et qui, à mon sens, donne un nouveau souffle à la folklorisation.

Au Maroc, on s’amuse à fusionner tout et n’importe quoi. La principale victime de cette tendance est la pauvre tradition Gnawa. Pour rappel, la confrérie Gnawa perpétue une tradition thérapique et spirituelle ancestrale dont les racines se trouvent au cœur de l’Afrique et les fruits en Afrique du nord. A cause d’une fusion maladroite et mercantile, le rythme Gnawi est maintenant mis à toutes les sauces : du rock au reggae en arrivant à l’électro ! Le résultat est, à mon sens, catastrophique. Quelques expériences ont tenté une fusion intelligente comme Gnawa diffusion, Renaud Garcia-Fons, Karim Ziad, ONB,… Mais les bilans sont dans l’ensemble mitigés : en s’éloignant de la pureté d’un style, la musique perd en profondeur, en simplicité et se trouve souvent dénaturée et quelconque.

Starification ou la machine à produire des Stars

Grâce à la téléréalité, à la télécommunication et aux médias, la promotion artistique a connu une véritable métamorphose. Vous êtes jeune, beau et « talentueux », allez on vous propulse. Certains vont à contre courant de ce modèle (le cas de l’écossaise Suzan Boyle) pour soi-disant créer l’antithèse, désolant ! Ce qui est marrant dans cette affaire est que c’est l’audience, très naïve et très disputée d’ailleurs, qui décide par envoi de sms : toute une filière ! Les produits de cette industrie du spectacle sont des personnages travaillés et manipulés à coup de chirurgie esthétique, de soins intensifs et de faux coaching. Et c’est comme ça que l’on fabrique des stars !

La starification ou vedettariat ne date pas d’aujourd’hui. Née au début du siècle dernier sans doute chez l’oncle Sam, elle devient vite un vrai phénomène de société. Ses figures de proue et victimes à la fois : Marilyn Monroe, Michael Jackson, Madonna, Rolling Stones, les boys bands sans exception sans oublier la pulpeuse Britney Spears… et plus récemment dans le paysage médiatique arabe Nancy Ajram et Cie.

Au pays du soleil couchant, le phénomène bat son plein malgré des ressources comparativement limitées. Les chaînes nationales en font même leur cheval de bataille et ne cessent de produire des stars et avec eux, de la médiocrité. 

Médiocrité à toute épreuve !

Flash back : Maroc, années 70, émission « Maouahib » (Talents).

L’animateur de cette émission n’était d’autre que l’emblématique Abdenbi Eljirai. A chaque fois qu’un candidat chantait faux aux essais, il l’interpellait de sa question fatale : Avez-vous fait le conservatoire mon cher enfant ? L’autre souvent répondait non. Eh ben mon enfant, lui répliquait-il : va corriger ta voix et reviens nous voir. Ceci est une histoire vraie !

Cette anecdote qui témoigne de l’esprit Makhzanien de l’époque nous apprend que toute chose a son revers de médaille. N’est ce pas ce système là qui nous a révélé des Samira Bensaid, Aziza Jalal, Abdelhadi Belkhayat, Mohammed ElHayani et la liste est longue ?

De nos jours, et grâce à la téléréalité, on ne produit plus des artistes mais des stars qui, une fois passés à la télé, développent, on dirait, un complexe de supériorité. Ce dernier les empêche de s’inscrire dans un processus d’apprentissage et de développement personnel. Certains ont certes du potentiel, du talent à en revendre et tous les pré requis pour devenir artistes mais en se précipitant sur cette voie, devenu quasi-inévitable, deviennent victimes de leur pseudo-succès.

L’art, résistera-t-il aux amalgames, à la starification et à la production d’une médiocrité à toute épreuve ? La réponse est manifeste sur nos chaînes de radio et de télévision, nos écrans de cinéma, nos spots et affiches publicitaires ainsi que nos médias sociaux. En posant la question à un expert, il m’a simplement répondu qu’il ne faut pas confondre l’industrie du spectacle, qui est une forme de création, avec la création artistique. Des Flaubert et des Manet, il y en aura toujours !

Yasser Monkachi 

19.09.2009



2 réactions


  • norbert gabriel norbert gabriel 21 septembre 2009 15:32

    on peut aussi se poser la question « qu’est-ce qui établit qu’un individu lambda est un artiste ? »

    qu’il fasse un album de chansons dans sa cuisine ? qu’il le décrète lui-même ? et sinon qui serait le grand décideur apte à décerner un brevet d’artiste ? le public ? pas celui qui a élu Magalie Vae ou Cyril Cinelu dans la StarAc mais n’a pas acheté leurs disques... alors qui ?
    la commission créée par le président ??? artiste d’état, façon soviétique, ce serait drôle ...


  • moebius 21 septembre 2009 21:15

    ..c’est idiot..... moi je suis un artiste parce que je le suis


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