mardi 19 octobre 2010 - par
L’homme descend du Songe
Rêver, c’est un peu tout ce qu’il reste à l’être humain pour se forger un désir…
D’autant que certains refusent de prendre leurs réalités pour un rêve.
Alice, au pays de ses merveilles, s’était réfugiée dans son rêve, pour en faire sa réalité.
Elle se crée un rêve dans un autre monde pour échapper à cette vie qu’elle n’a pas envie de vivre.
D’autres plus pragmatiques, ont décidé de s’en tenir à une réalité possible, et écartent le rêve comme un but impossible à atteindre.
Et pourtant, ne nous faut-il pas construire des rêves pour permettre le changement de nos réalités ? lien
Plus prosaïquement, pour rêver, il faut dormir, et plus notre temps de sommeil est long, plus nombreux seront nos rêves.
Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour nous, puisqu’aujourd’hui, nous dormons moins qu’auparavant.
En 50 ans, le temps de sommeil moyen a diminué de 1h30, conséquence du stress et du temps passé devant les écrans (de télé ou d’Internet).
La moitié des Français se plaignent de mal dormir, et 9% des adultes souffrent d’insomnie sévère. lien
On peut mourir de manque de sommeil : des expériences cruelles faites sur les animaux le prouvent. (Sur les rats par exemple). lien
Mais la mort n’est-elle pas un scandale, comme l’ont écrit Marie de Hennezel et Jean Yves Leloup dans leur livre « l’art de mourir » (robert laffond éditeur 2008) ?
Nous passons près d’1/3 de notre vie à dormir, et 10% de notre vie à rêver.
Pour Pierre Lory, « dans les sociétés archaïques, le rêve est en tout cas le moyen privilégié d’entretenir des rapports avec la surnature : de connaître les événements cachés, présents ou à venir, de maintenir l’équilibre avec le monde des défunts (…) certains anthropologues ont été jusqu’à suggérer que l’expérience du rêve aurait présidé à la naissance de l’art, et que les peintures rupestres préhistoriques que nous pouvons contempler aujourd’hui reproduiraient des visions de type chamanique ». lien
C’est ce qu’écrivent J.Clottes et D. Lewis-Williams dans leur livre « les chamanes dans la préhistoire » (éditeur Le Seuil, 1996).
Michel Jouvet neurophysiologiste à l’université Claude Bernard, de Lyon, membre de l’académie de médecine a découvert « le sommeil paradoxal ». lien
Paradoxal puisque à ce moment, contrairement au « sommeil léger », nos muscles sont totalement relâchés, au moment ou notre activité cérébrale est intense.
En effet, à ce moment de notre sommeil, nous avons au niveau de notre encéphalogramme une activité aussi importante que lorsque nous sommes éveillés et particulièrement concentrés.
Il raconte çà dans son livre « le Sommeil et le Rêve » (éditions Odile Jacob).
Il nous décrit les principales phases du sommeil :
Nous entrons dans une phase de sommeil à ondes lentes : ce sommeil appelé sommeil léger, dure 25 minutes environ, puis suit le sommeil paradoxal. C’est là que naissent nos rêves.
Le phénomène du sommeil paradoxal a été constaté chez la plupart des homéothermes (êtres vivants à température constante).
Les homéothermes dorment beaucoup durant leurs premiers jours, et on de longues phases de sommeil paradoxal.
Il formule l’hypothèse que notre programmation génétique est réitérée au cours de la vie, et qu’une reprogrammation génétique à lieu durant le sommeil paradoxal.
Cette hypothèse audacieuse est passablement critiquée par certains de ses confrères.
Pourtant Michel Jouvet persiste et se base sur des travaux récents menés par des chercheurs américains.
Ils portent sur le parcours de jumeaux, n’ayant pas été élevés ensemble, et certains allant jusqu’à rêver les mêmes choses, au même moment.
Michel Jouvet va encore plus loin.
Il affirme que nous sommes ce que nous sommes parce que nous rêvons.
L’un des rêves que l’on trouve le plus souvent, et dans toutes les civilisations est celui du vol.
Or dans ce rêve, le corps, bien sur, ne vole pas, même si nous nous souvenons d’avoir volé.
Ce qui implique que notre corps est fabriqué de « quelque chose de matériel », et il y a « quelque chose qui pourtant quitte la tête ».
Ce « quelque chose » immatériel de nature, peut rencontrer les dieux, les démons, ou même se projeter dans le temps, amenant ainsi les « rêves prémonitoires ».
Cela nous ramène au concept que l’on trouve dans toutes les civilisations, celui d’une âme quittant le corps.
C’est pour cette raison qu’aujourd’hui encore, le fellah égyptien, se met un turban sur la tête pour empêcher, croit-il, son âme de quitter sa tête, et pas seulement pour se protéger du soleil.
C’est exactement le même phénomène qui se produit avec le rêve : il quitte notre tête à la découverte d’un autre monde.
Michel Jouvet pense que l’homme n’aurait pas pu inventer ce qu’il a fait, s’il n’avait pu rêver.
Etudier le rêve, c’est donc étudier le sacré.
20% des humains ne se souviennent pas de leurs rêves, d’autres plus imparfaitement.
Tout dépend du temps qui s’écoule entre la fin du dernier rêve, et le réveil. Plus ce temps est long, moins grandes sont nos chances de nous souvenir de nos rêves.
Pour se souvenir de nos rêves, il faudrait donc avancer notre réveil de quelques minutes, afin de raccourcir le temps qui s’écoule depuis la fin du rêve jusqu’au réveil.
En fin de compte, Michel Jouvet reprend à son compte la pensée de Shakespeare : nous sommes ce que nous rêvons. (« nous sommes de l’étoffe dons sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil ») (extrait de « la Tempête »)
Ce qui revient à dire que si nous ne rêvons pas, nous ne sommes pas.
On peut écouter une interview de Michel Jouvet sur cette vidéo en trois parties.
Chaque nuit, nous passons plus d’une heure à rêver, mais certains y passent toute une vie. lien
En politique, les futurs élus le savent.
Ils nous proposent du rêve à l’infini.
Et comme nous avons envie de rêver, nous faisons confiance à celui (ou celle) qui nous les propose, quitte à déchanter par la suite.
Ce rêve là est un jeu cynique.
Il ne relève que de la communication, ou pour être plus clair de la séduction, voire du mensonge.
Il n’est pas un rêve. Il en utilise la forme, il en a l’apparence, mais n’est qu’une illusion.
Le rêve de l’illusionniste n’est donc qu’une manœuvre habile pour nous faire croire à la réalité de ce que nous voyons.
L’illusionniste n’est pas un magicien.
Il peut être un artiste. lien
Il peut-être aussi un « faiseur », un manipulateur habile, capable de détourner notre attention, pour nous laisser croire au miracle.
« Ensemble tout devient possible », on connait la chanson.
Le magicien, c’est le rêveur.
Il se forge un désir, et ce désir pourrait être le moteur du sens de sa vie, à tel point que ce rêve peut se réaliser porté par « la foi » de celui qui y croit.
Ce rêve là est un point tout au bout de notre horizon, un point que nous voulons atteindre, et qui nous maintient en vie.
Mais programmer ainsi « une carrière » nous fait courir le risque de ne pas tenir compte du chemin que nous allons emprunter pour arriver à ce but.
« Le bonheur c’est le chemin » dit un proverbe tibétain.
C’est aussi ce que dit cette chanson. (Le chemin)
Il y a pourtant une autre piste : il est décrit dans un film récent « inception » dont l’argument est que le rêve ne serait que le niveau -1 de la réalité.
Le film propose des méthodes afin de revenir d’un niveau de rêve à un autre moins profond, mais encore mieux, (ou pire) à la réalité. lien
Le rêve prémonitoire est trompeur. Il peut aussi bien révéler une situation à venir, mais elle peut avoir un double sens.
L’histoire est connue de ce roi qui, ayant envisagé de soumettre un pays voisin, a fait un rêve. Il prend ce rêve comme un signal, et décide d’envahir son voisin, lequel en profite pour l’envahir à son tour.
Son rêve était juste, mais mal interprété.
Les exemples de rêves prémonitoires sont légion : telle cette psychanalyste (et donc rationaliste) américaine, ayant rêvé d’un accident arrivant à sa sœur, à un endroit précis, accident qui se produisit trois jours plus tard. lien
L’interprétation des rêves est subjective, même s’il en existe des dictionnaires. Certains affirment que rêver d’une personne qui part en voyage est prémonition de mort.
Sur ce lien, le témoignage d’une internaute qui n’a que la crédibilité que chacun voudra bien lui apporter.
Il y a enfin l’inconscient collectif évoqué par Carl Gustav Young, qui devrait nous permettre de rêver des évènements passés.
« L’homme descend du songe », c’est la devise de Georges Moustaki.
Alors, avant que nos vies ne tournent au cauchemar, rêvons toujours plus, et essayons de faire de nos rêves une possible réalité.
Il arrive aussi que les rêves d’un président ne correspondent pas à celui de ceux qui l’ont élu, comme on peut le voir sur cette vidéo.
Car comme disait mon vieil ami africain :
« Si tu peux être dans mes rêves, je pourrais être dans les tiens ».