lundi 7 novembre 2005 - par LM

L’impossibilité d’un prix

Une fois de plus, le Goncourt déçoit. Un écrivain était en lice cette année, mais le pompon lui échappe, attrapé par un belge en panne d’inspiration. On achève bien la littérature.

Michel Houellebecq ne pouvait pas avoir le Goncourt, c’était joué d’avance. D’une part, parce qu’il est un véritable écrivain, qui a plutôt tendance à écrire de bons romans, et qu’il est rare que le Goncourt récompense un bon roman. Ensuite, parce qu’il est de son époque, contrairement aux membres du jury Goncourt, tous hors d’âge, courbaturés, ventripotents, ou les dents dans l’eau, très à l’ouest, finalement, de l’univers glacial et hyper réaliste de Houellebecq. Enfin, Houellebecq ne pouvait pas avoir ce prix parce que le Goncourt s’offre en général à tous ceux qui ne lisent jamais, c’est le cadeau idéal quand on ne sait pas quoi acheter, à la grand-mère, aux pompiers, au facteur, au cousin, à l’oncle d’Amérique.

Donc, pour Houellebecq, c’était cloué d’avance, il allait encore porter sa modeste croix de perdant, alors même que de nombreux pays d’Europe lui font un triomphe, et saluent en lui le seul écrivain français valable du moment.

Mais les jurés de l’Académie Goncourt lui ont cette fois ci préféré un auteur belge, et à ce rythme finiront par décerner ce prix à Nothomb, un de ces quatre !

Houellebecq aurait mérité le prix pour Plateforme, sans doute meilleur que La Possibilité d’une île, mais même moins bon, ce dernier se plaçait tout de même bien au-dessus de la production littéraire française de l’année.

Bon, on ne va pas quand même faire le coup de Céline, qui l’avait raté pour le Voyage, Houellebecq n’est pas Céline, et n’écrira sans doute jamais un roman s’approchant un tant soit peu du Voyage. Mais quand même. Quand même, on ne peut s’empêcher de sourire jaune une nouvelle fois, non devant le résultat du vote, mais devant les gesticulations de certains qui tendent à le justifier. Trop de marketing, ose dire Decoin, qui prétend qu’il avait le sentiment qu’on lui forçait la main. N’importe quoi. Comme si le Goncourt était autre chose qu’une opération marketing qui vise à vendre le plus d’exemplaire possible d’un roman, et qui d’ailleurs ces dernières années a lamentablement échoué dans son entreprise. Et puis, il y en a assez, des mois que ça dure, de reprocher à Houellebecq la campagne marketing orchestrée par son éditeur, on s’en fout complètement, l’important c’est le roman lui-même, pas comment on le vend. Les belles âmes vertueuses qui voient dans tout ce qui est commercial quelque chose de « suspect » ne font ni de bons auteurs, ni de bons critiques. Ils n’ont rien compris. Et ceux qui n’ont pas accordé le bandeau rouge à Houellebecq cette année, alors qu’en le faisant ils avaient l’occasion, pour la première fois depuis au moins quinze ans, de saluer ainsi l’œuvre d’un véritable auteur, dense, complexe et riche, ceux-là continuent par leur choix de montrer qu’ils n’y connaissent pas grand-chose, ou qu’ils n’y entendent plus rien, peut-être, eux qui ont depuis longtemps dépassé l’âge de la retraite.

L’Académie Goncourt, c’est un peu le Variété Club de France ! D’anciennes gloires, trop relâchées, trop épaisses aujourd’hui pour prétendre à une place de titulaire. Certains parmi eux sont lucides. Ils sont rares. La grande majorité de ce club fermé est constitué de zouaves, anciens plumitifs, qui ont trouvé là une occupation intéressante pour passer le temps en attendant l’inéluctable.

Le Goncourt n’a que faire de littérature, en somme, il s’occupe juste de satisfaire les intérêts économiques (en criant leur indépendance) de certaines grandes maisons d’édition, ou grands groupes comme Hachette, grand vainqueur cette année avec Weyergans et Bouraoui et Dantzig aussi, primé pour son dictionnaire de la littérature.

Le Goncourt ne récompense pas les grandes plumes, il se contente de revenir chaque année, comme le beaujolais dit « nouveau » qui embrouille les estomacs et ne convainc personne parmi les amateurs de bons vins.

En somme, il est vain de ruer chaque automne dans les brancards devant l’absurdité du choix. Oui, mais là, comme en 2001, le Goncourt s’en prend à Houellebecq, c’est-à-dire à l’écrivain, le seul sans doute en France, essentiel à l’époque. Le Goncourt le dénigre, le méprise, le place dans ses choix aux côtés de débutants fades (Adam) ou d’anciens prometteurs devenus décevants ( Toussaint). Le Goncourt n’aime pas Houellebecq, alors même que ce dernier aurait volontiers goûté la récompense.

Alors, que faire ? Lire La possibilité d’une île, si ce n’est déjà fait. Réformer le système de jurés, proposer chaque année un jury différent, faire descendre de leur piédestal ces vieux beaux qui se prennent pour les seuls et uniques détenteurs de la vérité en matière « d’œuvre en prose », cesser les conflits d’intérêts qui nuisent au bon déroulement des délibérations, et arrêter, enfin, de nous faire croire que chaque choix est le meilleur, quand tout le monde connaît la musique et n’est plus dupe.

Houellebecq n’aime pas les Hommes, n’aime pas l’Islam, n’aime pas Fogiel. Houellebecq aime les chiens. Il se déplace de librairie en librairie, dans sa voiture personnelle, pour faire des lectures publiques, émouvantes et drôles. Les Italiens le lisent, les Allemands l’adorent, les Français font mine de rester dubitatifs. Enfin certains. Une chose est sûre, il n’ira pas passer trois jours chez sa mère. Ni chez Drouant.



8 réactions


  • Chem Assayag (---.---.165.72) 7 novembre 2005 20:07

    Votre analyse sur le Goncourt est assez juste ; en revanche on peut être assez nettement en désaccord avec vous sur l’estime que vous portez à Houellebecq. En faire le seul écrivain français valable c’est aller assez (très) vite en besogne... mais bon il s’agit d’une affaire de goût. En revanche dépeindre Houellebecq comme étant totalement indépendant du cirque médiatique monté autour de lui c’est ne pas rendre hommage à son sens de la communication : il en joue, en rejoue et en abuse parfois, au risque de masquer son oeuvre. Cdt,


  • jeanflo (---.---.208.161) 8 novembre 2005 12:17

    Mais que de chauvinisme exacerbant et exacerbé !

    L’humilité est le signe de souffrances, d’expériences et de connaissances et cela est identique pour un ivoirien, malien, etc...ou belge


  • Olivier (---.---.123.83) 8 novembre 2005 14:43

    Décerner un prix à un écrivain belge ... mais quelle drôle d’idée ... vraiment les membres du jury sont tombés bien bas ... Je suppose, M. Massoulier, que vous n’imaginiez même pas que les belges sachent lire ... donc aller jusqu’à écrire un roman, et potentiellement un bon roman, c’est tout à fait invraisemblable. Petit racisme ordinaire.


  • Alexandre Santos (---.---.183.195) 8 novembre 2005 16:00

    Vous pouvez ne pas être d’accord avec le juri, et peut être même avoir raison, qui sait ?

    Mais exprimer une telle arrogance envers les belges est par contre sidérant. J’en suis presque embarassé pour vous de l’image que vous laissez transparaître publiquement.


  • (---.---.32.216) 9 novembre 2005 06:36

    Si vous aviez lu Houllebecq, vous ne seriez pas aussi déçu qu’il n’ait pas eu le prix !


  • Marc (---.---.122.184) 12 novembre 2005 00:28

    Que votre petit candidat préféré n’ait pas gagné un prix, que cela vous chagrine et que vous en fassiez une petite crisette de nerf, soit pourquoi pas, ... mais que vous en profitiez pour distiller le mépris que vous ressentez à propos d’un peuple voisin, voilà qui est révoltant.


  • Lambrechts Francis (---.---.214.116) 12 novembre 2005 14:15

    Que répondre ... il y a déjà des voitures qui flambent, maintenant les livres primés ?


  • (---.---.24.150) 24 décembre 2005 10:29

    Houellebecq, berck


Réagir