samedi 10 novembre 2018 - par Sylvain Rakotoarison

L’infatigable Ennio Morricone

« Le compositeur aux 500 bandes originales sourit lorsque l’abondance de son travail est comparée à celle de Mozart ou Rossini. » ("Le Figaro").

Ennio Morricone

Depuis plusieurs siècles, les compositeurs de musique ont principalement une fonction de divertissement. Il y avait longtemps, la musique pouvait donc accompagner des loisirs comme les opéras ou les ballets (à moins que ce ne fût l’inverse). C’était donc normal qu’à partir du développement du cinéma parlant (et même avant, puisque la musique accompagnait déjà le film), la composition musicale entrât pleinement dans la création cinématographique au même titre que le scénario, les dialogues, les décors, les costumes, etc.

Au début, on prenait des morceaux musicaux déjà existants pour accompagner les films (on peut continuer à faire ainsi, c’était le cas du film "2001, l’Odyssée de l’Espace"), et petit à petit, on composait de la musique spécialement dédiée au film réalisé.

Or, la création musicale au cinéma a cet avantage sur la création artistique en général et musicale hors cinéma en particulier, c’est qu’elle fait partie intégrante d’une véritable industrie, et qu’à ce titre, elle peut plus facilement être "monnayable" par le "marché" (bouh !), bien au-delà des subventions d’État ou des dons de bienveillants mécènes. De plus, elle peut acquérir rapidement une certaine notoriété, au rythme des acteurs, des réalisateurs et de leurs films, avec leur lot de récompenses (Oscars, Césars, etc.).

L’un des grand musiciens français du cinéma vient de disparaître, Francis Lai (j’y reviendrai). Comme lui, certains de ses collègues, compositeurs de musique de film, sont très connus et sont connus surtout par leurs œuvres pour le cinéma. C’est le cas notamment des compositeurs français Maurice Jarre (1924-2009), Michel Legrand (86 ans), Vladimir Cosma (78 ans), Éric Serra (59 ans), ou encore Alexandre Desplat (57 ans).

Probablement le plus connu au monde des musiciens du cinéma, peut-être le plus fécond également, c’est l'Italien Ennio Morricone qui fête son 90e anniversaire ce samedi 10 novembre 2018. Il est difficile d’ignorer sa musique, à moins de n’avoir regardé aucun film depuis une cinquantaine d’années.

Ennio Morricone est né à Rome et cela fait plus de soixante ans qu’il compose de la musique pour films. La somme de ses œuvres est si monumentale qu’il serait bien périlleux et ennuyeux de les citer toutes. Ses premières compositions datent de 1957. Sa dernière œuvre fut pour le film "A Rose in Winter" réalisé par Joshua Sinclair et sorti le 13 mai 2018.

Ennio Morricone, joueur de trompette, compositeur, est aussi un chef d’orchestre. Malgré son âge avancé, infatigable, il est actuellement en tournée européenne dans une trentaine de villes et dirige une quarantaine de concerts. Le 23 novembre 2018, il sera ainsi à Paris, le 24 novembre 2018 à Bruxelles, le 26 novembre 2018 à Londres, le 19 janvier 2019 à Cracovie, le 21 janvier 2019 à Berlin, le 23 janvier 2019 à Budapest, le 25 janvier 2019 à Prague, le 27 janvier 2019 à Stockholm, le 28 janvier 2019 à Oslo, et enfin, le 13 février 2019 à Anvers.





Cette tournée est triomphale, les salles sont immenses et remplies, à la proportion de son talent : « Me produire dans toutes ces villes devant un public si large, aux âges et aux cultures si variés, est une expérience des plus enrichissantes. Cette année, je fête soixante années d’une carrière durant laquelle j’ai composé plus de 600 musiques. ». Parmi ces 600 musiques, 100 sont des œuvres originales non destinées au cinéma, comme "Concerto pour orchestre" en 1957, "Cantate pour l’Europe" en 1988, et même une messe dédiée au pape François en 2015, "Missa Papae Francisci".

Ennio Morricone a vraiment commencé ses tournées de chef d’orchestre à partir de 2001. Il a dirigé un concert le 2 février 2007 à New York en l’honneur du nouveau Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-Moon, et la même année, le 7 juin 2007 à Cracovie devant 40 000 spectateurs en l’hommage à l’ancien pape Jean-Paul II.








Ce qui est étonnant, c’est que malgré ses 500 musiques de film, il a reçu certes beaucoup de récompenses et énormément de reconnaissance, mais peu d’Oscars et aucun César par rapport à sa production. Il a reçu un Oscar de la meilleure musique de film très tardivement, en 2016, après cinq autres nominations, pour "Les Huit Salopards" (à l’âge de 87 ans !), et auparavant, un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2007. Il n’a (encore) reçu aucun César (seulement trois nominations, pour "I… comme Icare" en 1980, "Le Professionnel" en 1982 et "En mai, fais ce qu’il te plaît" en 2016). Il a reçu un Lion d’Or pour la carrière au Festival de Venise de 1995. En outre, il a "gagné" son étoile sur le fameux Hollywood Walk of Fame le 26 février 2016, qui récompense les légendes du cinéma mondial.

Je regrette d’ailleurs que la bande originale du film "Le Professionnel" ne fût pas récompensée aux Césars car c’est un exemple extraordinaire du talent d’Ennio Morricone. L’œuvre, appelée "Chi Mai" a été composée dès 1971 et fut, au-delà du succès cinématographique, un grand succès discographique (en France, près d’un millions de disques ont été vendus en 1981-1982).





Autre musique très connue et qui contribua au succès du film et à un succès discographique, "Here’s to You" chantée par Joan Baez sur des paroles de Joan Baez et une composition d’Ennio Morricone, qui a fait vibrer jusque dans les colonies de vacances de l’époque. La chanson fut la bande originale du film "Sacco et Vanzetti" réalisé par Giuliano Montaldo et sorti le 16 mars 1971 à partir d’une histoire réelle en 1920. Sacco et Vanzetti furent deux immigrés italiens aux États-Unis condamnés et exécutés injustement pour un crime qu’ils n’auraient pas commis (ils furent réhabilités par le gouverneur Michael Dukakis, candidat démocrate aux présidentielles de 1988). Sans doute le plus bel hommage aux deux condamnés.

La vraie reconnaissance, c’est évidemment celle de son public, qui est différent du public des films. En tout, le compositeur a vendu plus de 70 millions de disques dans le monde entier. Pour donner une comparaison, avant son disque posthume, Johnny Hallyday a vendu 110 millions de disques.

Mais Ennio Morricone, avant tout, c’est le western-spaghetti de Sergio Leone. Plusieurs films qui sont devenus légendaires et leur musique y a contribué grandement. Dans les vidéos qui suivent, parfois avec des doublons, ces musiques sont très régulièrement représentées et sont devenues des "classiques" qui peuvent s’écouter en dehors des films qu’elles accompagnaient. Merci Ennio Morricone et longue vie à vous !

















Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 novembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le cinéma parlant.
Ennio Morricone.
Francis Lai.
Georges Bizet.
George Gershwin.
Maurice Chevalier.
Leonard Bernstein.
Jean-Michel Jarre.
Pierre Henry.
Barbara Hannigan.
György Ligeti.
Claude Debussy.
Binet compositeur.
Pierre Boulez.
Karlheinz Stockhausen.

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6 réactions


  • Paul Leleu 10 novembre 2018 18:41

    il est possible d’apprécier un bon steak haché mou de chez Flunch... je sais être tolérant... avec une couche de moutarde industrielle jaune chimique... et un soda à l’aspartame... ça draine des foules enthousiastes... ben, c’est un peu l’équivalent culinaire de la musique de Morrione...

    Ce qui me fait marrer, par contre, c’est que les gens du milieu artistique savent parfaitement quel genre de margoulins sont Morricone et la brochette de lascars qui composent pour le cinéma... ils font des ritournelles pour des navets, car ils savent qu’ils vont devenir millionaires... ça les fait marrer... ils se payent des villas avec picscine et des comptes en Suisse...

    Après, chacun fait ce qu’il veut... ce qui me choque totalement, c’est qu’on puisse mettre le nom de Morricone à côté de celui de Rossini et Mozart !!! Et pourquoi pas celui de Macron à côté de Napoléon ou Gengis Khan !!! Et encore, je suis gentil !

    Ce n’est pas parce-que tu composes pour un orchestre symphonique que tu es un compositeur comparable aux classiques ! L’habit ne fait pas le moine ! C’est comme les peintres du dimanche au bord de la rivière, c’est pas les réincarnations de Monnet et de Botticelli... même si ils ont eux aussi des pinceaux.


    • kalachnikov kalachnikov 10 novembre 2018 23:03

      @ Paul Leleu

      Comment ça vous n’êtes pas fan de son méga tube ’royal canin’ ?

      Vous pensez quoi de ça, Leleu, svp ?


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 11 novembre 2018 00:12

      @kalachnikov

      Y pense rien ...incapable de différentier les mouvements musicaux ...c’est du classique qu’il dit .lol


  • Feste Feste 10 novembre 2018 21:48

    Bonjour,

    comme pour le premier commentaire, je n’apprécie jamais les positions politiques de Rakotoarison (c’est un euphémisme)

    Mais sous-noter un article assez complet sur Morricone et son talent (qui est surement discutable, mais qui se détache quand même du lot), je trouve aussi cela vraiment nul et stupide. Toujours l’histoire habituelle de taper sur l’auteur par réflexe salivaire pavlovien plutôt que de donner un avis, ou de simplement s’abstenir. Assez pitoyable. 

    Quant à l’avis de Leleu, il est clair que pour en tartiner 25 lignes sur le thème de c’est nul Morricone, on sent bien le coté aigri du caractère qui a trouvé un lieu d’expression.

    D’ailleurs Rossini c’est de la merde et l’opéra le chiotte où sa musique s’écoule.

    Ah çà y est je suis devenu critique d’art de caractère, comme Leleu smiley


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 10 novembre 2018 22:07

      @Feste

      Leleu est une buse harmonique ...il juge de ce qu’il ne connaît pas . Satie pour lui ne doit être qu’un clampin du fond normand. Miles Davis un negre qui joue du tuyau.


  • markos 13 novembre 2018 22:49

    je mets 5 étoiles aussi à M Rakotoarison.

    parce que j’aime la musique de ennio morricone et que l’article est bien écrit et intéressant.


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