« La Dernière maison sur la gauche » : copie conforme de « Funny Games US » ?

Ce qui m’a étonné avec ce film, qui est d’une indéniable efficacité narrative, c’est que toute sa 2ème partie (l’arrivée, dans une résidence secondaire, de psychopathes qui vont soudain passés du statut de bourreaux à celui de proies) ressemble à une variante de Funny Games US (Haneke), sorti en avril 2008. Ces films, interdits aux moins de 16 ans, sont tous deux des remakes et présentent un théâtre de la cruauté s’inscrivant dans des lieux communs quasi identiques : même décorum (une maison isolée au bord d’un lac), même aspect froid de jeunes gens atteints de « glaciation émotionnelle », même détonateur narratif (l’intrusion du Mal dans une cellule familiale à la façon du loup entrant dans la bergerie), même scène-effet de bascule dans une cuisine autour d’un objet du quotidien (les œufs pour Haneke, le vin pour Iliadis) et même tension permanente distillée avec une mécanique filmique brillante – habilité manifeste à jouer avec les nerfs du spectateur, science du montage, cadrage au cordeau, huis clos anxiogène, plans-séquences et relation otages-ravisseurs tendue comme un arc : « Je hais les inserts. J’ai envie de tout voir en continuité, sans devoir recourir à des astuces de montage. » (Iliadis). Leurs similitudes thématiques et formelles m’ont frappé à un point tel que j’ai l’impression, mais il est vrai avec des enjeux – en théorie - différents, que Funny Games US et
Pourquoi pas, je comprends tout à fait les intentions de cet auteur-là (il s’agit de souligner les dérives d’une société du spectacle qui, avec des films trash et des programmes TV de plus en plus extrêmes, cherche à stimuler le voyeurisme des spectateurs à base d’absence de déontologie et de manipulation des esprits), pour autant, et c’est là que le bât blesse selon moi concernant la visée d’Haneke, c’est que, comme le rappelle Dante, « L’enfer est pavé de bonnes intentions. » Eh oui, faire un film violent pour, soi-disant, dénoncer la violence n’est pas aussi simple que ça, le danger du malentendu est immense. Je me souviens qu’à la sortie de Funny Games US, j’avais entendu, dans la salle où j’étais (UGC Danton, Paris), deux jeunes filles – des américaines, je crois -, riant comme des baleines plus le film avançait dans l’horreur infligée au sein du Home Sweet Home – un tantinet moqueuses, elles semblaient trouver la violence du film un cran en-dessous du « prometteur » film interdit aux moins de 16 ans. Et, à l’inverse, dans la salle UGC Orient Express de
A contrario d’Haneke, ne soyons pas naïf, voire cul béni !, comment nier une fascination de l’homme pour le Mal qui peut exploser chez l’autre, celui-ci n’étant peut-être que le reflet de soi-même ? Et on le sait bien, la « pornographie de la violence », au même titre que le porno, sert aussi d’exutoire, elle peut faire office de soupape pour mieux respirer dans un monde actuel croulant sous le politiquement correct, le puritanisme verbal et l’autocensure - d’où, chez les amateurs de films d’horreur, la recherche du délicieux plaisir de frémir via un fond de perversion plus ou moins avouée et la fascination actuelle, à tort ou à raison, pour les serial killers, qu’ils soient des Etats-Unis ou de Navarre. A ce niveau-là, en plus de nous amener à réfléchir sur la nature humaine (qui est normal, qui est violent ? qui est civilisé, qui est sauvage ?) et de nous éclairer sur la société américaine (« Si vous voulez savoir ce qui se passe dans un pays à n’importe quel moment, regardez ses films d’horreur. » dixit Joe Dante*), Iliadis parvient à ses fins en signant un film de genre (du 4 sur 5 pour moi) fidèle à ses intentions initiales, évitant tout sérieux papal et toute pose auteuriste confinant à une voyante prétention à l’art, alors qu’Haneke, via Funny Games US, fait un film qui n’est pas un objet artistique suffisamment retors – ce qu’il prétend être pourtant - pour dénoncer le « cinéma de la violence » ; il vient, au contraire, l’alimenter. Dans les deux films, on a un même jeu de massacre à l’œuvre, du genre « Le jeu est simple, prenez une famille, la partie commence… », et qui peut être perçu, voire consommé, de la même façon.
Franchement, j’aimerais bien que l’on m’explique en quoi Funny Games US serait un « cheval de Troie » venant parasiter de l’intérieur la matrice hollywoodienne et en quoi ce « film-produit », issu d’un studio américain, ne va pas in fine se retrouver à la section horrifique & gore des vidéoclubs, aux côtés d’Hostel, Saw et autres Dernière maison sur la gauche ? Autrement dit, en restant fidèle à ses intentions initiales, Iliadis réalise un film modeste de qualité pendant qu’Haneke, lui, plus prétentieux (et malgré un talent indéniable, prenons-en pour preuve que, question suspens, son Funny Games est aussi efficace que
* Cité par Bill Krohn, in Bush et les zombies, Cahiers du cinéma n°609, février 2006, p.25