lundi 23 novembre 2015 - par Theothea.com

« La double inconstance » de Marivaux aux Quartiers d’Ivry

Alors que la mise en scène d’Anne Kessler illustrant cette même double inconstance est reprise actuellement à La Comédie-Française, Adel Hakim, Directeur du Théâtre d’Ivry, en propose concomitamment une version très différenciée et novatrice.

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LA DOUBLE INCONSTANCE
photo © Nabil Boutros

En salle Richelieu, il s’agit de s’appuyer sur le temps de la répétition qui, au Théâtre, permet d’accoucher très concrètement des rôles et donc, en l’occurrence, dans cette pièce de Marivaux, de cristalliser les relations amoureuses selon des schémas n’apparaissant pourtant pas évidents a priori.

Au TQI, ce sont les stratagèmes qui ont le vent en poupe car ce sont eux qui mènent le Monde, en permettant d’exercer le Pouvoir sans avoir aucunement besoin de recourir à la force, encore moins à la violence.

Deux visions, tout à fait légitimes, de metteurs en scène faisant ainsi acte de création artistique personnelle, en interprétant subjectivement la richesse du relationnel jamais manichéen chez Marivaux.

Ici donc, Adel Hakim met le Prince (Frédéric Cherboeuf) en position de donneur d’ordres diplomatiques et finement manipulateurs, ayant tout son temps et son esprit pour parvenir à ses fins,

c’est-à-dire susciter l’Amour de Sylvia totalement réticente à cet objectif d’autant plus qu’elle est déjà amoureuse d’Arlequin et que celui-ci le lui rend bien.

Mais voilà, les désirs du Prince sont parfaitement relayés par des collaborateurs efficaces tels que Trivelin (Malik Faraoun) et Flaminia (Irina Solano) qui, elle-même, ne se prive pas d’instrumentaliser sa sœur Lisette (Lou Chauvain) pour tenter de déplacer les rapports de force… amoureux.

En utilisant l’appât du gain, du standing de vie, des multiples intérêts privés, comment ne serait-on pas tenté de céder à quelques faiblesses confortables et ensuite à y prendre goût ?

Bien sûr, il y a toujours l’esprit de rébellion qui se réveille au moindre doute et puis celui des jalousies contradictoires faisant irruption là où on ne les attend pas ; bref, chez Marivaux, la part des sentiments, des scrupules moraux, du psychologique est forcément primordiale mais, selon Adel Hakim, cette « tendance manifeste » est sans cesse maniée à distance par encore plus fort qu’elle, à savoir l’indéniable propension que l’humain a d’être aisément séduit par des perspectives magiques que la malignité incarnée peut ensuite saisir, fort opportunément, pour cueillir les marrons du feu.

Voilà donc pour la dynamique spécifique de cette mise en scène mais celle-ci, de surcroît, se développe au sein d’une scénographie haut de gamme sur plusieurs plans de profondeur articulés avec, en premier, des projections superbes de tableaux reflétant quelques soumissions sensuelles épanouies venant faire lien séquentiel.

Par ailleurs pour orchestrer la confrontation des classes sociales, la « banlieue attitude » façon XXIème est ici préférée à l’origine paysanne style XVIIème et c’est donc selon une mobilité, un phrasé, une dégaine hip hop très urbains que se chorégraphie le ballet des vanités en pleine effusion.

Jade Herbulot (Silvia) et Mounir Margoum (Arlequin) y composent un duo marivaldien à nul autre pareil et c’est avec un régal non dissimulé que leurs partenaires emboîtent le pas à ce marivaudage décidemment très branché.

photos © Nabil Boutros

LA DOUBLE INCONSTANCE - ***. Theothea.com - de Marivaux - mise en scène
Adel Hakim - avec Lou Chauvain, Frédéric Cherbœuf, Etienne Coquereau, Malik Faraoun, Jade Herbulot, Mounir Margoum & Irina Solano -
Théâtre d'Ivry Antoine Vitez

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LA DOUBLE INCONSTANCE
photo © Nabil Boutros


1 réactions


  • julius 1ER 24 novembre 2015 18:01

    c’est un plus pour Avox que d’avoir des critiques littéraires ou théatrales ....


    cela rend ce site encore plus intéressant !!!!

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