lundi 27 février 2017 - par C’est Nabum

La fin des désillusions

La case 58 du jeu de l’Oie.

Le point du jour sombre dans l’obscurité.

Voilà, c’en est terminé de mes prétentions maladives à vouloir éditer mes contes dans une maison éponyme. Après une soirée cauchemardesque chez l’éditeur, je renonce à Satan et à ses œuvres. À quoi bon éditer un livre s’il n'est diffusé nulle part, si je ne le trouve pas dans les lieux dédiés à la Loire : maisons de Loire, musées de la marine, offices de tourisme ou syndicats d'initiative ? J’ai passé les trente derniers mois à harceler voisins, amis, relations, gens de rencontres pour qu’ils daignent acheter mes ouvrages. Il me fallait le faire, puisqu’à de rares exceptions, on ne le trouvait pas dans les librairies. J’ai compris depuis que c’est le lot de tous ces misérables auteurs régionaux qui sont méprisés de beaucoup de médiathèques, des circuits de distribution et des centres culturels.

J’ai encore arpenté quelques salons régionaux du livre, espaces où il y a plus d’auteurs en quête d’un lecteur que de visiteurs désirant acheter un ouvrage. Ce fut à chaque fois douloureux et pitoyable. Je voulais amuser la galerie, conter, lire à haute voix un extrait et ne me rendais pas compte que j’importunais mes collègues, gens bien plus sérieux que moi qui se paraient d' un talent littéraire que, sans doute, eux non plus n’ont pas. Quant aux visiteurs, ils passaient sans un regard, n’ayant d’yeux que pour la tête d’affiche ou la gloire locale : l’écharpe rouge autour du cou, la démarche hautaine et le regard au loin, si peu soucieuse de s’enquérir de ses misérables collègues.

J’ai compris que j’avais l’immense privilège d’être dans une région qui ne soutient pas le livre, qui aide si peu la culture locale qu’il est illusoire d’attendre le moindre coup de pouce. Un éditeur m’a glissé à l’oreille : « Si votre livre parlait de la Bretagne, il se vendrait comme des petits pains. Mais vous n’avez rien à espérer dans la région Centre-Val-de-Loire. » Que monsieur Bonneau le président de région,-qui n’a d’ailleurs jamais daigné répondre à une lettre ouverte que je lui avais fait parvenir-prenne au moins la peine de s’expliquer à ce propos.

Je pensais que le seul mérite de mon style, la qualité supposée de mes contes, l’originalité de ma démarche allaient m’ouvrir des portes. Le livre était pour moi un Sésame, un passeport pour la culture et le respect. Je me trompais lourdement. Aucun article critique sur mes deux livres ; les journalistes locaux ne doivent pas savoir lire ou ont bien d’autres chiens à écraser que de se fourvoyer dans un travail qui ne touchera pas le lecteur de base. Quand on veut abaisser le niveau d’exigence, on ne s’y prend pas autrement ! Les portes, au lieu de s’ouvrir, m’ont été claquées au nez...

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Je renonce à trouver éditeur pour le troisième opus de mes Bonimenteries. Voilà qui m’économisera temps et argent. J’en avais assez de promener ma valise contenant mes ouvrages en quête d’acheteurs. Il faut supplier, quémander, se prostituer pour obtenir un achat. Je n’en puis plus ! Comme j’ai le sentiment de n’avoir pas été aidé dans cette tâche qui n’est pas celle d’un auteur, je renonce d’autant plus facilement à ce métier de marchand de poisson qui n’est pas le mien. Je ferai ainsi de substantielles économies, compensant par de somptueuses ristournes, le prix d’un livre, bien trop élevé pour la réalité économique de l’heure. J’ai perdu bien plus d’argent que je n'en ai gagné et j’aurais mieux fait de m’éditer à compte d’auteur : piste qui s’ouvre à moi désormais.

J’en termine avec ces désillusions à la chaîne, ces contrariétés qu’il faut ravaler, ces coups portés à l’ego qui font si mal. Ma prose est nulle et non avenue : j’ai cru l’entendre dire, ici ou là, et même au sein de la maison d’édition. Voilà qui a le mérite d’être clair. Autant ne pas ennuyer le lecteur avec des livres qui, de toute manière, ne seront pas lus (C’est le triste sort de beaucoup de ceux qui sont achetés ainsi). Ceux qui veulent découvrir mes contes ou mes billets les retrouveront toujours aisément sur la toile ; là au moins c’est gratuit. Je m’offrirai sans doute le plaisir égoïste d’une publication confidentielle dont n’auront pas à rendre compte mes chers médias locaux plus sensibles aux sirènes navales.

Mes Bonimenteries du point du jour sont-elles mortes et enterrées ? Je rêvais de les sortir lors du prochain Festival de Loire. Voilà qui risque de réjouir les quelques personnages importants de la marine de Loire qui détestent cordialement le personnage et ses récits. Ils n’auront même pas à faire semblant de dire une amabilité quelconque. La Loire continuera de couler, je ne cesserai pas de la raconter ; le plus souvent loin des bateaux, surtout pour les enfants et les marcheurs, pour les écoles et les véritables amoureux de la nature et de l’histoire.

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Je suis conteur et pas vendeur, ni marchand de soupe. Si vous voulez m’écouter, rien n’est plus facile. Quant à me lire, ce sera plus difficile, à moins que vous ne fassiez partie de mon petit cercle relationnel. Un chapitre se ferme ; j’espère simplement que le roman écrit avec ma collègue, vivra son aventure d’une manière ou d’une autre. Il y aura sans doute une solution pour ce roman policier se déroulant en bord de Loire avec une belle intrigue et des contes. Dommage que la Région Centre Val de Loire soit si peu favorable à ce genre d’initiative ; nous trouverons écho plus favorable ailleurs.

Finalement leur.

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19 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 27 février 2017 15:38

    Vivre avec son époque ce n’est pas facile lorsque l’on a grandi dans une autre époque.

    Avant la télé, avant internet, beaucoup de personnes lisaient. Pourquoi lisaient-elle ? Par curiosité, pour se distraire, pour apprendre, pour passer le temps.

    La lecture de masse est assez récente et n’aura durée que peu de temps : 1882 - 2010.. ?

    Qui lisait avant la grande révolution de l’école publique obligatoire ? Qui lit encore après la grande révolution d’internet ?

    Le théâtre, les concerts sont des lieux de distraction fréquentés par une population en diminution constante, si bien que 61% des Français ne sont jamais entrés dans une salle.

    Le cinéma résiste. Il a évolué et offre au public ce qu’il demande, des émotions fortes, des sensations.

    Probable qu’avec le développement de la réalité virtuelle, les modes anciens de distraction et d’apprentissage, perdront encore de leurs attraits.

    Un conseil pour Nabum et tous ceux qui veulent transmettre une culture, une histoire, des souvenirs à leurs contemporains : Adaptez-vous.

    Je verrais bien un jeu érotico-policier en réalité virtuelle entre les salles de torture du château de Chambord et les mystérieuses rives de la Loire. L’auteur pourrait même y glisser une Gabarre pourvu que l’héroïne soit nue.


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 février 2017 16:11

      @Daniel Roux

      C’est ce que nous avons écrit et je suis certain qu’il ferait un grand succès si nous avions noms connus

      Mais il faut se résoudre à n’être rien quand on vient de nulle part

      Merci quand même


  • Giordano Bruno - Non vacciné Giordano Bruno 27 février 2017 16:10

    Vous avez pourtant un incontestable talent littéraire. J’apprécie peu d’auteurs. Je suis très exigeant. Et j’ai toujours beaucoup de plaisir à vous lire. Ne doutez pas de vous.

    Seulement voilà. Le talent ne suffit pas pour vendre un livre. Et c’est malheureusement vrai dans d’autres domaines. Il arrive bien souvent que les plus talentueux restent dans l’ombre.


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 février 2017 16:54

      @Giordano Bruno

      Je pense que je vendrai après mes mort

      Ce n’est qu’une question de temps finalement

      Merci pour vos compliments


  • 77777 27 février 2017 16:33

    Bonjour C’est Nabum

    Je vous lis depuis pas mal de temps, vos contes me rappellent mon enfance j’allais chez mes grands parents à Autry le Chatel ou Coullons.

    Tout ce vous racontez me rappelle cette époque, chez mes grands parents c’était des histoires de sorcières que l’on chuchotait


  • juluch juluch 27 février 2017 16:59

    Je vous lit depuis un moment et j’apprécie vos article, vous avez de bons échangent avec vos lecteurs....

    ensuite se faire publier est compliqué surtout pour vendre peu et ça demande de beaucoup prendre sur sois, difficile de faire de la pub quand on est pas connu en dehors d’un cercle restreint.

    vous avez essayé les Editeurs locaux ? il faut également quand on fait un livre en tant qu’inconnu de se vendre....littéralement.

    Les libraires locaux, les grosses enseignes etc...ça demande du temps et aussi de l’argent et de la patience.

    courage Nabum et continuer à persévérer.
     smiley

    • C'est Nabum C’est Nabum 27 février 2017 18:53

      @juluch

      Persévérer c’est usant et grandes sont les frustrations quand l’échec est continue et systématique
      Le pire étant quand on me dit que j’écris mal, ce qui me désole et me navre

      Merci d’être présent ainsi à mes côtés

      Pour les libraires, j’ai compris qu’il n’y avait rien à espérer d’eux quand on ne vient pas des grandes maisons d’édition


  • Ebootis 27 février 2017 18:02

    Bonjour Nabum,


    Désolé pour ces déboires que vous ne méritez pas.

    A toutes fins utiles, connaissez-vous « Le grand Livre du mois » ?

      - Internet : www.actualite-litteraire.com 
      - Email  : [email protected] (adresse belge)

    Ils ont un comité d’ auteurs qui, sous le nom « Nouvelles Plumes », évalue les manuscrits
    de nouveaux auteurs.

    Une chance, peut-être... 

    Avec mes meilleurs souhaits !



  • marmor 27 février 2017 18:25

    Quelle injustice !!


  • marmor 27 février 2017 19:10

    Second degré, Nabum, second degré


  • devphil devphil 28 février 2017 08:17

    Pauvre Nabum , tant d’énergie dépensé à vouloir être publié quel gachis que tu ne sois pas reconnu à ta juste valeur.

    Toute cette énergie qui pourrait être consacrée à l’écriture.

    Les grands auteurs sont reconnus après leur mort alors courage et persévérance pour trouver un éditeur qui comprennent le sens et la qualité de tes écrits

    Philippe 


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