La Littérature et l’Histoire

Le vingtième siècle est l’un des plus macabres, voire sanguinaires de toute l’histoire humaine, les morts et les victimes s’y comptent par millions. Jamais l’espèce humaine n’a connu de telles affres, avec des événements si calamiteux, à l’instar de la Première puis la Deuxième Guerre mondiale, et la dissémination programmée des populations, sous le justificateur de la légitime défense, le dommage collatéral, et le tribut de sang.
D’un autre côté, les hécatombes et les carnages sont aussi monnaie courante durant ce siècle, le génocide des Arméniens en 1915, la déportation et la concentration des juifs de l’Europe, les multiples tueries perpétrées par les Israéliens à l’encontre des Palestiniens. Les massacres de Sabra et Chatila en 1982, le génocide des Tutsi au Rwanda en 1990, etc. Ils sont dorénavant des faits ineffables de l’histoire contemporaine. Or, pourquoi faut-il évoquer cette période honteuse ?
En fait, la réponse est que l’histoire continue toujours de se réitérer, tant que le comportement et la bêtise humaine ne changent pas, tant que les facteurs gisant derrière la barbarie et la cruauté humaine ne sont pas mis en relief, les massacres et les camps de concentration seront de mise ad vitam æternam, voire concomitants à l’existence des hommes sur terre, Tzvetan Todorov soutient à ce propos : « parce que les passions et les conduites humaines ne changent pas brutalement et que donc, même si les institutions et la technologie se transforment, l’histoire se répète ».( Tzvetan Todorov, La Signature humaine, Paris, Seuil, 2009, p. 246).Nonobstant, quel rapport la littérature entretient-elle avec cette période de l’histoire ? Et quel rôle lui est-il conféré pour dénoncer la barbarie ?
La littérature est un élément de la superstructure, un miroir qui reflète l’affrontement opposant plusieurs strates sociales. Pour Georg Lukács toute œuvre littéraire est une entité dont la vocation est de donner forme aux différentes apories du monde historique, du monde « réel ». Ainsi, cette thèse engendre un critère d'évaluation esthétique : les œuvres les plus accomplies au sens strict du terme sont des œuvres « réalistes », sont celles qui incarnent cette fonction à l’idéal. Les romans qui ont marqué la sphère littéraire impliquent des personnages « typiques », à la fois incarnent des individualités et expriment la genèse inhérente à l'histoire. En ce sens, la littérature devient le porte-parole de ceux dont la voix est inaudible et donne ainsi lieu à des récits d’une beauté inouïe, relatant les navrements de l’âme humaine à cette époque sombre. C’est le cas en effet de Primo Levi et son autobiographie testimoniale : Si c’est un homme.