lundi 17 août 2015 - par Saltz

« La petite fille de la Ve », Flammarion, 2015 (ISBN 2081314541) : autobiographie politique de Roselyne Bachelot

JPEG « La petite fille de la Ve », Flammarion, 2015 (ISBN 2081314541) est l'autobiographie politique de Roselyne Bachelot. Je l'ai lue en entier il y a quelques semaines et je tenais à en faire une fiche de lecture, sans l'avoir dans les mains, en ne restituant que ce qui m'avait marqué.

A ne pas confondre avec « La Fille de la cinquième avenue » (Fifth Avenue Girl) qui est un film américain de Gregory La Cava, sorti en 1939.

Dans l'émission « Les Guignols de l'info » elle passe pour une gourde avec ses « Ah bon ? ». Mais c'est vrai que cette émission survivait portée par la mémoire de ses traits de génie passés et se laissaient aller à la facilité en traitant d'adolescent ou de bébé des ministres de la génération d'un Tony Blair ou d'un Barak Obama, lequel d'ailleurs avait une marionnette affublée d'une voix ridicule.

 

En fait, bien qu'elle le taise dans son livre, on sait qu'elle avait quelques années d'avance à l'école et que dans le collège La Retraite-Sacré-Cœur à Angers, à huit ans, les religieuses lui font redoubler sa classe malgré son niveau, la considérant trop jeune pour entrer en sixième.

Plus tard, elle devient docteur en pharmacie, députée, ministre et collectionne des postes à responsabilité.

 

Courageuse, elle défend ses convictions contre son parti en s'opposant en 1991 aux consignes du RPR et décide de voter la Loi Évin (sur le tabagisme et l'alcool). Plus tard, favorable au mariage homosexuel et à l'adoption d'enfants par les couples homosexuels, elle s'assure une notoriété avec son plaidoyer (rédigé avec l'aide de Philippe Séguin) en novembre 1998 à l'Assemblée en faveur du PACS, contre les membres de son groupe.

Elle s'oppose à la privatisation des autoroutes, qui seront quand même bradées à la fin du septennat chiraquien.

En permanence elle affronte des machos effrontés dans une fronde victorieuse et gagne ses galons politiques, malgré les peaux de banane, les a priori et le conservatisme sexiste.

Son livre parle de sa naissance dans la Nièvre et de son enfance à Angers, dans un milieu aisé de parents tous deux dentistes résistants, gaullistes militants et chrétiens pratiquants.

Elle insiste sur le baiser que De Gaulle lui a donné bébé, comme une onction pour son engagement futur.

Elle parle des années 50 et 60, et j'ai retenu le passage sur le mouvement de mai 68 auquel elle s'oppose activement.

Elle parle de l'aversion de sa famille pour Chirac lors du putch sur le parti gaulliste, et finalement de son revirement, convaincue par la séduction et le dynamisme du nouveau chef.

Alors que son père a beaucoup roulé pour l'un ou pour l'autre avant de s'engager, elle va rouler pour elle-même plus tôt. Dès que l'occasion se présente, elle aussi se présente aux électeurs.

Les consignes de son parti étaient claires : « Les sortants se représentent dans leur circonscription, sinon on envoie des parachutés, et tant pis pour les personnalités plus méritantes et plus qualifiées ». Elle doit utiliser un stratagème classique : laisser croire que son père rempile et arriver à la préfecture un quart d'heure avant la fin du dépôt des candidatures.

Le parti enrage, aboie, menace. Mais aussitôt le siège remporté, c'est les félicitations. Comme elle le dit « en politique, tout est permis pourvu qu'on gagne » (citation de mémoire).

 

Le sexisme dans son parti revient souvent.

« Si on avait su que le siège était gagnable, on aurait envoyé un homme ».

« Ma petite » par ci, « Tu n'as pas assez d'expérience » par là. Je veux bien croire que cette loi du genre est vexante. Mais ce mal s'ajoute à un autre un mal inhérent à notre régime plus gérontocrate que démocrate. Quand dans d'autres pays occidentaux, des personnes en pleine force de l'âge accèdent aux fonctions les plus élevées, chez nous, elles doivent patienter dans l'antichambre du pouvoir.

 

Elle parle de la campagne de 2002 dans laquelle elle s'investit pleinement. Elle décrit un Chirac qui a perdu de sa superbe et dont la santé présage son accident vasculaire cérébral du vendredi 2 septembre 2005. Mais il ne faut pas le dire et critiquer les propos du concurrent Lionel Jospin qui traite Chirac de "Vieux, usé, fatigué". Elle dit et redit que c'est la dernière campagne de son champion, et elle offre son combat pour lui comme on offre un cadeau à un futur retraité.

Les sentiments humains passent alors avant le devoir envers le pays. On oublie le pays. Le choix d'un dirigeant apte à le gérer passe après la vénération du cacique ancien caïd.

 

Au fil des pages, on voit qu'un ministre a peu d'importance et peu d'influence. Tout se décide en haut de la pyramide. A l'Elisée, parfois à l'encontre de décisions longuement étudiées au ministère. On savait que notre pays était géré par un monarque, puisque la définition en est « une personne unique qui concentre ou dont émanent tous les pouvoirs politiques. Le monarque peut être héréditaire ou élu. ». On en a de nouvelles preuves dans ce livre.

Une anecdote amusante : un ministre allemand s'oppose à la politique française. Un responsable politique français essaie de le contrecarrer en passant par la chancelière, mais il reçoit pour réponse qu'en Allemagne les ministres exercent des responsabilités, contrairement à la France.

 

Au gré des chapitres, on trouve des mots gentils pour Olivier Guichard, célèbre résistant et ministre gaulliste, implanté comme elle dans l'ouest de la France. Et sur quelques autres.

On ramasse aussi quelques pierres jetées dans le jardin d'Édouard Balladur, qui invite en grand seigneur les hobereaux devenus députés. Comme ils viennent de la campagne, ou de la province c'est la même chose, ils ont droit à un repas roboratif et se voient servir un cassoulet. Mais si l'hôte est convivial et s'abaisse à partager sa table, il ne partage pas ses plats : un maître d'hôtel lui apporte un steak garni de haricots verts. Une telle morgue l'enflamme. Elle se ressert en cassoulet.

On trouve d'autres anecdotes sur l'un ou l'autre, comme sur Mitterrand et la verrière du maquignon, mais pas assez à mon goût. Elles permettraient de remettre à leur place les discours officiels et les informations triées en fonction des officines d'image de marques.

 

Fille de deux dentistes, elle a la dent d'autant plus dure contre Rama Yade qu'elle la descend en en taisant le nom.

Elle invoque la présence de celle qui a été sa secrétaire d'Etat aux sports comme un coup du futur président Nicolas Sarkozy, de retour d'Amérique et persuadé que Barack Obama sera le prochain chef des Etats-Unis « Il me faut un Noir. Mieux une Noire ». A l'en croire, la composition du gouvernement répond aux mêmes règles de marketing qu'une émission de télé-réalité.

 

Et les vaccins de la grippe A dans tout ça ? me direz-vous.

Elle se disculpe en invoquant l'imprévisible destin des épidémies, sans évoquer l'affaire du sang contaminé des années 80 que je suis sûr elle avait en mémoire et qu'elle voulait éviter. Là-dessus on ne peut être que d'accord avec elle.

Elle met en avant des chiffres pour démontrer que le coût de l'intervention de l'Etat n'a pas été plus élevé que dans les autres pays occidentaux .Je ne suis pas allé vérifier les comptes.

Elle s'insurge contre les insinuations de ses relations supposées avec les laboratoires pharmaceutiques en précisant qu'elle a travaillé pour eux lors de jobs d'étudiant il y a longtemps. Il faudra alors que quelqu'un modifie https://fr.wikipedia.org/wiki/Roselyne_Bachelot où l'on peut lire « Déléguée médicale au sein du laboratoire ICI Pharma de 1969 à 1976, elle est chargée des relations publiques chez Soguipharm de 1984 à 1989 » juste après la phrase «  Roselyne Bachelot obtient son doctorat en pharmacie en 1988 dans cette même université [d'Angers], dont elle sort major de promotion. ». Jobs d'étudiant, OK les dates correspondent, mais ce n'est pas un job anonyme payé au smic, sinon Madame, il fallait contacter un syndicat.

 

Que dire en conclusion ?

C'est un livre qui se lit facilement. Vous auriez pu l'emporter sur la plage. Je ne dis pas qu'il fallait l'acheter. Non. L'emprunter, oui.

Ce que je regrette, c'est le manque de réflexion sur les maux de notre société, sur la faiblesse de sa constitution, sur son régime inadapté.

L'intelligence et l'expérience de l'auteur lui imposaient d'avoir un œil plus critique et plus constructif et d'avancer des propositions d'avenir.

C'est un livre utile à qui ? Pour quoi ?

Elle aurait pu nous régaler d'un « Le Monarque, son fils, son fief », le roman politique à clef de Marie-Célie Guillaume, directrice de cabinet de Patrick Devedjian, qui décrit de façon acérée le combat que se sont livré de façon souterraine, mais violente, le président de la République en exercice, Nicolas Sarkozy, et Patrick Devedjian qui lui a succédé à la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine.

Elle s'est contentée d'un livre facile à écrire, facile à lire, facile à oublier.

 

 

Prière d'insérer :

« Quand j'ai mis un terme à ma carrière politique en mai 2012, je me suis retournée sur soixante-cinq ans d'une existence peu ordinaire. Je quittais alors des fonctions au service de la France et de la République, mais cette histoire - mon histoire - avait commencé bien plus tôt. Une naissance au lendemain de la Libération au sein d'une famille de résistants et de militants, des héros de légende qui débattent autour de la table de la salle à manger, puis, comme dans un film d'aventures, des complots, des assassinats, des braquages, des trahisons... j'ai tout vécu. Il y eut aussi, heureusement, de grands moments de bonheur et d'amitié, des rires, des victoires, des joies rares. Ce livre est en fait le récit d'une petite fille qui n'en revient toujours pas d'avoir eu la chance d'être le témoin et l'acteur de l'Histoire du plus beau pays du monde. »

 

A voir et à écouter :

Signe de son intelligence et de son sens de l'autodérision : son apparition à la fin du court métrage « DIAGNOSTIC » en patiente dans la salle d'attente du docteur Michel Cymès.

https://youtu.be/AM4c9ckSy9M

 

Citations à charge de http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Roselyne_Bachelot

« Il faut garer les voitures à l'ombre et manger des glaces » (ses conseils aux personnes qui se plaignaient de la canicule)

« Jacques Chirac est sourd comme un pot, je peux le dire, il ne m'entendra pas » (déclaration au JT, malheureusement pour Roselyne, le JT était accessible aux sourds et aux malentendants)

« Zut j'ai oublié mon maillot de bain » (en se rendant dans le Var pour des inondations)

« Il est conseillé de manger 5 fruits et légumes par jour, sauf pour les antillais qui devront se contenter de deux bananes par semaine. » (déclaration officielle suite au scandale des pesticides en Guadeloupe et en Martinique)

En recherchant des informations sur le livre, Google m'a averti que je pouvais tomber sur des vidéos à caractère pornographique. Ou c'est un message automatique, ou Google a beaucoup d'humour et Madame Bachelot appréciera.

Roselyne Bachelot - On n'est pas couché 25 avril 2015 #ONPC 30:38 

Sarkozy en 2006 : « Il me faut un Noir, ou mieux, une Noire ... 1:03

Roselyne Bachelot dans "Le club de la presse" - PARTIE 3

Roselyne Bachelot dans "Le club de la presse" – PARTIE 4

 



8 réactions


  • Le p’tit Charles 18 août 2015 10:33
    Roselyne Bachelot....Suceuse professionnelle..de bonbons de la raie-publique.. !

  • Buzzcocks 18 août 2015 12:02

    Pas un mot sur son fils casé dans son ministère ?


    • Saltz Saltz 19 août 2015 18:40

      @Buzzcocks

      Dans son livre elle évoque son fils sans plus de détail.

      Elle n’a pas propulsé son fils député et n’a pas profité de la situation qu’elle avait construite, au départ avec l’aide de son père, pour établir une dynastie.

      D’autres ont profité de leur situation pour caser leur descendance dans les ministères.

      C’est un sujet à part entière qu’il faudrait étudier.


  • leypanou 18 août 2015 14:34

    Bel article dont j’ai bien apprécié la neutralité. On peut dire que R Bachelot est, pour moi, la plus supportable des hommes/femmes politiques de droite, ayant osé plus d’une fois aller à l’encontre des idées de sa famille politique.

    Mais l’affaire des vaccins a montré ses limites : on est de droite ou on ne l’est pas.


    • Saltz Saltz 19 août 2015 18:50

      @leypanou

      Merci pour le compliment. On a beau être vieux et avoir vécu, ça fait toujours plaisirs.

      Au départ, je n’avais pas une opinion très favorable pour cette dame, mais en voyant l’énergie et le courage qu’elle déployés, j’ai évolué.

      Quant à l’affaire du vaccin, j’étais à l’étranger à l’époque et en revenant, je croyais que c’était une opération traitée avec trop d’alarmisme, jusqu’à ce que mon médecin traitant m’a dit qu’il avait soigné, et donc sauvé, des malades.

      Quand on connait la problématique d’une épidémie, on peut comprendre les précautions prises.

      Dans le livre on trouve des affirmations que je n’ai pas cherchées à vérifier : le coût pour l’Etat n’aurait pas été plus élevé proportionnellement que dans les Etats comparables. 

      Une étude neutre sur ce sujet serait la bienvenue.


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