vendredi 13 juillet 2018 - par C’est Nabum

Le bourru est parti pour l’autre rive

Bon voyage l’ami.

Un bon marinier portait jadis un sobriquet qui lui collait à la peau, lui servait de passeport pour les tavernes et les quais. Le plus souvent, il reflétait une caractéristique physique ou morale, une particularité qui méritait de qualifier le bonhomme, parfois avec bonhommie, souvent avec un brin d’ironie ou d’irrespect. Pour notre ami Robert, ce bourru marqua paradoxalement l’immense respect qu’il suscita autour d’une personnalité attachante.

Il est des hommes de Loire comme des rives de la rivière. Il n’est pas simple de les aborder, plus compliqué encore de les accoster. Il est vrai que le bonhomme avait la rudesse de ceux qui savent ce qu’ils veulent, qu’il avait un caractère bien trempé, comme ce fer rougi sous sa forge quand il avait cessé de le façonner à sa convenance.

Car Robert et sa petite forge sont les images qui resteront à jamais dans l’esprit de ceux qui l’ont connu, ou bien plus nombreux encore, la multitude qui l’a croisé lors des fêtes marinières et du Festival de Loire. Il était l’animateur qui provoquait l’attroupement par sa gouaille, sa faconde, sa manière si particulière de cadrer la foule qui se pressait autour de lui en la tenant à distance par la parole. Il était la vedette, offrant aux enfants un fer forgé en forme de cœur, aveu discret d’une véritable sensibilité qu'il enfouissait sous une pudeur extrême.

Robert c’était aussi et même surtout l’un des pionniers qui ont redonné vie à l’antique marine de Loire. Il fut de cette épopée avec quelques autres dont Vent de Travers et Sac d’Os pour ne nommer que les plus beaux surnoms de la bande. Il a parcouru la Loire en tous sens sur toute la longueur accessible aux bateaux de bois. Il en avait une connaissance intime, viscérale presque qu’il gardait secrète. Elle était sa maîtresse et la couvait toujours d’un regard énamouré.

Il va manquer à ses vieux compagnons de la Charité ou de Cosnes, lors du prochain Festival partout où un jour, il a accosté un de ses bateaux. Que ce soit sur la Loire mais aussi sur l’Allier, le Cher, La Vienne et la Maine, le bourru a bourlingué et amusé la galerie. Sa bonheur humeur et quelques canons en faisaient le plus merveilleux des compagnons.

Le grand artisan de la forge se faisait alors maître queux, aussi expert sur le barbecue que derrière son soufflet. Nous avons encore en mémoire ce lapin à la broche cuit avec amour durant l’une de ses dernières animations, pendant laquelle il enchanta les enfants de Gien, son port d’attache. C’est d’ailleurs là qu’il manquera le plus, à ses amis de toujours, les Fis d’Galarne qui vont le pleurer comme ils avaient pleuré Coco, le poète ou bien Jean Mauzac, leur merveilleux parolier.

C’est à eux que nous pensons aujourd’hui. Les Fis d’Galarne sont orphelins de leur père à tous. Ils ne manqueront jamais de lui envoyer un chant qui le rejoindra sur l’autre rive. Le Bourru va certainement créer quelques soucis à Saint Pierre, ne manquant pas l’occasion de vouloir lui forger un nouveau jeu de clefs, en espérant discrètement garder pour lui un passe pour revenir de temps à autre retrouver ses joyeux compagnons.

Il va y avoir du rififi au Paradis. Le Bourru va organiser quelques noubas qui font faire grand bruit. Il se peut que Saint Nicolas ait des comptes à rendre au patron. Voilà ce qui arrive quand on prive le peuple ligérien de l’un de ses plus grands trublions. Bon voyage Robert, tout bourru que tu étais, tu étais un être formidable, une mémoire de la Loire, un modèle et un sacré lascar.

Ses obsèques auront lieu vendredi 13 Juil. à 10h30 église Sainte Jeanne d'Arc de Gien. Rendez-vous au Parle-Loire adresse toutes ses condoléances à Danièle son épouse, à ses enfants et à la troupe des ses amis mariniers. Nul doute que la cérémonie sera à la hauteur de l’immense peine des siens et de ses proches. Son bateau, sera sur le parvis pour l’accompagner une dernière fois.

Nous étions toujours surpris de l’âge que tu prétendais afficher à l’horloge du temps : quatre vingt cinq années rondement menées. Pour nous, tu étais le plus jeune d’entre tous. La camarde, inflexible faucheuse, est pourtant venue de rappeler à la réalité. Nous ne doutons pas un seul instant que le passeur a dû avoir du fil à retordre avec toi sur son bateau. Tu as dû vouloir lui en montrer sur sa manière de naviguer. Ne change rien, c’est ainsi que nous t’aimons.

Hommagement sien.

 



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