Le Vide, Sisyphe et les cordes
Frangan Gehlker et Alexis Auffray, Le Vide, Essai de Cirque. Théâtre Monfort jusqu’au 11 octobre 2014.
Spectacle de cordes. Musique et danse. Violon et Verticales. Cccchuuuut !... Et Chute. Pesanteur. Et grâce, il va de soi.
Maroussia Diaz Verbèke qui nous a gratifiés d’un spectacle magnifique De nos jours (notes on the circus) d’Ivan Mosjoukine au Monfort déjà la saison dernière est à l’action dans ce spectacle. Il tire un sens, il tire du sens des exploits circassiens, en plus de l’aspect de la performance et du danger. C’est magnifique.
Le Vide, Essai de Cirque serait plutôt un essai de théâtre avec les techniques du cirque. Les cordes sont des personnages. Plutôt maléfiques, elles s’opposent à l’ascension du cordéliste (Frangan Gehlker), elles lui posent des problèmes difficiles, qui paraissent insolubles dans un premier temps. La corde : monter descendre. Comme Sisyphe ! Tout est dans la manière. La narration suit les révoltes des cordes, une histoire s’y déroule. Monter, garder la corde et parfois quitter la corde, chuter, se recevoir dans les mousses. Pendant ce temps, bien souvent, Alexis Auffray joue sur les cordes de son violon, avec une attention aux faits et gestes de l’athlète, une musique comme un souffle suspendu… un double sonore de l’ascension ou de la descente de l’athlète. La grande descente du toit, grand moment de traversée de l’espace du Monfort accompagné au violon avec une justesse, une finesse inouïe.
Le spectacle est fait (et refait donc) avec le lieu. Il est une façon d’habiter l’espace, dans sa dimension verticale… Il faut lever les yeux. Il faut contempler ce vide au-dessus de nos têtes.
Le public est mis en scène : nous entrons par un circuit, dont les habitués comprennent dès le début qu’il n’est pas « naturel », qu’il est spectacularisé. Des fauteuils enlevés pour les besoins du spectacle sont entassés en désordre. Des phrases pendues nous disent le chemin (et quelques petites autres choses). Les acteurs sont là, en place…
La fin est du plus surprenant. On y voit l’échec de Sisyphe, qui est sa vie même, et qui, de ce fait, ne saurait être un échec, le paradoxe écrit par Camus. Il n’y a pas de fin, chacun sort quand il l’entend, quand il en a assez vu (assez vécu) de cette répétition mécanique, comme un ludion… Je ne suis pas resté assez longtemps pour voir comment se finissait cette course d’endurance entre l’artiste et le public… En tout cas, la fin n’est pas un « tombé de rideau », la fin est un gommage du public, un estompement du spectacle dans la répétition absurde du geste de Sisyphe.