« Les Chaussettes - Opus 124 » avec Michel Galabru au théâtre des Mathurins

Si les chaussettes trouées de Verdier (Gérard Desarthe) vont constituer une faute de goût rédhibitoire aux yeux de Brémont (Michel Galabru), c’est dans des costumes de clowns taillés sur mesure par Brigitte Faur-Perdigou et avec un nez rouge en trompe-l’oeil d’illustres comédiens "has been" que Daniel Colas a conçu ces séances de répétition d’un duo violon/contrebasse afin d’illustrer un conte de Noël pour artistes passés de mode tentant vaillamment d’assumer leur "contre-emploi" institutionnel prolongé.
Au théâtre des Mathurins, ce duel improbable entre deux représentants emblématiques des théâtres privés et subventionnés intrigue les esprits critiques de tout poil, d’emblée contraints de se délester de leurs a priori persifleurs car pris à contre-pied d’une grille de lecture formatée.
C’est avec admiration que tous vont devoir célébrer cette pantomime musicale à deux voix contradictoires puisque paradoxalement complémentaires.
Dès la première seconde du spectacle, Michel Galabru cueille les spectateurs récalcitrants en faisant mine de sommeiller sur le plateau avant que d’accueillir en borborygmes Gérard Desarthe, le metteur en scène/partenaire qui vient de lui proposer de l’accompagner dans l’aventure d’un spectacle poétique pour lequel il reste à convaincre un éventuel producteur.
Première lecture, premières interrogations, premières dissensions ; ces deux-là ne se connaissent pas, sinon par réputation et c’est donc par une sorte de nécessité naturelle qu’ils se trouvent réunis dans ce même projet, c’est-à-dire à cause d’une galère similaire, celle où il faut trouver par soi-même la force d’exister à ses propres yeux d’une part, et d’autre part au regard du public qui vous a d’antan adoré.
Mais si tout semble les séparer au niveau de la conception, de la perception, de la créativité, c’est instinctivement dans le registre médiatique qu’ils flairent tous les deux et chacun à sa façon que leur association pourrait avoir un impact fusionnel sur l’imaginaire collectif.
Aussi en alternant les rôles du maître et du disciple par lesquels ils flirteront allègrement tour à tour avec la discorde en humiliant et vexant le partenaire à qui mieux-mieux, c’est presque KO debout qu’ils finiront par admettre que l’union de leurs qualités respectives prévaut largement à l’exaspération que peuvent susciter leurs défauts réciproques.
C’est donc une opportunité quasi magique que d’aller pouvoir applaudir ces deux "monstres de la scène" assumant avec humilité leur statut de saltimbanques tout en faisant surgir la sublimation fédératrice de l’acte artistique.
Visuel affiche / photo © Serge Cohen
LES CHAUSSETTES / OPUS 124 - ** Theothea.com - de Daniel Colas - mise en scène : Daniel Colas - avec Michel Galabru et Gérard Desarthe - Théâtre des Mathurins -