samedi 9 mars 2019 - par rosemar

Les couchers de soleil ont souvent inspiré les poètes romantiques...

Les couchers de soleil ont souvent inspiré les auteurs romantiques : symbole de déclin, de mélancolie, cette thématique est récurrente dans de nombreux poèmes du dix neuvième siècle.

Victor Hugo, dans un texte intitulé Rêverie, extrait du recueil Les Orientales, nous fait partager un de ces instants où le soleil bascule et s'évanouit, un moment où le rêve remplace la réalité, où l'on imagine des paysages différents, sources d'évasion et de mystères. L'orientalisme très présent dans ce poème est une ouverture vers le monde de l'imagination et du rêve...

Hugo nous fait percevoir toute la beauté de ce soleil couchant, et c'est l'occasion d'un appel à une inspiration nouvelle, différente, un rêve d'une ville orientale aux teintes d'or...

Le poème s'ouvre sur deux exclamations pleines de vie, par lesquelles le poète semble réclamer une solitude propice à la rêverie : "Oh ! Laissez-moi !" L'évocation qui suit nous montre toute la beauté du spectacle observé par Victor Hugo : un coucher de soleil où les couleurs se mêlent, en une harmonie de jaunes et de rouges :"l'astre géant rougit, le grand bois jaunissant dore... la colline... le soleil et la pluie ont rouillé la forêt".

Ces couleurs sont estompées et comme auréolées par un "cercle de brume", ce qui permet d'embellir, un peu plus, la toile.

La vision est colorée et grandiose, comme le suggèrent les adjectifs, dans les expressions : "l'astre géant, le grand bois".

La nature s'anime, grâce au procédé de personnification : les éléments du paysage sont sujets de verbe d'action et semblent, ainsi, participer à la composition du tableau...

La saison, l'automne, accentue encore l'impression mélancolique de ce coucher de soleil finissant, et le paysage devient le reflet de l'état d'âme du poète, empli de mélancolie : on sent une aspiration vers un autre monde rêvé, idéal.

Le rêve se développe, dans la deuxième strophe avec ces questions :"qui fera surgir, qui fera naître..." Et c'est un rêve d'Orient qui voit le jour, avec l'évocation flamboyante "d'une ville mauresque", entourée d'éclats : comparée à "une fusée" portant des flèches d'or, elle pourrait éclairer l'avenir du poète et transpercer le brouillard environnant.

L'obscurité du soir qui tombe s'oppose à la clarté éblouissante de cette ville surgie de l'imagination de l'écrivain... "L'ombre du corridor" contraste avec cette vision éclatante et dorée...

Mêlant des sonorités emplies de force à des sons pleins de douceur, le poète suggère, à la fois, la beauté éclatante de cette ville et l'apaisement que procure cette vision nouvelle : gutturale "r" et "c" alternent avec sifflantes "s" et chuintantes "ch" dans ces trois vers : " 

"Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or !"

Cette ville entrevue dans un rêve pourra redonner une inspiration au poète, c'est du moins ce qu'il désire ardemment et ce que suggère l'emploi du subjonctif à valeur d'injonction et de souhait : "Qu'elle vienne, inspirer, ranimer... Mes chansons".

C'est bien un poète en mal d'inspiration qui s'exprime, ici, dans un texte lyrique, où l'on devine des sentiments de mélancolie : les chansons "rembrunies", comparées à "un ciel d'automne" nous parlent de cette tristesse.

Comme souvent dans la poésie romantique, le paysage devient le reflet de l'état d'âme de l'écrivain.

Le poète en appelle à cette rêverie pour lui insuffler une nouvelle façon d'écrire : il attend une vision emplie de rêve, d'espoir, de magie.

 Hugo nous laisse entrevoir tous les charmes de cette ville orientale : teintée de mystères avec ses "rumeurs étouffées", de richesses, avec "ses palais" aux "mille tours", empreinte de magie avec ses "fées", pleine de beauté, car elle se dessine "en dentelles" sur un horizon violet.

Hugo, dans ce poème, parvient à nous faire partager son rêve oriental : la dernière vision nous transporte dans un univers proche de celui des Mille et une nuits, fait de mystères et d'harmonie.

Solitude, mélancolie, magie et beauté de l'Orient... Hugo nous transmet, avec lyrisme, émotion et sensibilité, ses sentiments et ses rêves d'évasion...

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2016/03/les-couchers-de-soleil-ont-souvent-inspire-les-auteurs-romantiques.html

 

Le poème :

 

Rêverie

Oh ! laissez-moi ! c'est l'heure où l'horizon qui fume
Cache un front inégal sous un cercle de brume,
L'heure où l'astre géant rougit et disparaît.


Le grand bois jaunissant dore seul la colline.
On dirait qu'en ces jours où l'automne décline,
Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt.

Oh ! qui fera surgir soudain, qui fera naître,
Là-bas, - tandis que seul je rêve à la fenêtre
Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor, -
Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or !

Qu'elle vienne inspirer, ranimer, ô génies,
Mes chansons, comme un ciel d'automne rembrunies,
Et jeter dans mes yeux son magique reflet,
Et longtemps, s'éteignant en rumeurs étouffées,
Avec les mille tours de ses palais de fées,
Brumeuse, denteler l'horizon violet !



13 réactions


  • Decouz 9 mars 2019 15:13

    Hue !

    Go !


    • rosemar rosemar 9 mars 2019 15:21

      @Decouz

      Vous n’aimez pas Hugo ?


    • Decouz 10 mars 2019 13:32

      @rosemar

      Ce n’est pas que je n’aime pas, c’est que je préfère consacrer mon temps, limité, même si « j’avale » au moins 50 pages par jour pour les romans, à des auteurs moins connus, voire encore inconnus, non francophones ou francophones, moins scolaires.

      « L’éclair de l’immense, quelque chose qui resplendit et qui est brusquement surhumain, voilà le génie » a écrit Hugo.

      Plus de 100 pages rien qu’en catalogue à la BN !
      A 14 ans les trois chants du Déluge, à 15 ans une tragédie.
      « Les Burgraves », écrits en 6 semaines, « les Châtiments » en 6 mois.

      Lu dans « Le Genie et la Folie » de P.Brenot.


    • rosemar rosemar 10 mars 2019 21:35

      @Decouz

      Un roman de Hugo à lire : L’homme qui rit...

      http://rosemar.over-blog.com/article-gwynplaine-l-homme-mutile-113089259.html


  • phan 9 mars 2019 20:00

    Je me couche avec les poules, je me lève au chant du coq et je ne suis ni poète ni romantique . Alors, une clochette au cou des bœufs de Victor Hugo, pffff !


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