« Les Lois de la Gravité » Jean Teulé à l’affiche Hébertot
- LES LOIS DE LA GRAVITE
- photo © Theothea.com
De la gravité à la gravitation, il n’y a, bien entendu, qu’attraction universelle et c’est, sans aucun doute, en raison de cette loi incontournable que la meurtrière, à la limite du délai de prescription, vient confesser son geste fatal auprès d’un commissaire de police, à quelques heures de minuit.
Mais lui ne l’entend pas de cette oreille ; d’abord courroucé par ce dérangement inopportun durant son service nocturne alors qu’il s’apprête à rejoindre son domicile, c’est en psychologue aguerri mais stupéfait de la démarche de la jeune femme qu’il va lui conseiller d’en faire autant, comme si de rien n’était !
En effet, la Justice s’étant déjà prononcé au sujet de la chute du mari alcoolique depuis le balcon familial, en optant pour la non-responsabilité de l’épouse, à quoi bon dix ans après les faits, vouloir rejuger ce suicide « accidentel » en drame conjugal ?
Cependant, aucun argument ne semble pouvoir arrêter la détermination de cette mère de deux enfants, prétendant être tellement poursuivie par le remords d’avoir provoqué l’impulsion fatale d’un coup de pied que, peu à peu, vivre en liberté lui est devenu pire que l’incarcération à perpétuité.
C’est donc quasiment comme une faveur que celle-ci vient réclamer son droit à être arrêtée.
La tonalité surréaliste de l’écriture de Jean Teulé est ici parfaitement fidèle à elle-même, à ceci près que l’auteur s’est inspiré d’un fait divers réel pour construire son roman, par la suite adapté au Théâtre ainsi qu’au Cinéma où Sophie Marceau venait alors se dénoncer auprès de Miou-Miou, la fonctionnaire de police.
C’est ici le toujours très étonnant Dominique Pinon qui endosse ce rôle du confident paradoxal et néanmoins représentant de l’ordre ! Un tantinet anarchiste dans l’âme, ce commissaire bon enfant a surtout envie qu’on lui fiche la paix pourvu que « les patates chaudes » soient refilées à des collègues qui adorent çà !
En partenaire résolue, Florence Loiret Caille lui donne la réplique sur un débit de voix saccadée, comme mue par une énergie mécanique venue d’ailleurs.
La comédienne joue sa partition dans une étrangeté contradictoire ne laissant place qu’au désir obsessionnel de vouloir perdre son autonomie.
Fort opportunément un tiers, également policier (Pierre Forest) sur le point de prendre sa retraite, fait œuvre de diversion dans ce huis clos hors normes en incitant chacun, y compris les spectateurs, à relativiser l’enjeu entre les deux maillons reliant l’individu à l’ordre établi.
Ainsi, cette pièce se jouant à front renversé des schémas classiques pourrait faire bande à part mais bien au contraire, elle partage l’affiche du Théâtre Hébertot avec « Des gens bien » qui eux, aussi officient en quelque sorte en marge de l’idéologie consensuelle.
Difficile d’ailleurs de ne pas relier ces deux brillantes créations, car elles sont dirigées par la même metteuse en scène, Anne Bourgeois les rendant, ainsi de facto, complémentaires.
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LES LOIS DE LA GRAVITE - **.. Theothea.com - de Jean Teulé - mise en scène Anne Bourgeois - avec Dominique Pinon, Pierre Forest & Florence Loiret Caille - Théâtre Hébertot