mercredi 21 juillet 2021 - par Orélien Péréol

Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir – Traces, discours aux nations africaines

Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir, Textes d’après René Char, Frantz Fanon, Raphaël Confiant, adaptation libre et écriture Felwine Sarr, Mise en scène Dorcy Rugamba… Avec Marie-Laure Crochant, Majnun, Felwine Sarr, T.I.E (Vu dans le In d’Avignon)

Tournée en Belgique fin août

Traces, discours aux Nations africaines De Felwine Sarr, avec Etienne Minoungou (mise en scène et jeu), musicien Simon Winse. (Vu à Dakar)

JPEG Felwine Sarr est un chantre de l’Africanité, dans sa complexe incertitude.

Il enseigne à l’université de Duke University, aux Etats-Unis la philosophie africaine contemporaine et diasporique, après avoir enseigné treize ans à l’université de Saint-Louis du Sénégal. Il est l’initiateur des Ateliers de la Pensée à Dakar…

Il écrit aussi.

Son spectacle Traces a été empêché par les restrictions liées au covid en 2020…

Il vient de coéditer un livre d’économie avec Gaël Giraud, un livre à deux voix, l’économie à venir.

Il joue aussi de la guitare et donne une de ses chansons dans « Liberté… ».

Un homme multiple et sur-demandé de par son talent.

 

Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir se présente comme une émission de radio À mots nus à propos d’un livre Richmond Road, écrit par Djidjack… qui est un double de Felwine Sarr. Ce Djidjack a rencontré en rêve Fanon et Char et narre ce moment d’échanges avec eux : il s’agit d’exposer ce livre dans un interview et par cet artefact dérouler les textes de René Char, de Frantz Fanon et de Raphaël Confiant.

De la musique avant toute chose, les textes sont, poétiques, dans la musique des mots et, scéniques, dans la musique des instruments. Chacun des acteurs porte texte, chant et danse parfois. Ils évoluent dans un décor fait de meubles de bois ajouré, qui n’est pas vraiment un studio de radio, d’une grande beauté plastique. L’ambiance est une sorte d’oratorio esthétique, dont il faut bien dire qu’il n’aide pas toujours à porter le texte au public. Il y a un charme indéfinissable, envoutant, qui émane de la mise en scène, enveloppe le spectacle et le spectateur, un côté féérique qui embarque, une fluidité des actrices et des acteurs, un jeu, une grâce qui fait un peu tout oublier, en tout cas, pour moi.

Dans ce cabaret-oratorio, les récits (l’enterrement de Fanon, le retour des militaires en Martinique) prennent plus de force que les poèmes.

 

Tout autre, et presqu’inverse, est Traces, discours aux Nations africaines.

Traces a été créé à Dakar en décembre 2018 pour l’inauguration du Musée des Civilisations Noires, et programmé au festival d'Avignon 2020 qui n'a pas pu avoir lieu. On peut le voir là : https://www.youtube.com/watch?v=xMJnhAnZP4s

Il commence ainsi : « J'ai conquis la Parole. Elle me fut longtemps refusée. (...) Je dois vous parler, vous mes semblables, car seule la parole demeure. » Il s’agit de la Parole, au sens de parole d’homme, celle qui engage, dont on doit répondre le cas échéant. Il s’agit aussi du bégaiement de Felwine Sarr, dont on sait qu’on ne sort jamais totalement, même quand on le maitrise. On est dans l’intime. On est dans la liaison entre le personnel et le continental plus clairement que « Liberté… ».

Étienne Minoungou est la voix, l’avocat. On connaît son jeu de comédien sans jeu, parlant comme un proche, comme un ami… Le musicien à la kora, à la flute… à l’écoute intense des mots et du comédien apporte l’espace infini de l’au-delà des mots. Spectacle sobre, tout dans le talent des interprètes et la poésie du texte. Un grande histoire de l’humanité, partie d’Afrique, et qui ne s’est pas reconnue, des millions d’années plus tard, après les variations climatiques quand se sont rejoint les hommes devenus blanc Europe et les hommes restés noir Afrique. Les choses se sont mal passées. Cependant, ce qui manque le plus à l’Afrique est la confiance en elle, c’est de « sortir du regard vicié sur soi ». « Notre seule faiblesse est de douter de nos forces. »

Felwine Sarr ne cesse d’interroger les rapports réciproques des Africains aux autres hommes, de l’Afrique au reste du monde ; l’Afrique, ses souffrances, sa dépendance, sa diversité, ses actions héroïques tues, le ressassement de ses traumatismes et le désir d’aller de l’avant, de secouer le joug… « Nous oublions que l’universalisme est pluriversel, que nous vivons tous la même expérience humaine mais que nous ne pouvons pas tous avoir le même visage de l’expérience humaine. »

Char, Fanon, Sarr épris de liberté, pour qu’une sagesse de combat monte et se créé en notre époque contre le renoncement. Une sagesse de combat.

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