mardi 17 mars 2009 - par Parkane

Merci Télérama !

A l’occasion du Salon du Livre, qui a lieu du 13 au 18 mars, Porte de Versailles à Paris, notre cher Télérama, nous présente une couverture sombre avec la photo d’une pile de livres coiffée d’une paire de lunettes. Regardons de plus près cette couverture et autorisons-nous, très humblement, comme il convient face à ce magazine culturellement incontournable, quelques remarques, ou plutôt quelques interrogations.

Le Salon du Livre est le rendez-vous annuel du monde de l’édition pour promouvoir les dernières sorties, celles qui sentent l’encre fraîche et l’espoir d’un prix littéraire, celles qui feront tourner les rotatives et rempliront les caisses des fonds de roulement, celles dont les chiffres de vente serviront de garantie aux banques pour financer la fabrication des sorties de la rentrée littéraire de septembre, mais que l’on ne trouvera plus en librairie à partir du mois de juillet.

Alors que ce salon ne mise que sur l’actualité, la fraîcheur, l’originalité, la nouveauté, que fait Télérama ? Il nous montre une pile de livres d’occasion. Pas des livres anciens ou précieux, non, des livres d’occasion, limite vide-grenier ou marché aux puces de la Porte de Saint Ouen. Le premier, en haut de la pile, pourrait à la limite passer pour une édition de Minuit à peu près propre, mais dans un format qui ne se fait plus depuis des lustres, en dessous nous avons un jaune Grasset sans jaquette, suivi dans cette descente aux enfers par des brochés des années trente, pour se terminer sur un bouquin relié qu’on pourrait prendre de loin pour une édition de Sélection du Reader’s Digest contenant quatre romans américains sans intérêt en version abrégée.

L’ensemble est plongé dans une obscurité glauque qui doit certainement vouloir suggérer le côté ésotérique de la lecture, d’autant plus que le symbole universel de l’intello ou de l’intellotte, donc du sachant lire, est posé en évidence sur la pile sous forme de lunettes à monture genre modèle sécu.

Le message de Télérama paraît clair : Le livre, c’est fini.

Il disparaîtra avec les derniers dinosaures qui sont encore capables de se concentrer plus de cinq minutes sur un objet qui ne bouge pas, qui ne fait pas de bruit et qui ne soit pas comestible.

Selon cette couverture prémonitoire, on trouvera dans quelques années plus que des livres obsolètes et défraîchis dans des échoppes obscures, tenues par des vieillards à longue barbe grise ou par des vieilles sorcières à nez crochu et chapeau pointu, entourés de rats savants et d’araignées apprivoisées.

Les contenus littéraires consommables, c’est-à-dire disponibles, on ne parlera alors plus de livre, seront directement consultables sur internet en LOD (Literature On Demand) ou podcasté sur des consoles portables qui pourront contenir toute une bibliothèque, de la réréédition électronique du dernier BHL, personne n’est éternel, hélas, jusqu’aux nouvelles aventures de l’arrière-petit fils de Harry Potter.

Voilà ce que Télérama semble vouloir nous annoncer par cette image sinistre qui dans son entreprise de ringardisation évidente de l’objet livre nous prépare déjà à un proche avenir où les contenus littéraires disponibles auront été sélectionnés par Google himself.

PS : Nous est venu à l’esprit également l’idée que le responsable de cette couverture à la rédaction de Télérama aurait peut-être un beau-frère bouquiniste, pardon, libraire d’ancien et d’occasion, connaissant quelques difficultés économiques. Il aurait pu vouloir dans ce cas profiter du prétexte du Salon du Livre pour faire une publicité subliminale à cette corporation qui sera dans l’avenir de plus en plus indispensable pour se procurer des livres disparus des rayons et des catalogues électroniques. Qu’il soit alors, dans l’éventualité de cette hypothèse, chaleureusement remercié, bien que son photographe ne connaisse absolument rien aux livres, ni anciens, ni d’occasion.



8 réactions


  • Epeire 17 mars 2009 21:03

    Je vous trouve un peu dur.

    Au contraire, on peut mettre l’accent sur la paire de lunette laissée au sommet de la pile qui laisse subodorer une lecture en cours et le gros titre "100 écrivains et les livres de leur vie" : Ce sont de vieux livres car ce sont des livres sans doute lu il y a longtemps et qui ont imprégné les auteurs d’aujourd’hui. Au contraire, je les trouverais très attirant ces vieux livres !

    Tout n’est donc pas si simple...


    • Christoff_M Christoff_M 18 mars 2009 07:53

       comme Le Monde, Télérama a été englobé plus ou moins racheté...

      Ayant travaillé aux couvertures avec un tres bon directeur artistique viré depuis, je trouve que la partie visuelle et la qualité des Couvs a beaucoup baissé...

      Quand on fait rentrer des gestionnaires de bouts de chandelles, le clash n’est pas loin avec les DA... les remplaçant ne sont que des exécutants qui obéissent aux délais et sont beaucoup mins regardant sur le travail final !!

      D’ou cette Couv qui ressemble à un enterrement du livre !!


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 18 mars 2009 09:37

    Paul je ne suis pas d’accord avec votre analyse. Si on considère l’aspect usé des livres, et le titre "100 écrivains", j’arrive à la conclusion que le sujet mis en valeur n’est justement pas le livre, mais cette construction sociale étrange : l’écrivain. Ces livres sont présentés parce qu’ils sont censés être les objets appartenant à ces fameux écrivains (ils remplissent donc une fonction métonymique, eh eh eh...).

    Pire ; le nombre 100 indique qu’une fois de plus, on va nous infliger un classement, le hit-parade et la Star Ac’ étant devenus l’horizon incontournable de toute rédaction. Bref, c’est l’équivalent Télérama de Biba : 100 secrets pour garder votre mec.


    • Christoff_M Christoff_M 18 mars 2009 15:26

      paul ??


    • Vilain petit canard Vilain petit canard 18 mars 2009 15:55

      Ah oui zut, pas Paul, Parkane, excusez-moi.


    • Vilain petit canard Vilain petit canard 18 mars 2009 15:57

      C’est à cause de la métonymie, j’ai confondu avec Paul Villach !


    • Parkane 18 mars 2009 16:43

      Le vilain petit canard pense donc que les écrivains n’écrivent au fond que des vieilleries, qui sentent la poussière avant même d’être éditées.
      Ce n’est peut-être pas faux, quand on considère que les éditeurs, en tant que fabricants et marchands de livres, se doivent de prendre le moins de risques possibles, afin de pas mettre en péril leur activité de fabricants d’écrivains. 
      Ce dont cette couverture serait donc bien la représentation.


    • Vilain petit canard Vilain petit canard 23 mars 2009 09:33

      Non pas tout à fait : je pense qu’on nous exhibe ce qui est censé être ce que lisent ces fameux écrivains : des vieux livres. "On", c’est le pubard qui a pondu le projet de couv’ de Télérama. En effet, l’écrivain, être sensible et cultivé, c’est bien connu, ne lit que des classqiues et des vieux machins dont le lecteur moyen (vous, moi) n’a jamais entendu parler. Un bel exercice de narcisssisme (ouais, moi j’aâââdooorre Céline, ou Chateaubriant, ou Restif de la Bretonne, moi je relis Proust, ou Tacite, etc.).

      A noter également, que l’écrivain est également porteur de lunettes (voir photo), ce qui confirme son statut d’intellectuel, c’est bien connu, les binoclards, ça lit. A moins que ce ne soit son âge, au-dessus de la limite fatidique et presbytique des 45 ans.

      Le tout naturellement, afin de nous vendre les dernières éditions de ces vieux machins respectables au demeurant (on ne sait jamais), mais surtout la production actuelle de ces nouvelles stars "de la plume", comme on dit. Comme si elles écrivaient à la plume.


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