mercredi 30 décembre 2009 - par Ricard

Michael Mann, cinéaste surestimé

Artiste total - Styliste implacable - Filmeur novateur - plus grand metteur en scène américain… hum, hum… On trouve de tout, dans les journaux spécialisés ou pas, concernant le soi-disant génie d’un réalisateur qui ne cesse de le perdre film après film.

Les signes avant coureurs étaient pourtant présents très tôt et on aurait dû s’en douter à les voir parader avec leurs épaulettes, dans leurs spencers clinquants, au volant de leur Ferrari décatie. Miami Vice, c’était l’époque Gianni Versace, pourtant déjà très au fait du lègue que la série allait laisser. Michael Mann en ces temps brushinguisés, était un artificier, un touche à tout, un chercheur d’or en quête de son filon. Film de genre, série B, il tâtonnait et intéressait une critique qui le regardait du coin de l’œil et qui finit par le tourner totalement quand au début des années quatre-vingt dix, il fut pris de fièvre Costnerienne et nous délivra un des films les plus antipathiques du siècle dernier : Le Dernier des Mohicans. Remis sur pattes et pour clouer la gueule au monde entier, il répond à un fantasme de cinéphiles, unir deux dieux du film de gangsters pour en faire un de trois heures. Mais à cet instant, on ne le croit pas capable de se hisser au niveau d’un Coppola, d’un Scorsese, ni même d’un De Palma. Justement, Heat ne cherche pas la comparaison, masque ses évidentes influences malaxe le tout, évite le sarcasme, et Pulp Fiction sorti un an plus tôt. La critique petit sexe, forte de sa rhétorique analgésiante se mord encore les doigts de ne pas avoir su se rendre compte à temps que Heat était un polar novateur à tous ses paliers artistiques et qui, quinze ans après continue d’hanter les esprits des cinéastes qui tentent comme ils le peuvent de récréer ne serait-ce que l’émotion suscitée par le générique de fin. Un seul semble avoir réussi à s’émanciper de l’héritage du film, dans son genre, et d’une scène en particulier dont l’intensité ne fut jamais égalée : la fusillade en plein centre ville de Los Angeles lors du braquage raté. Spielberg sut la transcender pour délivrer celle du débarquement sur les plages normandes dans son Soldat Ryan. Il l’a pompée, désossée et il a donc compris la nécessité du son, des balles qui fusent, de la destruction massive, de la perforation des chairs, de la presque sensation 3D. C’est à cet instant précis que la critique, passée à côté de cette œuvre majeure, va nous faire payer son oubli en nous flanquant chaque prochain métrage de Mann des superlatifs les plus absurdes et injustifiés le concernant. 

Evidemment, juste après Heat, il y a bien Révélations, film démocrate soyeux, héritier de Pakula et Lumet, parfait remplissage pour les prochaines grilles de programmation type TCM. Il possède tous les arguments nécessaires pour devenir un classique plan-plan d’ici les dix prochaines années. C’est toujours avec Pacino mais puisque c’est sans De Niro, c’est deux fois moins réussi, percutant, intéressant. C’est beaucoup moins animal ou polarisé. C’est cérébral, c’est de la démonstration par de la déconstruction. Par ce film, il amorce le prochain, l’histoire de son pays via ses mythes et ce seront les dernières bonnes nouvelles que nous recevrons de lui.

Avec ça, il aura dû lire toutes les critiques du monde entier, les apprendre par cœur, celles qui lui confirment qu’avec son Révélations, il est devenu le plus grand auteur américain. Il s’enfonce donc les pieux de l’arrogance dans le derrière et hurle qu’il est le réinventeur du classicisme hollywoodien et pour le prouver, il passe à la HD. Par ce biais, il nargue toute cette nouvelle population de réalisateurs homemade, DV+softs de montage semi-pro, en leur racontant qu’avec le même matériel qu’eux, il réalise des films à cent millions de dollars blindés de stars et autrement mieux distribués que sur Dailymotion. Malheureusement et on ne lui dira jamais assez, depuis, c’est un peu la chute de l’empire romain à chacun de ses films. Ali en est l’incarnation la plus flagrante et dommageable. C’est une œuvre inutile, n’offrant aucune nouveauté par rapport aux documentaires percutants existants sur le boxeur. Il s’agissait juste d’un véhicule à oscar pour sa star qui le loupa.

Son échec aura le quasi mérite de le faire revenir à son genre de prédilection : le polar. Mais entre temps, de l’eau a coulé sous les ponts, de la graisse s’est amassée dans les poches sous ses yeux et il a décidé de capituler dans l’art du renouvellement préférant pérenniser une recette qu’il ne sait plus réaliser. Comme les frères Coen, il aurait pu être ce réinventeur de style, ce recycleur de genre mais il n’est que le tombeur d’une Amérique et de ses mythes, l’architecte de sa décrépitude artistique, un metteur en scène au service d’une forme qu’il nécrose. Il aura beau moumouter Cruise et le grisonner, nous faire un update des flics moites de Miami et une adaptation du Musée Grévin avec son dernier Public Enemies, il ne retrouve jamais l’allant qui avait fait de lui le cinéaste à suivre les yeux fermés lorsqu’il réalisa Heat, œuvre spectaculaire d’un artiste dont l’on n’attendait rien. C’est peut-être pour cela qu’à présent, il faudrait remettre les compteurs à zéro en souhaitant que Michael Mann soit capable de nous délivrer autre chose que des œuvres boursouflées de prétention. 
 
 


1 réactions


  • Yupapa 30 décembre 2009 20:57

    Je ne suis absolument pas d’accord avec vous.


    Je trouve que d’une part les films de Michael Mann remplissent parfaitement leurs rôles.
    Miami Vice est une très bonne interprétation moderne de la série du même nom qu’il avait d’ailleurs produit. Le film comprend il est vrai de nombreux partis pris dans la manière de raconter et dans l’esthétisme, ce que je pense est absolument normal étant donné l’idée que l’on se fait de la série Miami Vice. En voulant s’en détacher tout en restant sur le même créneaux je pense que le pari est gagné. Il est vrai toutefois qu’en version courte le film peut faire penser à un enchaînement de clips musicaux, mais en version longue il comprend certaines scènes qui l’accomplissent. Il faut aussi rajouter que dans la série, la musique est un comme un troisième acteur, il est donc normal qu’elle tienne un rôle omniprésent.
    Je ne me lancerais pas dans la critique de The Insider qui est un excellent film et que je pense vous avez apprécié. Ni dans la Forteresse Noire qui se passe de tout commentaire.
    Ces autres films montre une montée en puissance d’un style qu’il appliquera finalement dans Heat. Un style plutôt brut qu’il met en exergue certains détails tout en mettant en retrait d’autres que l’on avait tendance a voir en surabondance dans des productions classique. 
    Enfin, il est vrai que Public Enemies n’apporte rien de nouveau à son cinéma. D’un avis personnel, ’histoire est assez ennuyeuse. Et la seule chose que je puisse regretter, c’est qu’il ait sûrement voulu le film ainsi fait le rendant plutôt moyen. En outre je trouve que Collateral est parfaitement maîtrisé.

    Je rajouterai que depuis, son style s’est affiné. D’ailleurs la caméra à l’épaule façon Mann est unique. Je ne peux pas faire de comparaison avec d’autres caméra qui semblent fuir (l’extrême étant la caméra de The Shield selon moi). Michael Mann semble vouloir tout nous montrer à l’écran comme s’il n’en vait pas le temps, comme si un détail devait nous sauter au yeux à un moment précis, qu’il est son importance ou pas. Tout ce déroule dans la contemplation et le détail. Il s’agit souvent de se laisser guider par la caméra, et non rester focusser, je dirais, sur l’action en cours afin de ne pas perdre le cadre que la caméra fait semblant de perdre.
    Du coup on voit chez Michael Mann des scènes que l’on voit dans de nombreux films avec toutefois une sensibilité différente s’agissant de ce qu’il y a d’important à l’écran ou tout simplement de ce qu’il veut montrer.
    De la réalité brut des bruits de balles assourdissantes, des carlings déchiquetées en passant par la perceuse d’un coffre fort, au partis pris musical et esthétique qui ôte tout autre détail de l’écran, ne retrouve-t-on finalement pas la même sensibilité ?

    Pour en revenir au changement, concernant ses personnages, rien a changé. James Caan, Robert De Niro, Tom Cruise, et Colin Farrell joue le même personnage à différent degré. A nous de bien y faire attention.

    Bref je ne suis pas critique de ciné, d’ailleurs je les déteste. Je suis avant tout cinéphile. Je regarde beaucoup de film, et j’en finis rarement la moitié à la première vision. Je m’estime à force assez difficile et je finis par avoir des appréhensions à en regarder certains qui traînent sur mon étagère de peur qu’ils me déçoivent. Malgré tout je suis très réceptif à la réalisation de Michael Mann, à ses histoires, à ses personnages, à ses choix musicaux, et à ce qu’il raconte à travers sa manière de filmer.

    Le goûts et les couleurs ne se discutent pas. Je suis également très réceptif au Truffaut, Kitano, Kurosawa, Audiard, Nolan et beaucoup d’autres. Une liste pour vous enlever l’idée de tout parti pris cinématographique dans ma critique de votre critique.
    Ce que je comprend pas c’est pourquoi vous dites cela, car je ne vois finalement aucune critique de ses films dans votre texte. Je ne vois que l’étalement de votre déception qui ne dit pas d’où elle vient.



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