samedi 10 septembre 2005 - par Theothea.com

Moi aussi je suis Catherine Deneuve

Avec un titre aussi intrigant que glamour, Pierre Notte a réuni d’emblée les conditions du malentendu élevé en art abouti de la confusion surréaliste.

En plongeant directement au coeur d’une famille "tuyau de poêle" sans assurer aucun palier de décompression, l’auteur confronte son public avec la compassion relationnelle à l’égard du trop-plein d’incommunication schizophrénique.

Face à une mère s’accrochant désespérément au cap de la survie, voici trois redresseurs en diable des fautes d’accord grammatical de leur génitrice !... Ainsi sont ses enfants qui n’en finissent pas de chercher des canots de sauvetage en se réfugiant dans les royaumes d’une déviance comportementale où la pulsion libidinale tente de subsister, voire de se régénérer à la synergie du naufrage collectif !...

Dans l’affirmation "Moi aussi je suis Catherine Deneuve", c’est avant tout "aussi" qui importe !... En effet le processus d’identification ne prend sa véritable valeur que dans la mesure où l’aura, le charisme, l’image médiatique de la célèbre actrice peuvent servir de modèle à une copie conforme.

Ainsi vont pouvoir coexister en un imaginaire idéel d’une part, la vraie Cartherine Deneuve, et, par ailleurs, Geneviève, son clone prétendant aux pouvoirs et privilèges supputés de l’artiste.

A partir de cette exigence radicale va pouvoir s’installer avec frénésie le régime de la terreur et du chantage à l’égard d’une réalité qui tenterait de résister à la toute puissance de l’ego en mal de reconnaissance.

Et qu’importe si autrui, et particulièrement les proches, devait faire les frais d’une impossibilité à exister par soi-même !...

Confrontés à l’absence du père, la soeur et le frère de Geneviève n’auront pas d’autres réponses à signifier à leur mère que celles de leur propre pathos, l’auto-scarification en chantant pour l’une, le mutisme lymphatique de l’autre.

Un tableau dévastateur où l’intention du metteur en scène Jean-Claude Cotillard est de placer les protagonistes en telle situation d’absurdité délirante que les comédiens puissent y tirer leur épingle d’un jeu complètement exacerbé.

Ainsi Zazie Delem, la mère, et Juliette Coulon, Geneviève, vont pouvoir se déchaîner sur le registre de l’incompréhension mutuelle ; Charlotte Laemmel, Marie et Romain Appelbaum, le fils exilé à Bordeaux officieront, eux, sur le mode de la régression dégénérescente.

L’ensemble constituant une analyse socioculturelle si peu insensée pourvu que le cynisme paranoïaque y soit compris à l’aune d’un humour salvateur.

Theothea.com
MOI AUSSI JE SUIS CATHERINE DENEUVE - de Pierre Notte - mise en scène : Jean-Claude Cotillard - avec Zazie Delem, Juliette Coulon, Charlotte Laemmel, Romain Apelbaum - Théâtre de La Pépinière-Opéra -




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