mardi 26 avril 2022 - par Theothea.com

« Mon Dîner avec Winston » Gilles Cohen en tête à tête Churchillien à L’Atelier

En ce printemps 2022, le théâtre de l'Atelier présente ''Mon dîner avec Winston'' un Seul en Scène insolite qui avait été programmé au Théâtre du Rond-Point au mois de septembre 2020 au sortir provisoire d'une période de confinement.

 

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Mon dîner avec Winston
© Theothea.com

  

Dans un décor austère à l'esthétique sobre et élégante (Jean Haas), tout le mobilier jusqu'au frigidaire est d'un noir jais, l'homme qui surgit s'affaire aussitôt, visiblement excité à l'idée de dresser la table pour un visiteur d'exception.

Nouant un tablier sur son costume cravate, il pose avec beaucoup de soin une nappe sur le coin gauche de la table, deux assiettes, deux verres - des verres à Bourgogne - tout en alléchant le public en évoquant un jambon qui rôtit dans le four, accompagné d'un gratin de pommes de terre, une bouteille de champagne repose au frais dans son sceau en inox et nous précise-t-il 5 autres bouteilles de marque seront prêtes à satisfaire son hôte. Apparemment un buveur invétéré et un fin gourmet !

Un épais plaid recouvre un fauteuil prêt à recevoir l'invité. La jubilation de Charles est à son comble à l'idée de partager ce dîner avec ce convive qui se fait attendre et notre homme ne cesse de soliloquer sur ces préparatifs qui doivent être dignes pour ce retardataire qui, en définitive, n'arrivera pas ! Pour cause, il est mort depuis plus de 50 ans !

 

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Mon dîner avec Winston
© Olivier Roset

  

On comprend, photos à l'appui sur les murs et écran élevé sur des tréteaux montrant en continu le portrait de Churchill faisant le fameux V Victory ! Victory ! Victory ! que l'illustre Anglais devient une projection imaginaire qui polarise tous les sentiments de Charles ressentis dans sa solitude extrême et dans le but de sortir d'une situation émotionnelle intolérable.

Car Charles est surtout un homme seul, sa femme est partie et il a sombré dans l'alcool. « Après le départ de Solange, je me suis mis à boire. Le Martini, la vodka, les deux ensemble. Ça s'appelle du ''Vodkatini''. Je faisais moitié-moitié. »

Aussi, Winston Churchill, à la bonhomie truculente aimant la bonne chère et fumant le cigare, connu pour la puissance de son verbe et ses saillies inoubliables, est-il le parfait modèle pour opérer un transfert d'identification jusqu'à endosser une combinaison d'aviateur semblable à celle de son héros.

La boisson aidant, Charles libère les mots comme d’autres ont libéré les peuples. Il se lance dans une conversation imaginaire avec cet homme qu’il admire autant pour ce qu’il a été que pour ce qu’il a accompli. Il le prend à témoin.

 

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Mon dîner avec Winston
© Olivier Roset

  

Dans un état d'ébriété avancé au coeur de la nuit, il hurle les tonitruants discours du 4 juin 40 qu'il connaît par coeur aussi bien en français qu'en anglais debout sur un tabouret « Nous ne nous rendrons jamais, nous n’abandonnerons jamais... »

« We shall defend our Island, whatever the cost may be, we shall fight on the beaches, we shall fight on the landing grounds, we shall fight in the fields and in the streets, we shall fight in the hills. We shall never surrender ! » au grand dam de son voisin polonais du dessous ou aux interlocuteurs impromptus qui viennent le déranger au bout du fil, puisque, le soir, Charles télé-travaille pour le service client d’une entreprise de dépannage automobile.

Il s'oublie dans la peau de son mentor. La fiction prend le pas sur la réalité. Son travail prend des allures surréalistes lorsqu'il tente d'aider un conducteur en panne perdu en Bavière près de Berchtesgaden. Ne parvenant toujours pas à redémarrer, et rappelant encore une énième fois, il finit par prendre le client se trouvant sur le lieu de villégiature d' Hitler pour un ancien nazi.

 

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Mon dîner avec Winston
© Olivier Roset

  

Quand ce dernier lui dira qu'il se prénomme Abraham et non pas Adolfo, l'esprit embrumé et cédant à la panique, il lui conseillera de quitter au plus vite l'Allemagne « Abraham j'ai peur pour vous ! »

Pendant une heure, ''Mon dîner avec Winston'' passera par l’entremêlement de la petite et de la grande histoire où s’invitent Daladier, Chamberlain, Hitler pour évoquer l' Europe d'hier et d’aujourd’hui, secouée de crises, démocratiques, sociales, climatiques.

La performance de Gilles Cohen qui est aussi le metteur en scène du spectacle est à la hauteur du potentiel théâtral du grand personnage auquel il s'identifie et qu'il nous restitue avec humanité dans toute sa complexité. Fêlé, mélancolique et drôle, il faut le voir imiter Zorro, danser le tango et s’abîmer dans l’alcool qu’il ingurgite par litres.

Sans artifices, et dans une mise en scène mettant en valeur le quotidien, ''Mon dîner avec Winston'' alterne monologue et extraits de discours qui, sous l'effet de l'alcool, s'entrechoquent et s'entremêlent. Gilles Cohen a cette voix puissante qui rehausse l’éclat des mots s'égrénant au gré de sa dérive verbale.

 

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Mon dîner avec Winston
© Olivier Roset

  

L'homme paumé et dépressif qu'il incarne à merveille va puiser, à travers ces longues déclamations souvent teintées d'humour écrites par Hervé le Tellier (couronné par le prix Goncourt 2020 pour L’Anomalie) la matière à s'élever et, last but not least, à être le héros d'un soir devant un public conquis.

  

   

photos 2 à 5 © Olivier Roset
photos 1 & 6 © Theothea.com
  
  
MON DÎNER AVEC WINSTON - **.. Cat'S / Theothea.com - de Hervé Le Tellier - mise en scène Gilles Cohen - avec Gilles Cohen - Théâtre de L'Atelier
  


  

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Mon dîner avec Winston
© Theothea.com

 

  



1 réactions


  • sylvain sylvain 26 avril 2022 11:02

    les fous aiment a s’identifier aux grands bourreaux de l’histoire, pourvu qu’ils aient un peu de panache .Napoléon, césar ou churchill, qui n’hésitait pas a exiger l’utilisation des gazs chimiques contre les indigènes des colonies


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