jeudi 28 décembre 2023 - par Fergus

« Mon nom est Personne » : 50 ans déjà !

Eh oui, un demi-siècle s’est écoulé depuis que nous avons découvert en salle ce film atypique et baroque. Cerise sur le gâteau, il vient de ressortir dans une version restaurée 4K pour notre plus grand plaisir. Une belle occasion d’aller une nouvelle fois à la rencontre de la « horde sauvage », autrement dit des « 150 fils de pute » auxquels devra faire face un homme seul…

« Mon nom est Personne » : 50 ans déjà ! {JPEG}

Nul ne pensait, à la sortie de Mon nom est Personne, que ce film était appelé à devenir l’un des plus grands classiques du western spaghetti, un genre popularisé durant les années 60 par les opus nés de la fructueuse collaboration du réalisateur Sergio Leone et du génial compositeur Ennio Morricone : Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le bon, la brute et le truand ou Il était une fois dans l’Ouest. Présenté comme un film de série B lors de sa sortie en 1973, Mon nom est Personne (titre original : Il mio nome è Nessuno) n’en a pas moins, au fil du temps, été élevé au rang de film « culte », pour reprendre l’expression désormais si souvent utilisée s’agissant d’une œuvre qui a trouvé son public et dont les fans citent les bons mots comme des gourmandises.

Il faut dire que Mon nom est Personne avait a priori toutes les apparences de la farce comme semblait le confirmer la présence sur l’affiche d’un Terence Hill connu pour ses pitreries, mêlées à celles de Bud Spencer, dans le médiocre On l’appelle Trinita et son prolongement On continue à l’appeler Trinita. Par chance, figurait également au casting de Mon nom est Personne le grand Henry Fonda, celui-là même dont les prestations, outre celle d’Il était une fois dans l’Ouest, avaient ému tant de cinéphiles dans le poignant film Les Raisins de la colère ou l’inoubliable 12 hommes en colère. Le résultat, inattendu pour une œuvre réalisée par Tonino Valerii, un ancien et méconnu assistant de Sergio Leone, s’est traduit par des audiences record en Europe de l’ouest, et tout particulièrement en France.

Signé Tonino Valerii, le film Mon nom est personne a, nul ne s’en étonnera en le voyant, été produit* et très largement supervisé par Sergio Leone qui, nous affirment les spécialistes, en a même réalisé personnellement certaines scènes. Ce film nous offre à voir un produit cinématographique hybride entre le cinéma du grand maître du western spaghetti, popularisé par d’éclatants succès, et celui de potentiels successeurs, encore plus détachés des codes du western classique et résolument adeptes d’une dimension désacralisée, et même burlesque. D’une certaine manière, Sergio Leone s’offre une sorte d’apothéose baroque dans laquelle on retrouve indiscutablement son empreinte. Et cela jusque dans la remarquable bande-son, directement héritée de l’inspiration antérieure d’Ennio Morricone.

Mon nom est Personne nous narre la rencontre, qui n’a rien de fortuite, entre un justicier vieillissant à l’incomparable gâchette (Jack Beauregard) et un jeune aventurier (Personne), excellent tireur lui aussi, qui n’a de cesse d’amener le héros qu’il admire à faire face à son destin : affronter les 150 cavaliers de la « horde sauvage » missionnés pour lui faire la peau. L’affrontement aura lieu, grandiose et magnifié par un thème crépusculaire avec chœurs ponctué par une Chevauchée des Walkyries revisitée par Ennio Morricone dans une version dissonante dominée par l’harmonica. Un grand moment de cinéma où les explosions sont ponctuées de superbes images fixes destinées à illustrer les « livres d’histoire » qui, comme l’avait prédit Personne, conteront les exploits de Jack Beauregard.

Film tout à la fois burlesque et empreint de nostalgie, avec à la clé un zeste de philosophie, Mon nom est personne résonne comme un adieu – ô combien réussi ! – à un genre qui ne sera plus jamais abordé avec le même talent, Sergio Leone ayant, après avoir très largement contribué à cette ultime succès du western spaghetti, décidé de consacrer la suite de sa carrière au cinéma de gangsters. Des décennies après qu’il ait été réalisé, Mon nom est personne offre à voir une palette de situations hautes en couleurs, parsemées de nombreux clins d’œil au répertoire, qui, en un demi-siècle, ont toujours ravi les cinéphiles. Aujourd’hui encore, il en va de même pour tous les publics : adultes et enfants y trouvent leur compte et sortent de la projection avec des images et des musiques plein la tête.

Bande-annonce originale du film : lien.

Coproduit avec Norbert Saada



28 réactions


  • Aristide Aristide 28 décembre 2023 11:30

    Ce film est un « petit » western. Leone n’a surement pas osé attacher cette œuvre dans sa filmographie. 

    Le western-spaghetti est mort depuis belle lurette et bien heureusement. Seul Leone a su sortir le genre américain qui était déclinant dans les années 70. après quelques œuvres incomparables, Leone a abandonné ensuite ce genre qui est tombé alors dans une médiocrité assez impressionnante. 

    Le western n’en est pas mort pour autant, de « True Grit » des frères Coen aux « 8 Salopards » ou « Django » de Tarantino, mais aussi des films d’acteur comme « Impitoyable » d’Eastwood ou « Danse avec les loups » et « Open Range » de Kosner. On peut même rajouter quelques pépites « récentes » comme « Hostiles » ou « The Homesman » ou « The revenant », et un western beaucoup moins connu et étonnant par sa construction : « La dernière piste ».

    Mais pour les fans du genre, les classiques sont tous visibles sur les sites de streaming. Je recommande un film d’anthologie de 1930 de Raoul Walsh, « The big trail » avec le jeune John Wayne, et bien sûr tous les John Ford sans exception…


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 11:47

      Bonjour, Aristide

      « Leone n’a surement pas osé attacher cette œuvre dans sa filmographie »
      Pas du tout.
      La raison est qu’il s’était détaché du genre : ses propres westerns spaghetti (venus après sa période peplum) sont sortis en salle entre 1964 et 1968, soit plusieurs années avant Mon nom est personne
      C’est la médiocrité des film du genre ayant suivi qui l’ont convaincu, non de revenir à la mise en scène d’un western, mais de le produire et de très largement y contribuer, non seulement en le supervisant et en donnant des conseils, mais aussi en réalisant lui-même différentes scènes importantes du film.
      Il a été très satisfait du résultat.

      On peut dire de Mon nom est Personne que c’est un « « petit » western », c’est le droit de chacun. Mais cet avis est loin d’être partagé par les amateurs du genre.

      Pour ce qui est des films ultérieurs que vous avez cités (mais qui n’entrent pas du tout en concurrence avec les films de Sergio Leone ou avec Mon nom est Personne), je partage votre opinion sur leur qualité et j’e m’en réjouis car le genre western classique à produit nombre de films plutôt ennuyeux car trop récurrents.

       


    • Aristide Aristide 28 décembre 2023 12:27

      @Fergus

      Je ne suis pas sûr que Leone était aussi fier que cela de cette « œuvre ». Il me semble que sa filmographie officielle ne souffre en rien de cette absence. Mais comme vous dites, c’est le droit de chacun...

      Pour les films récents, nul besoin de parler de concurrence, j’ai simplement signalé que le genre western qui a pratiquement disparu dans les années 80 est de nouveau présent avec des films de qualité et des réalisateurs de talent.

      Sur les westerns classiques, je crois que la production, bien qu’inégale, n’était pas ce que vous en dites… Mais là aussi, c’est le droit de chacun ...


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 17:18

      @ Aristide

      « le genre western qui a pratiquement disparu dans les années 80 est de nouveau présent avec des films de qualité et des réalisateurs de talent. »

      Exact. Et surtout des réalisateurs qui ne sont pas enfermés dans un genre unique, ce qui leur donne une approche intellectuelle plus ouverte à d’autres types d’influence. 


    • Montdragon Montdragon 29 décembre 2023 12:21

      @Aristide
      Archi faux, c’est l’acmé du West spaghetti, la fin d’une civilisation et des ses hommes, remplacés par de jeunes rookies et des machines.
      C’est le XXème siècle qui enterre ses vieux héros.


    • Fergus Fergus 29 décembre 2023 13:14

      @ Montdragon

      « l’acmé du West spaghetti », mais pas la fin du western, même s’il est juste d’écrire « C’est le XXème siècle qui enterre ses vieux héros ».


  • gruni gruni 28 décembre 2023 12:00

    Bonjour Fergus

    Comme la mémoire s’efface j’ai regardé avec plaisir la bande-annonce originale du film. Je ne suis pourtant pas amateur du genre, mais revenir 50 ans en arrière fait du bien à mes artères smiley


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 12:55

      Bonjour, gruni

      « Je ne suis pourtant pas amateur du genre »
      Je n’en suis pas non plus un grand amateur, exception faite de quelques oeuvres classiques ou de quelques belles réussites dans les films plus récents cités par Aristide.

      « Mais revenir 50 ans en arrière fait du bien à mes artères »
      A moi également.
      De plus, revoir ce film avec mes petits-enfants  qui ont passé un excellent moment  a été un réel plaisir.


  • Buzzcocks 28 décembre 2023 14:13

    Le western italien doit être replacé dans son contexte des années 60 en Italie. Les réalisateurs sont tous des communistes ou des anarchistes où le héro se débat contre le pouvoir. Il y a la figure du bandit social ou du paysan (le sud de l’italie) qui lutte contre le nord qui impose sa loi. Il n’a pas d’autre choix que de se rebeller ou devenir un hors la loi pour lutter contre le pouvoir. 

    Il y a aussi la résurgence en italie dans les années 60 de groupuscules nationalistes fascistes comme le Fronte Nazionale (ça ne s’invente pas) ou Ordine Nuovo (on a les mêmes en France), on peut aussi citer la tentative de coup d’état de Junio Valero Borghese.On ajoute mai 68 et la bataille de Valle Giulia entre étudiants et policiers.

    Bref, le milieu intellectuel italien, entendait dénoncer tout ça, via des héros populaires luttant contre les puissants, les propriétaires, le pouvoir italien « libéral » étant vu comme la prolongation du pouvoir fasciste.

    Le thème de la vengeance est omniprésent également, vous prenez « le grand silence », des paysans affamés de l’Utah (métaphore du sud de l’italie) descendent des montagnes affamés pour piller des villages mais ils sont abattus par Tigrero (Klaus Kinski). Pauline la femme de l’un d’eux embauche Silence (JL Trintignant) un pistolero muet pour se venger. 

    Même si ça se passe dans l’Utah, On retrouve tout là dedans, des italiens qui meurent de faim, et vont trouver la richesse dans le nord (les villages de la vallée) où ils sont accablés par le méchant cynique (de droite), ce qui donne le droit de faire appel à un mercenaire sans foi, ni loi, pour se venger et légitimer la lutte. Le hors la Loi (Trintignant) devient légitime.

    Bref, les westerns spaghettis, c’est vachement bien.


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 17:04

      Bonjour, Buzzcocks

      Merci pour ces réflexions tout à fait plausibles.
      J’avoue n’avoir jamais fait le rapprochement entre les westerns spaghetti et la politique italienne. Cela donne à penser.


  • Radix Radix 28 décembre 2023 14:14

    Bonjour Fergus

    Ce film, a mon avis, signe la fin du western classique américain. C’est une sorte de passation de pouvoir entre John Ford et Sergio Leone symbolisé par Beauregard et Personne.

    D’ailleurs plus aucun western américain ne sera plus tourné « à l’ancienne » tant l’apport de Leone était important surtout au niveau du réalisme et de l’humour.

    Ceci dit mon film préféré reste « le bon, la brute et le truand » qui est pour moi le meilleurs western jamais tourné !

    Radix


    • Aristide Aristide 28 décembre 2023 15:12

      @Radix

      Ce film, a mon avis, signe la fin du western classique américain.

      Je vous conseille de voir le « remake » de « Cent Dollars pour un Shérif » avec John Wayne, western de 1969 de Henry Hathaway. Les frères Coen ont repris le scénario et le résultat est à mon sens supérieur à l’original. Ils ont repris le titre original en anglais  : « True Grit ».

      Peut-être changerez vous d’avis ?


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 17:00

      @ Aristide

      Un excellent film, True Grit, qui a montré l’étendue des talents des frères Coen.
      A mon avis supérieur à la version d’Hathaway. Il est vrai que j’ai toujours éprouvé des réserves à l’égard de John Wyane, ceci expliquant peut-être cela.


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 17:12

      Bonjour, Radix

      La fait est que l’émergence de Sergio Leone dans le monde du western a considérablement changé la donne, et même donné un sacré coup de vieux à nombre de films « à l’ancienne ».
      Cela dit, comme l’a souligné Aristide, le genre n’est pas mort.
      Et si peu de réalisateurs s’y sont frottés ces dernières décennies, c’est à mon avis parce que les exigences de crédibilité et de contenu psychologique ont atteint un niveau dont on se souciait nettement moins autrefois.

      Le bon, la brute et le truand reste assurément l’un des tous meilleurs opus du genre.


    • Aristide Aristide 29 décembre 2023 10:03

      @Fergus

       Il est vrai que j’ai toujours éprouvé des réserves à l’égard de John Wyane, ceci expliquant peut-être cela.

      Une petite question, en quoi les « idées » très conservatrices et même réactionnaires de John Wayne peuvent influencer votre opinion sur l’acteur et justifier vos « réserves ». D’ailleurs, on a fait le même procès à Clint Eastwood… Je conseille son film « Gran Torino » ... qui éclaire ce qu’est vraiment l’acteur et le réalisateur de ce grand film.

      John Wayne a été « l’instrument privilégié » d’un géant du cinéma américain en la personne de John Ford qui a souvent été catalogué à tort comme réactionnaire. Si cela ne fait aucun doute pour John Wayne et encore, l’œuvre et les engagements de John Ford sont des contre-arguments. Mais bon, il est assez fréquent de traiter de réactionnaire quiconque se réclame du conservatisme…


    • Fergus Fergus 29 décembre 2023 11:06

      Bonjour, Aristide

      Ne vous méprenez pas, ce ne sont pas les idées de John Wayne qui me gênent, mais je ne sais quoi dans son style de jeu qui fait que je n’accroche pas vraiment à ses personnages. J’ai le même problème avec Katherine Hepburn. 


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 décembre 2023 15:15

    Ben moi j’aime bien « On l’appelle Trinita ».


  • Samson Samson 28 décembre 2023 19:56

    Bonjour ou bonsoir @Fergus,

    Les westerns de Sergio Leone Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Mon nom est personne, Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’Ouest, Il était une fois la Révolution, Il était une fois en Amérique font, avec un penchant personnel marqué pour ceux qu’honore la présence de Lee Van Cleef, partie de ces grands classiques cinématographiques que je me plais à chaque fois revoir avec le même plaisir : rares sont les réalisateurs qui ont à ce point privilégié l’image et l’expression visuelle sur un dialogue la plupart du temps réduit à sa plus simple expression.

    Du très grand art !

    Portez-vous bien, en vous souhaitant un très joyeux Noël et en vous présentant mes meilleurs vœux de bonheur, santé et - si elle se trouve encore - prospérité pour l’an 2024. smiley


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 20:36

      Bonsoir, Samson

      Bien d’accord avec vous, Sergio Leone nous a offert de nombreux moments de pur plaisir cinématographique.

      Tous mes voeux également pour vous et vos proches à l’occasion de la nouvelle année !


    • Samson Samson 28 décembre 2023 22:10

      @Fergus
      « ... qui ont à ce point privilégié l’image et l’expression visuelle ... »
      ... Et la musique, bien évidemment ! Pour notre plus grand plaisir, Ennio Morricone n’a pas vraiment chômé ! smiley


    • Fergus Fergus 28 décembre 2023 22:32

      @ Samson

      En effet, la musique de Morricone est indissociable des images de ces films et a largement contribué à leur popularité. 


    • Montdragon Montdragon 29 décembre 2023 12:23

      @Samson
      C’est de l’opera, en fait.


    • Fergus Fergus 29 décembre 2023 13:46

      @ Montdragon

      Pas faux, il y a en effet des similitudes. A ce détail près qu’il n’y a pas d’arias, mais des choeurs, superbement utilisés en complément des parties instrumentales.


  • Montdragon Montdragon 29 décembre 2023 12:20

    Tu brilles comme un miroir de bordel...


  • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 29 décembre 2023 15:16

    Bonjour Fergus, 

     Pour cette fin d’année, « Musique au générique » présente les musiques de film de Michel Magne qui, injustement spolié d’une part essentielle de sa vie, se suicide avec des barbituriques le 19 décembre 1984.


    • Fergus Fergus 29 décembre 2023 16:03

      Bonjour, Réflexions du Miroir

      Un hommage mérité à un compositeur trop méconnu du public auquel on doit pourtant nombre de musiques de film de grande qualité. 
      « Spolié », sans doute l’a-t-il été, mais il semble également avoir été victime de son côté « cigale ».


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