Ne pendez pas le Père Noël !
Les fêtes de fin d’année sont finies : ouf ! Oui, j’ai bien dit « ouf », car j’ai entendu encore cette année de nombreux collègues, amis, relations, dire que ces fêtes les dépriment...
L’ennui, avec ces fêtes obligatoires, c’est qu’elles mettent en avant les absences, les familles divisées, la difficulté de se réconcilier, et parfois aussi l’absence de moyens. Telle personne ne voit plus ses enfants, telle autre ses parents... Cette situation, difficile à vivre tout au long de l’année, est encore plus pénible à Noël et pendant les fêtes de fin d’année.
Déluge de cadeaux d’un côté...
Noël demeure une fête chrétienne pour beaucoup d’entre nous. Mais c’est devenu surtout la fête des enfants. Dans certaines familles, on assiste un déluge de cadeaux. Mais les enfants les apprécient-ils vraiment ? Combien de cadeaux resteront à encombrer les armoires familiales ? Combien de boîtes resteront fermées, ou ouvertes une seule fois ? Les enfants les apprécient-ils ? Ils sont énervés avant Noël, et fatigués après. Et l’affection pour un enfant ou un proche se mesure-t-elle au cadeau ? La seule présence des proches, des amis, est en soi un cadeau. Etre avec eux, parler, jouer, manger, partager avec eux, voilà le vrai cadeau... Mais celui-ci est bien souvent noyé sous un déluge d’objets. Je me demande souvent si cette abondance de biens est vraiment un cadeau à faire aux enfants. A force d’avoir tout, tout de suite, les enfants apprennent-ils le vrai prix des choses ? Apprécient-ils les efforts fournis par les adultes pour leur payer tous ces présents ? Pas sûr...
Pénurie de cadeaux de l’autre...
Pour d’autres enfants, il n’y a pas de déluge de cadeaux : plutôt une pénurie. Un million d’enfants vivent dans des familles pauvres, aujourd’hui en France. Un million d’enfants pauvres, et les chiffres ne vont pas en diminuant. Pour les pauvres aussi, Noël est une période difficile, car notre société de consommation exhibe, sans vergogne et en toute bonne conscience, son abondance de biens, dans les médias et dans les magasins. Trop pour les uns, pas assez pour les autres, voilà qui n’est pas tellement dans l’esprit de Noël, qui est un esprit de partage avant tout, si je me rappelle bien.
Une évolution nouvelle apparaît depuis quelques années à Noël : la décoration des façades de maisons ou d’appartements Certaines communes ont même lancé des concours de décorations, comme il y en a pour les maisons fleuries. L’inconvénient de l’affaire, c’est qu’en temps d’économie d’énergie, inciter les habitants à dépenser plus d’électricité n’est pas forcément une idée lumineuse.
Pourtant, je trouve agréables ces décorations, ces maisons décorées dans les bourgs et les campagnes, ces guirlandes, ces nains et korrigans de jardins et ces Pères Noël exhibés pour quelques semaines. Ces façades décorées deviennent un prétexte de ballades diurnes ou nocturnes. Certains habitants font preuve d’une vraie ingéniosité et d’un vrai bon goût, d’autres non, mais l’important, c’est de participer.
Un Père Noël sportif !
Quand j’étais enfant, je croyais que le Père Noël livrait les cadeaux portés dans un traîneau volant, tiré par des rennes et venant du Pôle Nord ! Quel naïf j’étais. Aujourd’hui, sur beaucoup de façades on voit des Pères Noël grimpant, et parfois avec difficulté, jusqu’aux cheminées. Où sont passés les rennes volants, au chômage peut-être ? Et le traîneau volant, au rancart ? Voilà donc une évolution notable : le Père Noël est devenu un alpiniste, un sportif accompli qui escalade les façades avec son sac chargé de cadeaux, et ceci, dans le monde entier : il a bien du mérite. Fini le pépère Noël bedonnant sur son traîneau, voici Supère Noël. Et pourquoi pas bientôt sur vos écrans, “Spider Noël”, un papa Noël de type Spiderman allant de cheminée en cheminée grâce à ses superpouvoirs arachnéens ? Il y aurait là de quoi renouveler le mythe et réaliser plein de films et de produits dérivés : ça ferait marcher le commerce ! Je m’égare...
Pendu au balcon...
J’ai été très surpris, au mois de décembre, par la décoration d’une façade dans ma ville. Ledit Père Noël n’y a pas été installé face au mur, visage tourné vers le mur comme s’il grimpait, mais il a été accroché à un balcon, visage tourné vers la rue comme s’il était pendu haut et court au balcon ! Une vision un peu traumatisante pour le grand enfant que j’espère être resté. Et mes passages suivants ont bien confirmé ma première impression : on pouvait bien croire qu’ils avaient pendu haut et court le Père Noël.
Qui sait, les habitants de cette maison voulaient peut-être lui signifier leur vif mécontentement quant aux cadeaux reçus en 2004, et avertir le Père Noël suivant : “T’assure pour les cadeaux, papy, c’t’année, sinon on te pend encore au balcon !”...
Plus probablement, les habitants de cette maison avaient dû aller un peu vite, et n’avaient pas compris l’effet que pouvait susciter leur installation. Je l’espère, car le Père Noël n’est pas une ordure que l’on peut pendre sans jugement. Souvenons-nous que nous sommes tous des Pères et des Mères Noël en puissance, et cela tout au long de l’année. Alors, s’il vous plaît, décorez vos façades si vous voulez, mais ne pendez pas le Père Noël !