samedi 21 mars 2009 - par ARMINIUS

Petites histoires croisées de l’Europe (3)

3ème partie : Les retours de flamme

Richard doit donc rentrer d’urgence à Londres- ce cher Londres dont d’aucuns disent qu’il l’aurait vendu pour partir en croisade- car une croisade ça coûte cher : en hommes (souvent des mercenaires de tout poil) en frais de bouche- même si les soudards se paient sur l’habitant- en transports : les nefs et autres embarcations subissent contre temps et avaries qui rendent les liaisons maritimes assez hasardeuses, le retour n’est pas souvent assuré…et ce retour va se passer plutôt mal : en équipage restreint, Richard devra se contenter de négocier sa croisière… avec des pirates qui le débarquent en Istrie, il va devoir traverser le duché d’Autriche pour rejoindre un des fiefs de son beau- frère Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière, époux de Mathilde- une autre de ses sœurs- mais ennemi juré de Henri VI, l’empereur allemand…manque de chance, dans les faubourgs de Vienne, les hommes de Léopold vont démasquer ceux de Richard , déguisés en marchands, alors qu’ils paient leurs consommations en besants, une monnaie orientale et qu’ils ont gardé leurs gants, frappés aux armes d’Angleterre, un peu trop amateur tout ça …

Léopold va donc faire emprisonner tout ce beau monde au château de Dürnstein, en attendant les ordres de son Suzerain, Henri VI, car l’affaire le dépasse, d’autant qu’il vient de se prendre une bulle d’excommunication de la part du Pape, un peu poussé par maman Aliènor : on ne touche pas à un Royal Croisé, surtout quand c’est son fils chéri.

Comme Henri VI a beaucoup de choses à reprocher à Richard , en particulier tout ce que nous venons de relater : Alliance avec Tancrède d’où atteinte aux prétentions de sa femme Constance sur la Sicile- Usurpation du Royaume de Chypre- Renoncement à épouser Alix et conséquence sur le devenir de l’ empire angevin (ça c’est inspiré par le royal frère d’icelle, qui soutient l’Allemand)- Complicité avec Henri Le Lion- Assassinat du roi de Jérusalem et bien sûr offense à Léopold V sur les murs d’Acre. Les exigences pour la libération du Roi d’Angleterre tendront à réparer sous diverses formes la plupart des méfaits et seront assortis d’une demande de rançon énorme : 150.000 Marks d’argent (soit environ 2 ans de l’impôt britannique) plus quelques babioles, en particulier l’annulation de la bulle papale. Et qui va réussir à réunir et payer la rançon : Aliènor- bon, il lui faudra un peu de temps 23 tonnes d’argent ça ne se trouve pas sous le sabot d’un palefroi- mais à qui va profiter cet argent : surtout à la toute nouvelle Autriche , qui va pouvoir fortifier ses villes,dont Vienne, élevées au titre de "civitates", preuve d’indépendance, et asseoir sa monnaie qui sera « battue » avec l’ argent de la rançon jusqu’au milieu du XXème siècle !

Epilogue1 : on arrive au retour du « bon roi Richard » en son royaume- comme dans Ivanhoe d où dans la légende de « Robin Hood »- probablement le plus tourné et le plus connu de l’histoire . En fait ce qualificatif de « bon » ne vaut qu’en regard à la félonie de Jean, la fourberie de Philippe et la cruauté d’Henri . Car bien des doutes subsistent sur la véritable personnalité de Richard, sa bi-sexualité et sur son goût quant à la pratique de l’amour courtois tant prisé par sa mère : Richard était plutôt du genre à forcer la poterne quand le pont-levis était dressé, et dans la confusion et l’ivresse d’après combat , à retourner quelques pages… toutes les suppositions sont permises d’autant que Bérengère ne lui donna aucune descendance … fut-il atteint d’une maladie honteuse qui le rendit infertile, ce qui expliquerait ce partiel « coming-out » italien …toutes ces questions restent scellées pour l’éternité sous le gisant de l’Abbaye Royale de Fontevraud, aux confins de l’Anjou Plantagenêt, où il repose aux cotés de son père Henri II et de l’illustre Aliènor …

 Epilogue 2 : Philippe Auguste , en profitant de l’absence de son rival, aura bien œuvré pour agrandir le royaume de France. L’Autriche, elle, a pu commencer son essor, et de simple marche (Ostmark) dans quelques siècles sera assez forte pour devenir empire à son tour et rivaliser avec la Prusse, qui elle vient de voir le jour- sous le nom de Brandebourg- de terrains conquis par Albert « l’Ours » sur la rive droite de l’Elbe : ce qui n’est encore qu’un Margraviat pourra donc compter sur les Chevaliers Teutoniques pour entreprendre et asseoir sa conquête de l’Est (Drang nach Osten)jusqu’aux états Baltes.

Sources : Pierre Gaxotte : Histoire de l’Allemagne

 Régine Pernoud : Richard Cœur de Lion

 Amin Maalouf : Les croisades vues par les arabes



4 réactions


  • brieli67 21 mars 2009 12:35

    dans Candide du 7 avril 1938,
     
    « Il incarne tout ce qui nous révulse le sang et nous donne la chair de poule.
    Il est le mal, il est la mort. » 


    Qui stigmatise qui ?


  • alberto alberto 21 mars 2009 13:23

    Bonjour, Arminius :

    Bien agréable à lire tout ça !

    Sur la fin de Richard et la reconquête de la Normandie après sa mort : ceci !

    P.S A recommander la visite de la superbe abbaye de Fontevreau qui contient les gisants de Richard et d’Aliénor : très émouvant.

    Bien à toi.


  • ASINUS 21 mars 2009 20:30

    yep sympa comme d hab svp quelqu un peu m indiquer le tome deux je suis un asinus pas foutu de mettre la main dessus
     car si pitié de nous pauvres avez ect........


  • ASINUS 21 mars 2009 22:36

     FIAT LUX !!!

    merci , en plus Arminius vous conte cela d un ton guilleret le bougre !!!!!!


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