vendredi 20 août 2010 - par worf

Peuplement originel de l’Amérique

Deux thèses s’affrontent concernant les premiers peuplement du continent américain mais celle de type long avec plusieurs migrations est en place de gagner.

 La première thèse communément retenue est celle d’un peuplement unique remontant vers 12000-13000 ans, ce qui correspond à la fin de la dernière glaciation, provenant d’Asie via le détroit de Béring qui s’assèche.

Ces hommes seraient des chasseurs-cueilleurs venant d’Asie qui profitèrent involontairement d’un radoucissement général du climat. Les glaciers remontant plus au nord, un large passage se libéra entre la Sibérie et l’Alaska : le fameux détroit de Béring pouvait être traversé à pied. On suppose que les hommes qui empruntèrent ce passage poursuivaient le gibier qu’ils chassaient comme le bison ou le mammouth. Cependant, ce corridor de près de 1500 km de large se referma assez rapidement, laissant ces premiers américains seuls à leur destin. On constate que très vite ils se dirigent vers le sud ; par curiosité ou sous la pression démographique, les deux sans doute. Les hommes ont toujours tenté d’élargir leurs horizons, ceux poursuivant le gibier, et dépendant d’eux, ou ceux cherchant le paradis décrit par tant de mythes ancestraux. Mobiles et sûrement peu nombreux sur cet immense territoire qui s’ouvrait à eux, ils n’ont pas laissé de traces très exploitables pour les archéologues. Ils gardent donc leurs mystères même s’il ne fait guère de doutes qu’ils sont les descendants des Asiatiques des steppes immenses de Sibérie.

Ceci est donc la première thèse du peuplement américain que de nombreux étudiants d’histoire ont connu et qui était reconnue comme seule explication de l’origine des « natifs américains » trop longtemps appelés indiens d’Amérique.

 Mais depuis quelques dizaine d’années, une série de fouilles et de découvertes sont en train de bouleverser ce schéma et de nombreux spécialistes et scientifiques remettent en question la thèse d’un peuplement de type court sous le modèle de Clovis.

- La première brèche vient d’un squelette retrouvé à Kennewick, près de la rivière Columbia dans l’état de Washington (nord-ouest des USA) en juillet 1996. "L’homme de Kennewick" a entre 9200 et 9500 ans et il serait mort des suites d’une blessure causée par une flèche dont on a retrouvé la pointe en silex dans l’un de ses membres. James Chatters, son découvreur, le décrit ainsi : "C’est le seul (squelette) aussi complet et aussi vieux aux États-Unis. Il appartenait à un homme d’une quarantaine d’année à la face étroite, au menton proéminent. Il n’avait pas une vie paisible. Il crispait souvent la bouche et pleurait sans doute beaucoup..." Pourtant, selon ses analyses, cet homme ne ressemble visiblement pas aux autres hommes peuplant la région à cette époque : visiblement, son anatomie est de type "caucasien", c’est-à-dire européen. Des études plus récentes, après la récupération de son corps indique que son crâne semble effectivement plus proche de celui des Polynésiens et des Aïnu, premier peuple du Japon, que de celui des Amérindiens, des Chinois ou des Sibériens. De prochaines analyses pratiquées sur la dentine de ses dents pourraient nous permettre de connaître ses origines.

homme de Kennewick

On a donc une preuve d’un peuplement autre que d’origine sibérienne.

- Deuxième brèche : La Femme de Peñon.

Le crâne et le squelette presque complet de la femme de Peñon furent découverts en 1959. Ne pouvant, à l’époque être datés précisément faute des techniques modernes, ils furent considérés comme âgés d’environ 5.000 ans. Les ossements de la femme de Peñon prirent place dans la collection des 27 premiers squelettes humains préhistoriques du musée national d’anthropologie de Mexico. Plus récemment, les techniques évoluant, une datation plus précise via le carbone 14 pu être faite. Le crâne parfaitement préservé a appartenu à une femme de 26 ans, morte pendant la dernière période glaciaire au bord d’un lac préhistorique qui occupait la plaine actuelle sur laquelle s’étendent maintenant les banlieues de Mexico.

Les scientifiques du laboratoire de recherches de l’université d’Oxford et du département d’archéologie de l’université John Moores de Liverpool ont daté le crâne de la jeune femme de Peñon à environ 13.000 ans. Elle serait soit une descendante d’ancêtres de l’Âge de pierre européen du type Cro-Magnon qui auraient traversé l’Océan Atlantique ou suivi les rives gelées il y a environ 15.000 ou 20.000 ans, passant d’Europe vers l’Amérique via une route septentrionale ; soit une descendante "caucasienne" du peuple aïnou dont les descendants vivent toujours dans l’Ouest du Japon. Ses ancêtres seraient arrivés en cabotant ou en longeant les rives gelées reliant la Sibérie à l’Amérique il y a 15 à 20 000 ans.

Troisième brèche : Luzia luzia

Ce surnom fut donné à un squelette quasi complet d’un hominidé découvert dans la caverne Lapa Vermelha au Brésil en 1974. Mais il faudra attendre presque 25 ans avant que les études reprennent et que son visage fasse le tour du monde. Sa physionomie est du type africain ou aborigène australien. Selon Richard Neves, spécialiste en médecine et anthropologie, les ancêtres de Luzia pourraient venir d’Afrique, en tenant compte des vents et courants sur les quelque 2000 km seulement qui séparent la corne ouest de l’Afrique et l’extrême est du Brésil. Ils pourraient également venir d’Océanie. Reste alors à expliquer comment ils couvrirent les milliers de kilomètres qui les séparaient de l’Amérique. La réponse est peut-être dans les peintures pariétales de Kimberley en Australie du Nord : Grahame Walsh, expert en art rupestre, a trouvé la plus vieille peinture au monde, dont le style date d’au moins 17 000 ans, voire 50 000 ans… Elle figure une pirogue géante, inconnue des Aborigènes actuels, avec un détail crucial : une proue haute, signe d’une utilisation en haute mer. On peut faire le lien avec d’autres peintures rupestres de la grotte de Pedra Furada dans le Parc national de Serra da Capivara située au Sud-est de l’État du Piauí (centre du Brésil) représentant des images de tatous géants ou glyptodons, qui se sont éteints avant la dernière période glaciaire. Elles montrent également la peinture la plus ancienne d’un bateau dans le monde. Cette région est riche en sites préhistoriques s’échelonnant dans les mêmes dates. La datation des plus vieux squelettes d’Amérique donnerait pour les plus anciens, une fourchette entre 20000 et 50000 ans.

Mais on pourrait remonter encore plus loin. Au printemps 2005, Sylvia Gonzales, géoarchéologue à l’université John-Moores de Liverpool, pensait avoir apporté des arguments en faveur de la thèse longue. Des traces de pas retrouvées au Mexique, sur un sol volcanique, ont d’abord été datées de - 40 000 ans pour les restes fossiles ! Mais la controverse a rebondi avec la publication du Nature du 1er décembre 2005. Paul Renne, de Berkeley, a réexaminé la situation et trouvé une datation de - 1,3 million d’années ! De deux choses l’une, proclame le géologue, « soit ce sont les premiers hominidés, soit il ne s’agit pas de traces de pas ». En analysant la roche volcanique elle-même par la méthode Argon 40/Argon 39, les scientifiques sont parvenus à des datations allant de 600.000 ans à 1.3 millions d’années. Une autre méthode de datation, le paléomagnétisme, a confirmé cette étude.

traces de pas {JPEG}

À cette période, l’espèce Homo sapiens n’existait pas encore d’après ce que nous disent les préhistoriens. Et si l’Homo erectus se déployait sur la planète, en Europe, Afrique et Asie, pouvait-il déjà se trouver sur le continent américain ? Il y a 6 à 7 millions d’années, toutes les caractéristiques que l’on a cru propres à l’homme existaient probablement déjà et font partie d’un bagage ancestral commun.

Si on y rajoute les découvertes sur d’autres lieux comme la grotte de Bluefish, en Alaska, le site de Monte Verde au Chili, ceux de l’Alberta qui, selon Jiri Chlachula, « fournissent la première preuve d’une occupation humaine il y a plus de 20 000 ans dans cette région de l’Amérique du Nord » ; ainsi que les vestiges de bateaux datant de 15000 ans, nous pouvons commencer à proposer une autre thèse sur le peuplement américain.

pedra furada {JPEG}

 L’homme de Cro-magnon a peut-être commencé des migrations lors d’une précédente glaciation, entre -60000 et -50000 ans, en profitant de l’océan en partie gelé ou en longeant la banquise. Par après une série d’autres migrations provenant de différentes régions et à d’autres époques que cela soit d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie sont venues en Amérique faisant déjà de ce continent un « melting-pot » !

Quelques liens.

www.vivamexico.info/Index1/Peuplement.html

www.scienceshumaines.com/-0apeuplement-de-l-amerique—surprenantes-decouvertes-0a_fr_5513.html

www.aci-multimedia.net/connaissance/amerique.htm

et bien sûr les wiki !

 



20 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 20 août 2010 10:54

    j’ai vu une excellente émission sur ce sujet sur National géographic tv ! il est bien possible que des chasseurs aient suivi la banquise pour aller d’Europe en amérique et que d’autres sont venus à travers le pacifique en passant d’îles en îles . Affaire à suivre donc , au fur et à mesure des découvertes ....


  • tinga 20 août 2010 11:05

    Il est probable que nous en saurions plus si les peuples vivant sur le territoire nord américain n’avait pas subi le plus grand génocide de l’histoire connue de l’humanité, les indiens auront expérimenté les premiers camps de concentration, l’Europe s’est illustrée dans toute son avidité, sa cruauté, son racisme dans des proportions jamais atteintes.

    Comme tend à le montrer l’article, les sociétés indiennes étaient peut-être les premières sociétés multiraciales, mais l’infâme colonisation aura détruit à jamais des milliers de peuples différents, avec des langues et des mythologies distinctes, qui aurait pu nous en apprendre beaucoup sur cette page passionnante de l’histoire des hommes et de leurs migrations.
    Merci pour l’article.

    • LE CHAT LE CHAT 20 août 2010 11:13

      @tinga

      oui , on retrouve des traces de civilisation en pleine Amazonie ainsi qu’autour du Mississipi , des peuplades entiérement décimées par les maladies apportés par les colons espagnols ! c’est la variole a elle seule qui est la cause de la disparition d’un grand nombre des gens des peuplades d’origine !
      C’est plus évident de trouver de l’ADN assez bien conservé pour prouver les origines quand la population est disparue ...


    • Tall 20 août 2010 12:04

      m’enfin le chat ...

      le propos de tinga n’a rien à voir avec l’intérêt historique ou scientifique
      il exploite ce truc pour déballer sa haine anti-occident de manière grotesque
      tu ne vois pas ça ?


    • tinga 20 août 2010 14:13

      Seulement l’histoire....


    • tinga 20 août 2010 14:28

      Si pour vous l’évocation de ce génocide et relève du grotesque, les lecteurs apprécieront, le but de mon post était d’évoquer le fait que de par ce génocide, nous manquions d’informations sur la généalogie de ces populations, ce qui ne me semble pas hors sujet, le fait qu’une partie de l’histoire de l’humanité ait quasiment été effacé est dommageable pour tous, d’où mon intérêt pour cet article.

      Mais vos références historiques sont peut-être ces délicieux westerns où l’on peut se délecter de la mise en scène d’un odieux génocide en distraction pour enfants. 


    • Tall 20 août 2010 15:22

      Ce qui est totalement grotesque, c’est le lien que vous en faites entre l’Europe d’après JC et la préhistoire. Cet article n’a rien à voir avec ça. Votre propagande est ridicule.


    • ben_voyons_ ! ben_voyons_ ! 20 août 2010 23:01

      En effet, nous en saurions bien plus
      - si les conquérants espagnols n’avaient pas détruits autant d’archives en Amérique du Sud tout en massacrant allégrement,
      - et si les colons européens n’avaient pas fait mieux en Amérique du Nord en exterminant les Indiens ainsi qu’en faisant disparaitre bon nombre de preuves de leurs origines, notamment les énigmatiques tertres et tumulus des plaines (gênant l’agriculture intensive) dont certains étaient d’une extrême ancienneté.


    • ffi ffi 21 août 2010 02:24

      @tinga, _ben_voyons_,

      Ne vous faites pas trop d’illusion, les nations amérindiennes se faisaient elles-aussi la guerre entre elles... Mettez plusieurs groupes humains en concurrence pour un même territoire, et ils tendent bien souvent à se battre. Allez savoir les peuples que les incas, aztèques, ... ont exterminé ...

      De plus quand vous dîtes les européens, il faut préciser. En Amérique du Nord, les amérindiens se sont quasiment systématiquement alliés avec les Français, contre les British. Les micmacs, par exemples. Les Britishs, pour faire place nette ont déportés qui ? Les acadiens... Et ils ont mis les indiens dans des réserves.


  • Tall 20 août 2010 11:58

    Intéressant article.

    Et ça ne m’étonne pas ... la 1ère thèse de peuplement par voie unique était trop récente et trop simple.
    Les découvertes à venir vont sans doute continuer de montrer à quel point la carte des migrations préhistoriques est complexe et ancienne.

  • brutaltruth brutaltruth 20 août 2010 13:41

    Très intéressant... Surtout cette hypothèse de bateaux anciens.


    A rapprocher des thèses de migration par voie maritime : Chili => Iles du Pacifique (Ile de Pâques notamment), et Indonésie => Madagascar.

    Je ne me souviens plus des époques concernées, mais il y a eu une mondialisation, entre autre par voie maritime, bien avant le 16e siècle de notre ère.


  • orage mécanique orage mécanique 20 août 2010 14:59

    avec les dernières découvertes, toutes nos certitudes explosent, des découvertes fondamentales pour l’humanité se font jour ne nous apportant pas de certitudes mais une remise en questions complètes de nos origines.

    je m’étonne toujours de trouver des articles, reportages, conférences presque par hasard. Ce sujets pour les médias ne devraient pas être un des plus importants ?


  • pierrot pierrot 20 août 2010 16:44

    Article intéressant.
    Du fait de la faiblesse des documents anciens sur le continent américain, il est difficile d’estimer l’origine du peuplement.
    On observons que le peuplement antérieur à -10 000 ans est très rare.

    Il peut, sur la base des rares documents, estimer un peuplement majoritaire d’origine asiatique par le détroit de Bering (indiens d’amérique de type asiatique aux yeux bridés) avec des apports plus marginaux de population venant de l’Asie du Sud Est, via les iles d’océanie.
    L’apport européen doit être aussi exceptionnel et plus encore africain car les courants marins ne sont pas favorables à la traversée de l’Atlantique au niveau de l’Afrique.

    C’est une opinion qui peut évoluer en fonction de nouvelles découvertes. 


    • celuiquichaussedu48 celuiquichaussedu48 21 août 2010 02:17

      Les courants marins sont-ils les mêmes depuis pluseurs milliers d’années ? Cela pourrait peut être expliquer un léger peuplement venant de l’est de l’Amérique.


  • pigripi pigripi 21 août 2010 00:59

    L’auteur nous parle de vestiges et traces datant de 50 000 ans mais des commentateurs trouvent le moyen d’expliquer qu’on ne peut rien expliquer à cause de massacres qui ont eu lieu il y a 400 ans !!!!

    A ce demander si certains savent lire....


  • pigripi pigripi 21 août 2010 01:05

    @auteur

    A vous lire, il me revient une conviction intime, sans preuves et intuitive, qu’il n’y a jamais eu de commencement parce qu’il n’y a jamais eu de néant.

    Plus on fait de découvertes, plus on parvient à les décrypter grâce aux progrés scientifiques d’analyse et de datation et plus on remonte dans un temps peuplé, civilisé, développé et techniquement perfectionné.
    La configuration des bâteaux à haute proue que vous décrivez en est la preuve.

    Ces découvertes confirment aussi des faits que l’on observe dans les arts et les sciences, à savoir qu’il y a toujours eu du métissage, des échanges, des influences mutuelles et qu’aucun peuple, aucun homme ne peut se revendiquer à lui seul de découvertes et créations fondamentales.


  • worf worf 21 août 2010 11:29

    Cet article n’a pour but que de condenser les dernières découvertes sur ce sujet, nullement d’ouvrir une polémique sur le génocide des « natifs américains » que certains nomment toujours à tord indiens d’Amérique.
    Ces multiples migrations, ces mélanges éclairent aussi l’évolution des hominidés sur le reste de la planète et pas qu’en Amérique.
    Effectivement, les rencontres, échanges, mélanges et donc de métissage sont source d’enrichissement et ont probablement commencé bien plus tôt que l’on ne le pense actuellement !

    Il ne faut pas oublier que lors des périodes glaciaires, la banquise arctique descend à la limite nord de l’Espagne, il est donc tout à fait envisageable que des groupes d’individus se sont déplacés dessus en chassant et pêchant ou en longeant les côtes tout comme le faisaient encore les Inuits il n’a pas si longtemps.
    Côté sud, la banquise antartique était elle aussi bien plus étendue et avec des navires pouvant tenir la mer, rien n’interdit une navigation d’île en île.


  • Daniel Roux Daniel Roux 22 août 2010 10:08

    Les études sur les mitochondries donnent des informations que vous trouverez ici :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_peuplement_de_l%27Am%C3%A9rique

    Des peuplements d’origines multiples à différentes époques. Les plus anciennes vers - 20 000 ans.

    On ne peut exclure des peuplements plus anciens dont les descendants auraient totalement disparus. D’un point de vue scientifique, ce qui ne peut être prouvé n’existe pas.

    N’oublions pas que des groupes humains étaient très mobiles et suivaient les côtes, s’installant ici ou là. Par exemple, la Bretagne a été peuplée par des peuples provenant du Portugal, qui eux même venaient de la Méditerranée.

    Certaines techniques et idoles de pierre trouvées sur des sites très distants les uns des autres, permettent de suivre ces transhumances.

    Il n’est donc pas surprenant que l’Amérique ait été peuplée très tôt.


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