Ploutos, l’Argent Dieu
Ploutos, l’Argent Dieu d’après Ploutos d’Aristophane mise en scène de Philippe Lanton, adaptation et collaboration à la mise en scène d’Olivier Cruveiller, avec Nathalie Akoun, Yves Buchin, Olivier Cruveiller, Luc Antoine Diquero, Mathias Jung, Evelyne Pelletier, Nicolas Struve…
À 16h15 Présence Pasteur Réservation au 04 32 74 18 54
Ploutos est une pièce d’Aristophane peu jouée datant de 388 av. J.-C. Aristophane y critiquait le système politique dans lequel le pouvoir est lié institutionnellement à la richesse. Ploutos est un dieu, quasiment inconnu, dont il reste le mot ploutocratie, peu utilisée, signifiant le pouvoir par les plus fortunés. Bref, Ploutos est le nom d’un phénomène dont on parle peu, malgré la force de sa présence. C’est le pouvoir de l’argent, sur-évident et inévitable.
Et la situation n’a guère changée depuis les Grecs anciens.
Aristophane renverse les représentations et nous montre, au lieu d’un dieu puissant donnant aux puissants leur puissance, un Dieu aveugle, en grande difficulté. Il a bâti une farce burlesque qui inverse fréquemment les significations et les rapports de forces attendus.
Zeus protège son pouvoir sur les hommes, il craint Ploutos et le rend aveugle. En effet, Ploutos lui passerait aisément devant s’il distribuait convenablement, équitablement, la richesse entre les hommes : Ploutos serait un bienfaiteur et les hommes l’adoreraient. Donc, Zeus le casse. Aveugle, Ploutos arrose les malins et délaisse les honnêtes, bien malgré lui. Ainsi, l’argent apporte autant de malheur que de bonheur et Zeus peut dormir sur ses deux oreilles.
La farce est menée tambour battant, sur un rythme électrique par une équipe dynamique et unie. Il y a un côté boulevard, avec entrées et sorties millimétrées, réglées comme une partition de musique… Il y a comme un trou normand au milieu, une sortie de route délicieuse, saugrenue, biscornue, un moment de théâtre pur…
La fable :
L’oracle d’Apollon dit à de pauvres laboureurs : « Suivez la première personne que vous rencontrerez ». Or, la première personne qu’ils virent fut un clochard aveugle qui n’a l’air de rien. Or, il s’agit de Ploutos, dieu de la richesse qui leur explique la précaution que Zeus a pris envers lui. La Pauvreté passe par là et lance un débat âpre avec Chrémyle. « Si je n’étais pas là, dit-elle en substance, les choses iraient encore plus mal ». Ploutos recouvre la vue et peut ainsi être juste. Tout va mieux, en apparence, et les laboureurs ont une vie décent, et de ce fait, un statut social reconnu. D’anciens riches ne sont pas contents. L’équitable répartition des richesses fonctionne mal : la pénurie est là et même les dieux ont des difficultés pour se procurer de quoi se sustenter.
La prophétie est terrible et elle ne peut être dite que sur le ton de la plaisanterie : il faut aux hommes de la division, de l’inégalité, du hasard, des injustices, il nous faut des choses enviables accordées à certains et pas à d’autres, avec l’espoir permanent du rétablissement de la justice : que tout le monde soit rétribué selon son talent.
« De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » est un adage résumant l’idée d'une société socialiste. Nous en avons des applications multiples, qui diminuent, que nous pourrions peut-être améliorer… Serait une solution ?
Rien n’est moins sûr. La place de l’argent, sa circulation, son rôle sont diaboliques.
L’histoire narrée par le théâtre du Cartel, dans la mise en scène de Philippe Lanton, nous en donne un éclat sans issue, tragi-comique, et j’ose dire : vif-argent.