« Politiquement correct » mais amoureusement osé par Salomé Lelouch à La Pépinière
Mettre l’Amour au cœur du psychodrame relève presque du pléonasme en ce qui concerne l’acte théâtral ; vouloir y ajouter un enjeu politique témoigne d’une ambition fort louable mais, en revanche, opposer, à parts égales, le coup de foudre ravageur et le dilemme idéologique s’apparente quasiment à s’élever jusqu’à hauteur de la Tragédie grecque.
Salomé Lelouch a décidé de relever ce défi Cornélien, qui plus est, en le situant dans une fiction à court terme puisque celle-ci la projette d’emblée le jour du premier tour de l’élection présidentielle française en 2017.
Mado et Alexandre n’auraient eu de fait aucune raison spécifique de se rencontrer à cette date mais quand la destinée s’est mêlée de recharger elle-même leurs batteries de smartphones, leur avenir immédiat a pris indubitablement une tournure fortuite que Loulou, le gérant du café éponyme aurait transformée d’emblée à son insu… en carrosse nuptial annoncé.
Bref, ces deux-là se sont rencontrés de prime abord pour le meilleur… à moins qu’en seconde analyse, ce ne fut, en définitive, pour le pire !
Lui est avocat, elle prof d’histoire, point d’incompatibilité libidinale apparente à ce niveau… si ce n’est que leurs professions respectives portent sans doute en elles-mêmes la fonction symbolique de ce qui va bientôt les confronter… lorsque le voile opaque de leurs convictions intimes se sera dissipé sur ce qui les a construits « idéologiquement » chacun.
Alexandre avait bien subodoré que Mado pouvait être « de gauche » mais quant à elle, rien ne l’avait alertée sur la « position Frontiste » de son partenaire.
Voilà donc les tourtereaux embarqués dans cette galère rédhibitoire où, en rameurs dédiés, vont officier, à leurs côtés, Andréa et Louis leurs confidents respectifs particulièrement rigoristes chacun dans leurs sphères idéologiques de prédilection.
En installant une dialectique nourrie, travaillée et systémique, l’auteure - metteuse en scène fait œuvre d’équité manifeste, quasiment imparable. Ainsi, les spectateurs de toutes obédiences ou sensibilités peuvent y trouver leur contentement et, par conséquent, s’y projeter subjectivement.
Cependant, présentement, l’intérêt sous-jacent à cette dualité en impasse inexorable ne sera pas tant ce qu’il va advenir de l’Amour face aux déterminations politiques inconciliables que la pertinence des attitudes psychologiques adoptées pour tenter ou non de sauver ce qui pourrait l’être.
A cet endroit, en effet, une grande divergence comportementale semble motiver les deux partenaires en les impliquant sans échappatoire au pro rata de l’intransigeance exercée par leurs acolytes en position influente.
L’indécision chronique de Mado pourrait donner l’impression qu’elle tergiverse mais au demeurant, en historienne patentée, l’incompréhension fondamentale et le rejet absolu des thèses de son « amoureux » vont sceller l’impossibilité à poursuivre leur relation au-delà.
A contrario, la souplesse d’échine d’Alexandre le porte à défendre, en avocat de leur cause romantique entravée, un compromis souhaitable selon son point de vue, permettant de dissocier à la fois sentiments privés et convictions idéologiques acquises, toujours modulables et adaptables par empirisme.
Deux philosophies en débat mais surtout deux caractères fort différents dans leur manière d’appréhender à la fois le vécu existentiel et la perception du réel.
Passionnante, cette pièce de Salomé Lelouch a l’immense vertu de poser à la fois un regard conjoncturel en prise sur l’actualité électorale française du moment mais surtout d’exposer une problématique universelle s’essayant à conceptualiser l’Amour face au principe de Réalité.
photos © Christophe Vootz
POLITIQUEMENT CORRECT - ***. Theothea.com - de et mise en scène Salomé Lelouch - avec Thibault de Montalembert, Rachel Arditi, Ludivine de Chastenet, Bertrand Combe et Arnaud Pfeiffer - La Pépinière Théâtre