lundi 25 novembre 2013 - par Jean-François Dedieu

Qui trouve le cers perd la tramontane...‭ (‬I‭)

« Ci-gît au fond de mon cœur une histoire ancienne,
Un fantôme,‭ ‬un souvenir d'une que j'aimais...
Le temps,‭ ‬à grand coups de faux,‭ ‬peut faire des siennes,
Mon bel amour dure encore,‭ ‬et c'est à jamais...

‬J'ai perdu la tramontane
En trouvant Margot,
Princesse vêtue de laine,
Déesse en sabots... ‭ »
Brassens.‭ ‬Je suis un voyou.‭ 1954.

 Avec son côté troubadour,‭ ‬l’ami Georges confirme qu’en amour on peut‭ « ‬ perdre la tramontane ‭ » ‬quand la passion aveugle au point de ne plus savoir où on en est, quand‭ "‬l’entiché(e‭)" ‬ne maîtrise plus son destin.‭ ‬Plus vulgairement,‭ ‬on peut la perdre aussi,‭ ‬quand,‭ ‬à force de faire tourner le monde autour de son nombril,‭ ‬on regarde les autres de haut.‭ ‬Le pouvoir central,‭ ‬dans ce qu’il a de jacobin‭ (‬1‭)‬,‭ ‬exsude hélas ce mépris ordinaire.‭

Cette fois,‭ ‬rien de raciste,‭ ‬comme pour l’accent du Sud,‭ ‬rien de calomnieux,‭ ‬comme pour la paresse prétendument méditerranéenne,‭ ‬seulement le dénigrement habituel,‭ ‬le dédain insidieux.‭ ‬Dans ce registre,‭ ‬épinglons Météo France.‭ ‬L’organisme d’État,‭ ‬en effet,‭ ‬décida un jour que,‭ ‬de‭ ‬la Camargue au cap Béar,‭ ‬seule la tramontane avait le droit de souffler.‭ ‬Et la télé d’en rajouter. Avec le mensonge généralisé des quelques degrés en plus à l’eau de baignade, le présentateur météo, en principe plus théâtral que la présentatrice, aime bien lancer « mistral et tramontane ». Et dès que la vallée du Rhône s’éloigne, il n’a que le mot "tramontane" à la bouche,‭ même si la consigne est de ne‬ pas froisser le vacancier,‭ ‬doigts de pied en éventail,‭ ‬qui doit absolument oublier la baisse du pouvoir d’achat, les hausses d’impôts et les dirigeants incompétents.‭ ‬Quant au Sudiste‭ (‬2‭) ‬qui a le malheur de demander si le cers,‭ ‬c’est du vent,‭ ‬il fait sourire tant il exagère même quand il n’y va pas de son patois ‭ !

Qu’on ne se méprenne pas :‭ ‬la tramontane n’y est pour rien.‭ ‬Le terme nous vient d’abord de l’italien‭ "‬transmontana‭" ‬indiquant le Nord,‭ ‬l’étoile polaire,‭ ‬tout ce qui est au-delà des Alpes,‭ ‬au-delà des monts‭ ("‬trans montes‭") ‬avant de désigner le vent.‭ ‬Depuis le début du XIVème siècle‭ (‬3‭)‬,‭ ‬cette‭ "‬émigrée‭" ‬au nom pour le moins générique,‭ ‬peut et a le droit de souffler...‭ ‬le Languedoc reste une terre d'accueil‭ ! ‬En Arles,‭ ‬sur la table d’orientation de la place de‭ ‬la Major,‭ ‬le mistral et les tramontanes couvrent‭ ‬68°‭ (‬du NW au NNE‭)‬.‭ ‬A partir d’une ligne Montpellier,‭ ‬Sète,‭ ‬admettons une tramontane‭ "‬vraie‭" ‬venue des Cévennes,‭ ‬voisine du mistral et qui occuperait un angle dont le sommet serait Agde avec le second côté ouvrant jusqu’à Saint-Pons...‭ ‬même s’il m’en coûte parce qu’à Colombières,‭ ‬non loin du confluent de l’Orb et du Jaur,‭ ‬Jean-Claude Carrière ne cite pas la tramontane :‭ "‬Le pays est...‭ ‬froid l’hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif...‭ " (‬4‭)‬.‭

A Fleury aussi,‭ ‬nous nous sommes laissés aller à dire‭ "‬vent du Nord‭" ‬pour tout souffle venant de l’intérieur des terres.‭ ‬Et cette paresse de l’esprit a relégué le pauvre cers avec ces masses d’air attirées par une dépression en mer,‭ ‬déniant ainsi ‭ ‬l'identité et la nature profonde du maître vent. ‭

Pour aller plus loin,‭ ‬je dirai même que Narbonne est à blâmer en premier ‭ ! ‬A-t-elle défendu,‭ ‬en effet,‭ ‬le statut à part,‭ ‬sinon supérieur,‭ ‬de‭ "‬son vent‭"‬,‭ ‬le cers ‭ ? ‬Qu’on me dise si Narbo Martius en a appelé aux Romains qui,‭ ‬héritiers des Grecs,‭ ‬ont nommé‭ "‬cercius‭" (‬5‭) (‬6‭) ‬deux souffles majeurs du Golfe du Lion ‭ ? ‬Qu’on me dise si l’Histoire situe bien un mont Saint-Cyr‭ (‬7‭)‬,‭ ‬entre Ouveillan et Sallèles,‭ ‬où fut édifié,‭ ‬en‭ ‬14,‭ ‬au nom de l'empereur Auguste,‭ ‬le temple dédié au dieu Cercius‭ ?

photo : Fleury en automne / françois Dedieu 1963.
(à suivre‭)‬.‭ 

(1‭) ‬Il serait intéressant d’analyser la manière,‭ ‬la mutation psychologique qui transforme les provinciaux promus aux affaires nationales en jacobins purs et durs...‭ ‬peut-être une conséquence du scrutin majoritaire...‭ 

(2‭) ‬Paris parle de‭ « ‬ Sudiste ‭ » ‬pour les États-Unis et la guerre de Sécession.‭ ‬Concernant le pré-carré hexagonal,‭ ‬si le Sud-Est pour‭ « ‬ La Côte ‭ »‬,‭ « ‬ Le Midi ‭ »‬,‭ ‬et le Sud-Ouest sont cités,‭ ‬le Sud n’existe pas.‭ ‬Ne parlons pas du cers ‭ ! 

(3‭) ‬Le Robert 1,‭ ‬à l’entrée‭ "‬tramontane‭" (‬début XIVème‭)‬ :‭ ‬vent du nord sur la côte méditerranéenne ou vent qui vient d’au-delà des montagnes‭ (‬Alpes,‭ ‬Pyrénées‭)‬.‭

(4‭) ‬Le vin bourru‭ (‬2000‭)‬.‭ ‬Très beau livre ‭ !

(5‭) ‬D’après l’excellent site etymologie occitane.fr,‭ ‬l’occitan ancien‭ "‬cers‭" ‬remonterait au grec‭ « ‬ kirkios ‭ » ‬tandis que l’espagnol‭ "‬cierzo‭" ‬vient directement du latin‭ "‬cersius‭" « ‬ avec un‭ "‬e‭" ‬bref attesté chez Caton ‭ »‬.‭

(6‭) ‬D’après Pline le Jeune ‭« ‬ C'est le vent le plus célèbre de‭ ‬la Narbonnaise‭ ; ‬il ne cède à aucun autre en violence ‭ »‬.

(‬7‭) ‬Geoportail y situe un ancien phare d'aviation‭ (‬Aéropostale,‭ ‬années‭ ‬20‭)‬. ‭



6 réactions


  • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 25 novembre 2013 13:57

    Merci oncle archibald. Bien sûr que le Sud existe et même si nous avons conscience des forces centripètes (et concernant nos politiques, ne valant pas tripette) et du ventre de Paris qui assimile les particularismes, ce n’est pas pour autant que nous devons trahir notre identité en laissant dire n’importe quoi. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne sommes pas concernés par l’histoire nationale. Dernièrement, avec le 11 novembre, la Grande Guerre a occupé les esprits et les voix, dont une qui m’a touché parce qu’elle a su évoquer Louis Barthas, le tonnelier de Peyriac. cela m’a conforté dans l’idée d’illustrer un article sur Pergaud le Comtois avec un dessin de Dantoine, le Carcassonnais...
    Pour revenir à notre Cers (amé la majuscula), La Palme, c’est juste à côté de Leucate, presque la limite avec le Roussillon. Et si nous sommes les « gavaches » des Catalas, je sais que dans notre océan de vignes, les gavaches étaient ceux qui descendaient de la montagne pour vendanger.  
    Adiù l’onclé, al cop qué ven.


  • dom y loulou dom y loulou 25 novembre 2013 14:19

    superbe photo de ciel restauré et purifié par les rayons prismés des obolix


    superbe vraiment, merci, la terre se renouvelle, l’air devient plus pur tous les jours et le smog a disparu, les pluies régénèrent les forêts

    comme c’est bon de le voir

    comme c’est idiot de le nier quand l’air pur emplit vos narines

    comme c’est criminel de le nier devant vos gosses qui vous croient


    en trois ans l’obolix a fait le tour de la planète et même sur google earth on a vu les couleurs partout devenir beaucoup plus intenses

    ne loupez pas cette transition, faites des obolix, faut des améthystes, des cristaux fumés et des citrines maintenant

    la terre revit et sort de trois siècles de pollution aggravée

    tandis que le common wealth voulait tout « obscurcir », bombardements chimiques à l’appui sur vos tronches, au nom d’une théorie de réchauffement devenu GROTESQUE quand TOUT le système solaire s’échauffe depuis des années, le « bio-engeneering » version agenda de dépopulation (« les gaz phosgènes c’est bon pour la santé... comme le mercure timerosal des vaccins pour vos neurones ») est financé par vos impôts 

    mais vous n’auriez pas le droit de ça VOIR ce que le système fait à vos gosses 



    les rayons prismés sont le vecteur que l’eau utilise pour se purifier, ils sont le Cristos (voir le Ludus - le jeu de perles de verre) la conscience de la constitution de la lumière 

    si vous n’alignez pas vos shakras vous ne verrez jamais Amour porteur, le père

    c’est dangereux car il est de retour le maître de maison

    et la manière la plus simple est de chanter la gamme harmonique des sept notes


    « nul ne va au père que par moi » nous disait-il le Cristos justement

    tu veux pas t’aligner ? tu n’as pas cette basique humilité de vouloir chanter AVEC les êtres mais tu veux te vautrer dans l’amour du pouvoir plutôt que de vivre le pouvoir de l’Amour qui n’exclut, lui, personne ?

     

    Ne te plains pas de ne pas voir Amour partout dans l’univers alors

    car l’OTAN n’est PAS l’univers, mais une vile machine de guerre banqueroute s’enlisnt dans un fiasco sans fin


    vous avez pourtant même le droit d’apprendre pourquoi l’eau, corps de l’esprit, est en constant mouvement, de voir l’obsession de chaque goutte d’eau de se retrouver en l’air au soleil, tâche très difficile pour un minéral, pour lancer ses bras prismés dans l’atmosphère

    sa quête, au corps de l’esprit, permet la vie des êtres, elle se marie au soleil, à la lumière d’Amour et vous voulez ne pas le voir quand cela vous concerne directement et qu’elle vous renouvelle votre monde ?

    lol

    alignez-vous a dit toute la galaxie il y a presque un an déjà...

    pour briller la goutte d’eau améliorée qu’est le corps humain doit dire la vérité, septième pilier et non lui pisser dessus en usant des six premières forces, en les usurpant ainsi pour mentir et pervertir la psyché et la société des aom

    666 = la légion des menteurs

    sortez-en ;)

    vite, pendant qu’il est encore temps


    projectobolix . org

  • lemouton lemouton 25 novembre 2013 20:05

    Bonsoir amis audois.. smiley

    Le Cers.. .
    hé oui comme je le connais bien..
    il y a quelques heures, dans la Clape, au dessus d’Armissan, il ne voulait plus me laisser descendre, et je voyais tout en bas la Languedocienne qui commençait à prendre ses couleurs de nuit...

    C ’est vrai que même ici, dans son pays on le nomme rarement , on dit :
     « Il fait nord aujourd’hui.. »
     contrairement à son acolyte que l’on nomme toujours :
     « il y a le marin qui souffle.. »

    Et son pays est tout petit de Coursan à La Nouvelle, il arrive de Carca, canalisé entre Corbières et Montagne Noire et vient s’écraser sur la Clape dernier obstacle avant la grande marre aux canards...

    Sur les quais de la gare à Narbonne, il surprend les voyageurs, et leur rend inoubliable le nom de cette gare..

    Bon j’arrête là..

    Ah non encore..
    Je me souviens avoir lu sur un vieux Larousse des années 30, d’ailleurs je dois pouvoir le retrouver, je me souviens donc avoir lu comme définition pour le mot « cers » quelque chose d’assez juste :
     « Cers : vent apparenté au mistral, et qui souffle dans la basse plaine de l’aude »

    moi j’ai compris par apparenté, le fait que ce soit un vent de « couloir »..


    • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 26 novembre 2013 04:43

      Merci pour ce bonjour amical de la Muraillasse (peut-être elle qui m’a fait qualifier la réforme Peillon de « réformasse »). Je ne te parlerai pas du fréjal de la Clape, la fameuse pierre d’Armissan pour marches et contremarches, mais ton pseudo m’a aussi fait penser aux têtes de bélier en marbre et en bronze, vestiges d’un temple disparu, symboles d’Artémis, jadis retrouvées à Armissan.
      En espérant que la suite de l’article sera adoubée par les modérateurs d’Agora. A + avec plaisir. 

      PS : l’oncle parle de wagons renversés par le Cers. Je pense que c’était vers La Nouvelle mais quand ? En saurais-tu davantage ? 


    • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 26 novembre 2013 09:10

      Toute mouillée même, dénotant le problème de l’humidité due au « marinas », ce qui peut paraître paradoxal sous un climat globalement sec... 


  • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 31 mai 2014 09:41

    «  L’Aude concrétise sur son sol tous les aspects de la France ; c’est le Pays de la cigale provençale et de l’alouette Lauragaise, le pays de l’olivier et du cyprès, du pin et du mélèze, des roseaux et du laurier ; pays de vignes, pays de vent aux souffles alternés du cers vif et froid, du « marin » humide et chaud » (Itinéraire en Terre d’Aude, Jean Girou 1889-1972)


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