« Romance » de David Mamet, au Théâtre Tristan Bernard

L’affiche de la pièce présente le titre R.O.M.A.N.C.E comme un sigle avec ses points intercalaires laissant présager davantage une problématique à interroger qu’une mélodie tendre et sentimentale à apprécier. A cette invite au déchiffrement sémantique pourra rapidement se substituer une autre tournure plus explicite : O.T.N.I. qui s’interprèterait aisément comme : "Objet théâtral non identifié".
Bardé de ce passeport pour un voyage délirant sous contrôle à l’instar d’un train fantôme de fête foraine, tout sera permis au langage à qui se verra dévolu l’implosion de la syntaxe de l’inconscient.
L’expérimentation se fera dans une cour de justice américaine où sont réunis les protagonistes d’un procès fantasque que le moindre cauchemar avisé hésiterait à mettre en scène : un avocat, un procureur, un juge, un huissier, un médecin... bref une palette représentative de l’arsenal coercitif mâle qui harcèlerait un accusé lambda d’une faute indéfinie alors que hors les murs se déroule une manifestation pour la paix universelle.
Que celle-ci ait pris l’emblème du conflit israélo-palestinien comme paradigme d’une société humaine surpressurisée à l’idéalisme des bonnes intentions, voilà de quoi donner du grain à moudre à tous les pourfendeurs de religions dont celles-là se font le chantre.
S’ensuit une cacophonie digne de la tour de Babel où seule l’outrance aura droit de citer toutes les injures que le moindre code de civilité aurait banni dès les prémices d’une reconnaissance de l’altérité.
Ainsi par exemple l’homosexualité, la judaïcité, le catholicisme, Shakespeare, le Christ... auront droit à tant d’égarements que seule l’ostéopathie pourra prétendre à recouvrer l’ordre des choses.
David Mamet fait exploser le cadre institutionnel pour mieux appréhender le carcan des idéologies implicites et c’est par le délire verbal que l’auteur maîtrise une langue chargée de débusquer la peur par l’humour.
Le Juge (Yves Gasc) est le grand manitou ubuesque de cette dynamique de groupe où se coltinent à qui mieux mieux le procureur (Bernard Alane) avec l’avocat (François Delaive) autour du prévenu victimisé (Eric Laugérias). L’huissier (Eric Théobald) et le docteur (Stéphane Cottin) coordonnent les audiences que Bernard (Mathieu Bisson), l’alter ego de tous, sera en charge de dynamiter depuis la sphère de l’intime.
C’est Pierre Laville qui est aux commandes hyperréactives de cet OTNI qui, chaque soir au théâtre Tristan Bernard, se doit d’atterrir complètement "déjanté" avec des passagers en apesanteur mais si possible sains et saufs.
Photo Ldd. Claire Besse
ROMANCE - ** Theothea.com - de David Mamet - mise en scène : Pierre Laville - avec Bernard Alane, Mathieu Bisson, Yves Gasc, Eric Laugerias, François Delaive, Eric Theobald, Stéphane Cottin - Théâtre Tristan Bernard -