lundi 6 novembre 2006 - par Sandra.M

« Scoop », la nouvelle comédie policière de Woody Allen

medium_scoop.jpgAprès Match point (voir ma critique, ici), perfection du genre, film délicieusement immoral au scénario virtuose totalement et magnifiquement scénarisé en fonction de son dénouement et de la balle de match finale, quel film pouvait donc bien ensuite réaliser Woody Allen ? Evidemment pas un film noir qui aurait inévitablement souffert de la comparaison. Si, à l’image de Match point, Woody Allen a de nouveau délaissé New York -qu’il a tellement sublimée et immortalisée- pour Londres, si comme dans Match point, il a de nouveau eu recours à Scarlett Johansson comme interprète principale, il a donc néanmoins délaissé le film noir pour retourner à la comédie policière à l’image d’Escrocs mais pas trop ou du Sortilège du scorpion de Jade. Si le principal atout de Match point était son scénario impeccable, c’est ailleurs qu’il faut aller chercher l’intérêt de ce Scoop.

L’intrigue est ainsi délibérément abracadabrantesque et improbable. Le célèbre journaliste d’investigation Joe Strombel, arrivé au Purgatoire, y rencontre la secrétaire de l’aristocrate Peter Lyman, également politicien à l’image irréprochable de son état. Elle lui révèle qu’elle aurait été empoisonnée par ce dernier après avoir découvert que Peter serait en réalité le tueur en série surnommé « le tueur au tarot » qui terrorise Londres. Professionnel et avide de scoops jusqu’à la mort et même après, Joe Strombel va se matérialiser devant une jeune étudiante en journalisme (et accessoirement en orthodontie), la jeune Sondra (Scarlett Johansson) lorsqu’elle est enfermée dans une boîte lors du tour de magie de l’Américain Splendini (Woody Allen). Croyant avoir trouvé le scoop du siècle, elle décide de faire la connaissance de Peter Lyman (charismatique et mystérieux Hugh Jackman) pour le démasquer, avec, comme « perspicace » collaborateur, Splendini. Evidemment elle va tomber amoureuse (de Peter Lyman, pas de Woody, celui-ci ayant ici renoncé au rôle de l’amoureux, dans un souci de crédibilité, ou dans un sursaut de lucidité, pour jouer celui du protecteur). Elle n’aurait peut-être pas dû...

Woody Allen est donc passé de la noirceur à la légèreté. C’est agréable la légèreté, aussi, surtout après la noirceur, aussi parfaite soit-elle. Woody Allen nous revient aussi en tant qu’acteur, fidèle à lui-même, balbutiant, maladroit, chaplinesque, "woodyallenesque" plutôt, adepte de l’ironie et de l’autodérision, et narcissique de religion (si, si, vous verrez, ça existe). Intrigue abracadabrantesque donc, mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce scoop. Preuve que légèreté et noirceur ne sont pas totalement incompatibles, Woody Allen a saupoudré son scoop d’humour exquisément noir avec notamment une mort presque sympathique en grande faucheuse embarquant ses défunts et bavards voyageurs. Woody Allen lui aussi nous embarque, dans un jeu, dans son jeu. Il ne nous trompe pas. Nous en connaissons les règles, les codes du genre : la désinvolture et la loufoquerie sont de mise.

La mise en scène reste cependant particulièrement soignée, Scarlett Johansson est de nouveau parfaite, cette fois en étudiante naïve et obstinée. Comme la plupart des bonnes comédies, ce Scoop fonctionne sur les contrastes d’un duo impossible, celui de la journaliste écervelée et obstinée et de son protecteur farfelu. Certes, vous n’explosez pas de rire mais vous avez constamment le sourire aux lèvres entraînés par l’entrain communicatif et l’humour décalé de Woody Allen qui montre à nouveau que l’on peut être un réalisateur particulièrement prolifique sans rien perdre de son enthousiasme ni de sa fraîcheur. Une bonne humeur tenace et contagieuse vaut après tout mieux qu’un rire explosif, non ?

Un film rythmé, léger, burlesque, ludique, à la mise en scène soignée, avec une touche d’humour noir, même si on peut regretter que la morale soit sauve et même si on peut donc regretter l’immoralité jubilatoire de Match point. Ce scoop-là n’est ni sidérant, ni inoubliable, néanmoins il vaut la peine d’être connu.

Sandra.M



14 réactions


  • ropib (---.---.27.229) 6 novembre 2006 14:31

    J’ai été particulièrement déçu par Match Point, peut-être à cause de l’acteur principal plus distant que sensuel (mais je suis un homme, je me trompe peut-être). Je l’avais trouvé très lent et le côté social ne m’a pas paru du tout révolutionnaire. Finalement, pour moi, il s’agissait plus d’un film désespéré que d’un film noir. L’usage d’une musique molle, sous prétexte de finesse, participait à l’ambiance évanescente du film et j’en suis plutôt retourné embrumé. Dans le scorpion de Jade j’avais trouvé Woody quelque peu poussif, manquant d’énergie, voir peu à son film.

    Quel rythme pour celui-ci ? Je me souviens de cette mise en scène formidable dans « Maris et Femmes », une énergie... les saccades de l’image comme du scénario dans « Harry dans tous ses états ». Depuis un moment je regrette ces fourmillements internes qui parfois remplissaient le discours. Je ne sais pas si Woody Allen est fatigué mais depuis un certain temps je trouve que ses films le sont devenus, et c’est dommage. J’hésite désormais à aller les voir.


    • Sandra.M Sandra.M 6 novembre 2006 14:45

      Bonjour,

      je vous trouve bien sévère avec ce pauvre Woody... Pour moi « Match point » est un chef d’oeuvre et le meilleur film de l’année passée. Son scénario est irréprochable sans que la mise en scène soit délaissée. Je ne pense pas qu’il ait eu l’intention d’être « révolutionnaire ». C’est plutôt l’histoire d’un Rastignac des temps modernes. Je ne l’ai pas trouvé lent mais au contraire parfaitement rythmé, chaque seconde du film ayant une incidence sur le dénouement.

      Vous trouverez donc très certainement que « Scoop » manque de rythme, si pour vous« Match point » en manquait déjà. Mieux vaut alors revoir ses anciens films...

      Cordialement.


  • Anthony Meilland Anthony Meilland 6 novembre 2006 14:39

    Salut,

    C’est presque un article à la gloire de Match Point !

    Je suis assez d’accord avec toi sur le fait que Scoop n’est pas un grand Woody Allen, mais c’est vrai qu’on passe un bon moment. Par contre, je n’ai pas seulement sourrit, j’ai aussi beaucoup rit (et je n’étais pas le seul dans la salle), mais c’est normal avec Woody.

    Concernant Match Point, je ne peux pas te répondre, car je ne vais plus voir les Woody sans Allen, j’ai été trop déçu par les précédents (Celebrity, Coup de feu sur Broadway).

    Ma référence, c’est plutôt « Harry dans tout ses états », et c’est vrai que Scoop est un niveau au-dessous, au niveau, comme tu le dis d’« Escrot mais pas trop » ou du « Sortilège du Scorpion de Jade »


    • Sandra.M Sandra.M 6 novembre 2006 14:50

      Bonjour,

      c’est vrai que j’ai tellement aimé « Match point » qui, pour moi, je le répète, arrive à la perfection scénaristique que je ne peux m’empêcher d’en faire l’éloge dès que possible ! C’est bien au-dessus de « Celebrity » qui, certes, ne manquait pas d’intérêt. « Match point » est d’ailleurs un film de Woody Allen qui ne ressemble pas à un film de Woody Allen smiley, peut-être davantage à un Claude Chabrol dans la lignée de « La Cérémonie ».


    • ropib (---.---.27.229) 6 novembre 2006 15:32

      Il y a beaucoup de films de Woody Allen qui ne ressemblent pas à des films de Woody Allen. Il est vrai que le thème de Rastignac ne m’interpelle pas et que le soin apporté à l’image, aux couleurs est intéressant. Et même la distance avec laquelle il film tout ça participe à la construction de l’histoire. Mais l’acteur est tellement peu crédible, d’abord en sportif, d’autre part en arriviste (il manque de chaleur tout de même), que ça en devient désagréable.

      Je suis curieux sur Hugh Jackman : vous dites séduisant, mystérieux... je le vois avant tout fermé. Dans la même idée finalement, plus par rapport à ce que m’évoque Scarlett Johanson : y a-t-il un peu de scène d’amour ? Je la verrais bien dans quelque chose d’un peu torride personnellement, elle a quelque chose dans sa façon d’être physique qui occupe l’espace sans trop de mouvements qui est intéressant j’imagine. Dans « Lost in Translation » c’était très troublant.


    • Sandra.M Sandra.M 6 novembre 2006 16:10

      @ Ropib : je crois justement que c’est l’objectif : qu’il ne paraisse pas arriviste au début ! Mais si vous regardez à nouveau le film vous verrez que dès le début des éléments sont distillés pour nous faire comprendre son ambition et surtout son intérêt pour l’argent. C’est d’autant plus intéressant que le personnage est en apparence lisse.

      Etre fermé n’empêche pas d’être séduisant et mystérieux. Il n’y a pas réellement de scène d’amour non, c’est davantage une comédie qu’une comédie romantique .


  • Johan Johan 6 novembre 2006 17:40

    A tous,

    Je ne peux pas m’empêcher de comparer tous les Woody Allen au meilleur (à mon humble avis) : Manhattan.

    SVP, regardez le !


    • Sandra.M Sandra.M 6 novembre 2006 18:39

      @Ropib : Dans « Match point », le personnage est délibérément effacé et affable afin que le dénouement en soit d’autant plus surprenant. Regardez le film à nouveau et vous verrez que sa fascination de l’argent, sa fourberie apparaissent par des éléments distillés dès le début du film.

      Quant à Hugh Jackman il peut être fermé ET séduisant ET mystérieux.

      Il n’y a pas vraiment de scène d’amour « Scoop » étant davantage une comédie qu’une comédie romantique ou alors en détournant les codes du genre.

      @johan. Ah oui ! Regardez Manhattan. C’est un film magnifique mais très différent de « Match point ». Peut-on les comparer ?


    • ropib (---.---.27.229) 7 novembre 2006 15:20

      @Sandra

      Bon alors je tacherai d’être moi aussi tout à la fois, mais c’est pas facile. Et puis j’aurais bien aimé un petit détournement justement...

      Pour Manhattan c’est vrai que c’est un beau film mais ce n’est pas mon préféré. Il faudrait que je revois Maris & Femmes notamment qui m’avait beaucoup marqué et que je n’ai vu qu’une fois. Mais finalement c’est difficile de définir des préférences hors du temps et objectivement, nous sommes nous-même psychologiquement orientés et en plus nous ne sommes pas aujourd’hui ce que nous étions hier. Lorsque je revois Radio Days aujourd’hui je me rappelle de lorsque j’étais enfant quand je l’avais vu pour la première fois et il y a résonance.

      Pour autant je crois que toute comparaison est possible. Nous comparons, nous lions et nous distinguons... après tout nous le faisons naturellement et c’est ce qui nous donne la faculté de nous investir par la suite, de nous positionner et de juger. Non ? Je suis parti un peu loin...


    • Johan Johan 8 novembre 2006 12:22

      A Sandra,

      Non, on ne peut pas les « comparer »( mais il faut quand même regarder Manhattan ! ;) ).

      Il y a une griffe Woody Allen, par exemple dans ses scènes dans la rue, au pied des immeubles des personnages. Pour moi Manhattan c’est la quintessance du style Woody Allen. C’est ma référence pour voir ce qu’il garde, ce qu’il change, où il dérive.

      Et Match Point est vraiment à part dans sa filmographie.


    • Sandra.M Sandra.M 8 novembre 2006 14:16

      @Johan, je suis d’accord pour dire que « Manhattan » est « la quintessence » du style de Woody Allen et que « Match point » est vraiment à part. D’ailleurs, je pense que quelqu’un qui regarderait ce film sans connaître le nom du réalisateur pourrait difficilement deviner qu’il s’agit de Woody Allen.


    • Sandra.M Sandra.M 8 novembre 2006 14:21

      @Ropib : Evidemment que notre vision d’un film et les sentiments qu’il nous inspire sont influencés par notre histoire, notre passé mais ce qui nous différencie de machines,non ?

      Bon alors je tacherai d’être moi aussi tout à la fois, mais c’est pas facile. Et puis j’aurais bien aimé un petit détournement justement...

      Pour Manhattan c’est vrai que c’est un beau film mais ce n’est pas mon préféré. Il faudrait que je revois Maris & Femmes notamment qui m’avait beaucoup marqué et que je n’ai vu qu’une fois. Mais finalement c’est difficile de définir des préférences hors du temps et objectivement, nous sommes nous-même psychologiquement orientés et en plus nous ne sommes pas aujourd’hui ce que nous étions hier. Lorsque je revois Radio Days aujourd’hui je me rappelle de lorsque j’étais enfant quand je l’avais vu pour la première fois et il y a résonance.

      Pour autant je crois que toute comparaison est possible. Nous comparons, nous lions et nous distinguons... après tout nous le faisons naturellement et c’est ce qui nous donne la faculté de nous investir par la suite, de nous positionner et de juger. Non ? Je suis parti un peu loin...


    • Sandra.M Sandra.M 8 novembre 2006 21:19

      Juste une précision : la fin du commentaire ci-dessous ne devrait pas apparaître, c’est un copier coller du commentaire auquel je répondais. Désolée.


  • Michel (---.---.92.115) 23 novembre 2006 21:38

    moi j’aime bien ce genre de film de woody allen (j’ai été le voir lundi). c’est vraiment le meme style que Manhattan Murder Mystery, avec WA dans le role de l’anti-heros à la personnalité tout à fait insignifiante. Vraiment un bon moment drole à passer. Bien sur à voir en version originale !! En VF ce serait une hérésie.

    Et puis il y a Scarlett. Aaaaah, Scarlett :-P


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