mercredi 10 février 2016 - par Double Genre

Talons aiguilles et travesti d’Almodovar

Tacones lejanos, Película de Pedro Almódovar

Avec sa couleur rouge omniprésente, ce film transpire d’une passion presque suffocante. Puis il y aussi tous ces regards intenses et ces gros plans sur les acteurs qui achèvent de créer une ambiance des plus électrique, suggérant ainsi une multitude de sentiments refoulés.
Titre original / français / anglais Tacones lejanos / Talons Aiguilles / High Heels
Réalisation, scénario et production Pedro Almodóvar
Dirigé par / Musique de J. François FonluptRyuichi Sakamoto
Photographie / Montage / Décors
Acteurs et actrices principaux Victoria Abril / Marisa Paredes / Miguel Bosé /
Genre Mélodramatique et policier
Producteurs Agustin Almodóvar, el Deseo SA, Ciby 2000
Récompense César 1993 du meilleur film étranger

Ce film, sorti en Espagne Drapeau de l'Espagne le 23 octobre 1991 et en France Drapeau de la France le 15 janvier 1992, Talons Aiguilles appartient déjà au panthéon des films cultes du travestisme et a obtenu le prestigieux César 1993 du meilleur film étranger.

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Ici, nous ne parlerons pas de la merveilleuse actrice Victoria Abril (Rebeca), ni de Marisa Paredes (Becky del Paramo), d’autres l’ont fait avant nous et de belles façon, mais évoquerons ce qui est le sujet principal de notre blog Double Genre : le travesti, remarquablement interprété par Miguel Bosé (en V.F. avec la voix d’ Emmanuel Jacomy) qui est à la fois le méthodique juge Domínguez, l’indicateur de police Hugo et la sublime Letal, un travesti et transformiste qui rend hommage à son idole Becky del Paramo, en se produisant dans une boite de nuit madrilène.

Marisa Paredes, interprète Becky Del Paramo, célèbre chanteuse pop des années 60 qui se sachant atteinte d’une grave maladie de cœur, souhaite avant de mourir, rentrer à Madrid, sa ville natale et donner un concert d’adieu. Elle espère surtout se réconcilier avec sa fille Rebeca (Abril), négligée depuis sa plus tendre enfance et qu’elle retrouve mariée à Manuel, l’un de ses anciens amants, un égoïste et sans scrupule qui dirige une chaine de TV, trompe sa femme avec Isabel, l’une de ses présentatrices et lui propose de même de reprendre leur ancienne relation. Mais une nuit, Manuel est assassiné…

Bande originale de Talons Aiguilles : en V.O. c’est si bon  ;)
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Miguel Bosé, alias le juge Dominguez, se dit que tout cet imbroglio à de quoi donner des envies de meurtre ? Oui, mais à qui ? Becky, Isabel ou Rebeca … ? L’intrigue tourne autour de l’identité de l’assassin, traitée de manière tragicomique, entre le milieu de la Justice et du petit monde des travestis où Miguel Bosé, le travesti Letal, est à notre avis, l’acteur qui parvient le mieux à tirer son épingle du jeu, aidé il est vrai en cela, par son rôle plutôt ambivalent.

 » Au-delà de l’aspect mélo, sentimental et policier, Almodovar est et reste un provocateur. Depuis la fameuse motte de beurre dans Le Dernier Tango à Paris [film de Bernardo Bertolucci et Marlon Brando], on n’avait pas vu une scène d’amour aussi originale et suggestive. Rebecca accroché à une barre de traction pendant que Letal se livre à un cunnilingus ; il fallait y penser et savoir le filmer sans vulgarité et avec une pointe d’humour ! Émouvant sans tomber dans la mièvrerie, Talons Aiguilles est l’un des films les plus aboutis du réalisateur espagnol » – écrit Laurence Seguy.

La prestation de Hetal (Miguel Bosé) en imitatrice de la chanteuse Becky del Paramo est époustouflante. Hetal porte une perruque dont la hauteur compense bien celle de son visage et dont la couleur or/platine fait ressortir son teint. Son ample chemisier dans les tons de rouge, cache mieux ses larges épaules, sa courte jupe pailletée met en valeur de belles jambes gainées de nylon et ses hauts talons aiguilles parachèvent le personnage.

Dans la petite loge d’artiste de la boite de nuit, le travesti ne craint pas de révéler non seulement ses artifices à Rebeca (Victoria Abril) : corset, faux seins, coussinets … mais aussi la réalité de d’un désir purement masculin, pour cette vraie femme qui même si elle n’a pas fait « ça » depuis quatre mois, n’en boude pas pour autant son plaisir. Hétal met ainsi en évidence l’antinomie entre sa tricherie vestimentaire et la révélation d’autentiques sentiments par une vraie déclaration d’amour pour le moins originale … regardons plutôt cette scène plutôt torride :

La scène dans la loge de la boite de nuit

Tacones Lejanos, ce titre original en espagnol qui signifie « talons aiguilles » ou littéralement « talons éloignés », illustre bien le rapport d’éloignement de la mère (Becky) et de sa fille (Rebeca) et fait référence à cette scène où Rebeca raconte qu’enfant, elle entendait le bruit des pas de sa mère, quand celle dernière rentrait à la nuit : en fait le seul souvenir qu’elle avait gardé de sa mère. A l’instar du clin d’oeil que fait Almodovar dans ce film à celui du cinéaste Bergman, dans Sonate d’Automne, ces talons aiguilles n’en sont-ils pas aussi un autre à l’une des scènes du film plutôt fétichiste de Truffaut : « L’homme qui aimait les femmes » interprété par l’innoubliable Charles Denner ?

TalonsAiguillesAffiche.JPG

Musique : C’est le compositeur et acteur japonais Ryūichi Sakamoto qui a réalisé la bande originale du film à l’exception de deux titres : Un Año De Amor, composé par Nino Ferrer ;

Mais c’est surtout le second, le nostalgique « Piensa en mí », chanson mexicaine de 1937, composée par Agustín Lara et interprétée par la merveilleuse voix de Luz Casal qui nous a séduit ainsi que de très nombreux spectateurs.

Piensa en mi de Luz Casal sur fond d’images du film :
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Drapeau de l'Espagne
Si tienes un hondo penar, piensa en mí.
si tienes ganas de llorar, piensa en mí.
Ya ves que venero tu imagen divina,
tu párvula boca que siendo tan niña
me enseño a pecarPiensa en mí
cuando sufras, cuando llores
también piensa en mí,
cuando quieras quitarme la vida,
no la quiero para nada,
para nada me sirve sín tí.Piensa en mí
cuando sufras, cuando llores,
también piensa en mí, cuando quieras
quitarme la vida, no la quiero para nada,
para nada me sirve sin tí.

Drapeau de la France

Si tu as une profonde peine, pense à moi
Si tu as envie de pleurer, pense à moi
Tu vois que je vénère ton image divine
Ta petite bouche, qui, si enfantine
M’a appris à pécher
Pense à moi, quand tu souffriras
Quand tu pleureras, aussi, pense à moi
Quand tu voudras m’enlever la vie
Je n’en veux pas, à rien
A rien, elle ne me sert sans toi
Pense à moi, quand tu souffriras
Quand tu pleureras, aussi, pense à moi
Quand tu voudras m’enlever la vie
Je n’en veux pas, à rien.

Et pour nos amis espagnols, la version originale de la scène dans la loge de la boite de nuit, más emotiva  :)

Voir la vidéo sur le site Double Genre

https://doublegenre.wordpress.com/2016/02/09/talons-aiguilles-de-pedro-almodovar/

Lio de France / Double genre.



9 réactions


  • blablablietblabla blablablietblabla 10 février 2016 17:24

    Bonjour , ce film a été mon préféré , pas évident de faire des films sur les travestis ya na eu quelques un en France la cage aux folles, pédale douce , chouchou mais sans plus !


  • Double Genre Double Genre 10 février 2016 18:28

    Bonjour et merci de ton commentaire. C’est aussi mon film préféré, entre autres parce que pour une fois on nous présente un travesti 100% hétérosexuel, façon Chevalier d’Eon.
    Pour ce qui est des films sur le sujet, voici une liste qui en compte une trentaine avec un maximum de liens sur les interprètes travestis, les réalisateurs et de courts extraits vidéo des films : https://doublegenre.wordpress.com/2016/02/07/celebres-transgenres/


  • fcpgismo fcpgismo 11 février 2016 10:43

    La première séance a été magique,envoutante et toutes les autres quelque soit l’outil de lecture l’ont été aussi.

    Talons aiguilles
    Tout sur ma mère
    Volvert
    Attache moi
    Etreintes brisées
    Pépi,Luci,Bom et autres filles du quartier.


  • alinea alinea 11 février 2016 13:30

    J’ai adoré ce film !!
    Vous ne parlez pas des relations du juge avec sa mère, une clé pourtant ! Ah ce juge !! j’avais le béguin pour lui !! smiley
    C’est vrai qu’ Almodovar a un talent fou pour nous faire aimer tous ceux qui sont à la marge !
    Un bon moment, merci


    • Double Genre Double Genre 11 février 2016 14:56

      @alinea : merci d’avoir partagé votre « emoción » à propos de ce film Vous avez raison comme quoi on aurait pu insister sur les relations du Juge Dominguez avec Becky, mais ce serait des pages entières qu’il faudrait noircir (ou rougir, la couleur du film), car en imitant son idôle à la perfection, il réalise l’idéal de Rebeca qui elle n’y est pas parvenue et croit qu’elle n’arrive pas à la cheville de sa mère. De plus Rebeca est enceinte d’un homme/femme qui va donc lui donner un enfant, la replongeant ainsi dans la relation mère/enfant. Enfin, le Juge, comme sa mère, représente l’autorité ... Oh ! l’univers d’Almodovar est infini et celui qui en parle le mieux est encore Jean Max Méjean dans son livre « Pedro Almodovar », où il passe en revue tous les films du réalisateur (lien sur la réponse à l’internaute précédent.)


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 11 février 2016 15:20

    une parenthèse sur le tournant du film, lorsque Victoria comprend que le travesti et le juge d’instruction sont une seule et même personne à la vue de la photo de sexe de l’intéressé, qui a la particularité d’avoir « un grain de beauté sur le gland ».


    • Double Genre Double Genre 11 février 2016 17:04

      @Olivier Perriet : merci de cette précision que j’avais complètement oubliée et qui dans l’univers torturé d’Almodovar a sûrement une signification, car chez lui aucun détail n’est le fruit du hasard et il eût été intéressant que nous eussions au moins un renseignement concernant ce grain de beauté sur ce gland et que nous le sussions de la bouche d’un informateur compétent . ;)


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