samedi 12 avril - par rosemar

Tangos y otras cosas...

JPEG - 301.1 ko

 

Un merveilleux voyage de l'Espagne à l'Amérique du Sud, du romantisme au tango autour des grands maîtres de la guitare classique (de Fernando Sor à Heïtor Villa-Lobos) et des grands compositeurs argentins (de Carlos Gardel à Astor Piazzolla)... c'est ce que nous a offert le guitariste Ludovic Michel, lors du Festival de la Biographie...

 

Le récital s'ouvre sur le magnifique Libertango du compositeur argentin Astor Piazzolla, une oeuvre dont le titre mêle les mots "libertad et "tango".

 

Et Ludovic Michel nous raconte alors son parcours :

"Je suis né au tango un soir de décembre. Alors, on raconte que naître un soir de décembre peut parfois être annonciateur de bonnes nouvelles et j'étais loin de m'imaginer que cet univers musical serait pour moi synonyme de résurrection. Rien ne me prédestinait, pourtant, à succomber aux sanglots langoureux des maîtres de cette discipline, et même à observer, des heures durant, ces corps enlacés, à la démarche cadencée et à l'élégance certaine.

Alors, c'est la Lorraine dans mes bagages, la guitare chevillée au coeur que j'ai atterri à l'âge de 18 ans au conservatoire national supérieur de musique de Paris, bien décidé à conquérir Mozart et les grands classiques."

 

On écoute alors les variations sur un thème de la Flûte enchantée de Mozart du compositeur espagnol et guitariste virtuose, Fernando Sor, un air empli de charme, de gaieté : un pur bonheur !

Ludovic Michel évoque ensuite ce musicien Fernando Sor : "un personnage atypique, tout d'abord au service de la duchesse d'Alba, il a soutenu ensuite les troupes napoléoniennes, ce qui l'a contraint à l'exil, une fois la défaite actée. Traversant l'Europe de Londres à Moscou, il posa définitivement ses bagages à Paris...

Une des portes par lesquelles on entre dans cet univers, c'est bien la porte de l'exil... l'autre porte qui nous mène au coeur du tango est aussi bien sûr celle des sentiments, de l'amour, de la passion, mais également celle de la jalousie, de la trahison, de la colère. Quel autre mouvement culturel aussi bien littéraire, pictural, que musical a su définir lui aussi bien l'expression de tous ces sentiments sinon le romantisme ?

Chez les romantiques, comme dans le tango, tout est psychodrame absolu, ampleur dramatique, nostalgie infinie.

Encore jeune étudiant au conservatoire, un livre sur ma table de chevet, le Werther de Goethe, un disque sur ma platine, celui du Sexteto Major, grand orchestre de tango des années 80, et créateur du célèbre spectacle "Tango Pasion", qui a fait le tour du monde et qui a apporté le tango en Europe, dans les années 80...

Werther qui lui également dut se résigner à l'exil, après sa rencontre lors d'un bal avec son impossible amour, Charlotte promise à un autre. Seule la mort l'en délivra. On peut dire qu'au 18ème siècle, Werther était déjà un peu un tango."

 

On est ensuite ébloui par ASTURIAS d'Isaac Albeniz, qui "est à la fois passionné, mélancolique et romantique", comme le présente Ludovic Michel...nous voilà saisis, littéralement subjugués par la vivacité puis la délicatesse de cet air célèbre d'Isaac Albeniz...

 

"Et maintenant TANGO, nous dit Ludovic Michel, avec Horacio Salgan, grand réformateur du célèbre Quinteto Real. (Le Quinteto Real était un groupe de tango de premier plan fondé par Horacio Salgán en 1960. Ses premiers membres comprenaient Salgán lui-même au piano, Pedro Laurenz au bandonéon). Pourquoi commencer avec Horacio Salgan ? Parce qu'il aura traversé toute l'histoire du tango du 20ème siècle : né en 1916, et mort en 2016, il aura côtoyé et travaillé avec tous les plus grands artistes du 20ème siècle, chanteurs, danseurs, musiciens. 

Même le grand pianiste classique Arthur Rubinstein ne manquait jamais l'occasion de lui rendre visite lors de ses concerts à Buenos Aires pour que Salgan lui joue ses tangos préférés et notamment "A fuego lento, A petit feu", qui s'inspire du célèbre Air de la calomnie de l'opéra Le Barbier de Séville de Rossini : un thème lancinant qui se répète sans cesse, pour se finir dans une grande variation finale assez virtuose qui est un peu la tradition dans les tangos instrumentaux."

Et Ludovic Michel nous joue ce tango au rythme captivant... puis, évoque le rôle essentiel des femmes inspiratrices de tangos :

"Les femmes sont incontournables avec le tango et je dirai même qu'elles en sont les principales inspiratrices et Malena en est l'incarnation parfaite... tango mythique de Homero Manzi et Lucio Demare, dont la légende raconte que le compositeur aurait écrit la musique en un quart d'heure, sur le coin d'une table, après avoir lu les vers du poète.

Mais la grande question que se sont posée tous les historiens du tango est : qui est Malena ? Malena Toledo ? Azucena Maizani ? Tita Merello ? Mercédès Simone ? Toutes de grandes chanteuses... Malena n'est peut-être pas une seule femme mais toutes les femmes qu'Homero Manzi a aimées dans sa vie...

Malena est peut-être la synthèse poétique de toutes ces femmes réelles ou fantasmées..."

On est subjugué par cette douce mélodie, emplie de tendresse et d'amour : Malena...

 

"Il n'y a pas que désolation et tristesse dans le tango, nous dit encore Ludovic Michel, on peut également se réchauffer aux couleurs de la joie, de la gaieté, comme dans cette milonga de Pedro Laurenz, la Milonga de Mis Amores, la Milonga de Mes Amours... on reste toujours dans le même thème, évidemment.

La milonga est une danse beaucoup plus gaie, beaucoup plus rapide que le tango, elle est née au milieu du 19ème siècle dans les faubourgs de Buenos Aires et de Montevideo d'un mélange de candombe afro-argentin et de habanera cubaine...

Etant antérieure au tango, c'est elle également qui a donné son nom au lieu où on pratique ces danses : on ne va pas danser au bal mais à la milonga, et l'on y danse trois styles de rythmes différents, le tango, la milonga et la valse..."

 

On se laisse alors emporter par le tempo rapide et envoûtant de la Milonga de Mis Amores...

 

Merci à Ludovic Michel pour ce somptueux récital mêlant récit et musique : un moment enchanteur !

 

A suivre...

 

Le blog :

https://rosemar.over-blog.com/2025/02/tangos-y-otras-cosas.html

 

Vidéos :

 



37 réactions


  • Seth 12 avril 12:24

    Un magnifique Asturias, legato parfait et expressivité : https://www.youtube.com/watch?v=GPNvTcnNT8A


    • rosemar rosemar 12 avril 13:54

      @Seth

      MERCI ! Superbe...


    • rosemar rosemar 12 avril 13:55

      @Seth

      Voici une autre version avec un quatuor que j’ai enregistré :

      https://youtu.be/CN06yCNzEiw?si=G6pNFZDAaO5H_Hb5


    • Seth 12 avril 14:28

      @rosemar

      Le problème avec ce qui est loin d’être facile à jouer c’est que beaucoup de guitaristes cèdent à la virtuosité. Du coup c’est sec et sans nuance. En plus les instruments n’ont pas grand chose à voir. Celui de Segovia est plus velouté et plus harmonique, et de loin. Et puis ça s’appelle « Asturias » et non « Andalucia ».

      De plus les 2 n’ont pas la même « doigté » celui de Segovia est plus « économique ».

      Et cadeau : la courte Sarabande de la Petite Suite en Ré mineur de de Visée que j’aimais d’autant plus jouer autrefois que ça n’est guère fatigant.

      En plus j’adore le ré mineur.  smiley

      Et l’interprète a une excellente guitare.


    • Seth 12 avril 17:09

      @Seth

      Je vien de réécouter : il n’arrive pas à faire sonner ses notes « harmoniques » (il y en a 2 s’il m’en souvient bien) parce qu’il ne sait pas effleurer très légèrement la corde au bon moment, ça se voit à la position de sa main gauche, la puissance de l’harmonique sonnant comme une clochette n’étant pas contrôlable, la sienne est sourde.

      Celles de Segovia sont puissantes et claires.  smiley


    • Seth 12 avril 17:15

      @Seth

      Dans la sarabande il manque 1 ou 2 trilles...


    • rosemar rosemar 12 avril 21:09

      @Seth

      Mais il y a aussi la qualité de la guitare ?


    • John John 13 avril 08:39

      Salut Seth !

      « Et l’interprète a une excellente guitare. »

      Oui c’est une stradivarius ... smiley ... smiley ...

      J’aime bien aussi en version électrique ... Le truc c’est qu’avec les électriques il y bien d’autres effets disponibles surtout si en plus elle a un vibrato et qui plus est est un floyd rose ... Bon, c’est pas vraiment bien tourné (« mais vu que contrairement les vidéos bien tournées sont devenues très très rares voir presque aussi rares que le milan royal ...  smiley ... ») ... Mais, aller juste pour les oreilles ... Une petite version en électrique ...


    • John John 13 avril 08:51

      Seth,

      Pour faire bouger les doigts et bien synchroniser avec le médiator t’as celle-là qu’est pas mal ... (Même si quelques passages de la vidéo risquent d’effrayer Rosemar) ... smiley ... 


    • Seth 13 avril 14:50

      @John

      Superbe la sarabande ! Et inattendue.  smiley

      Les mecs ont du se baser plutôt sur l’original écrit pour clavecin seul que sur l’orchestration pour Barry Lyndon. C’est un air et variations et ils variationnent comme des grands.  smiley

      Il y a encore quelques milans royaux vers la Vézère, j’en ai vu.

      Pas trop sec chez toi ?


    • rosemar rosemar 13 avril 21:10

      @John

      C’est guerrier !


    • Fergus Fergus 14 avril 09:22

      A propos d’Asturias, il faut savoir que ce morceau, indiscutablement très beau, est le 5e mouvement d’une suite dite « espagnole » d’Albeniz, indiscutablement très chiante !
      Notez d’ailleurs que seul ce mouvement est joué sur la scène musicale.


    • chantecler chantecler 14 avril 10:41

      @Fergus
       ????
      La suite espagnole d’I.Albéniz est d’une grande beauté .
      Interprétée par Alicia de Larrocha au piano il m’arrive très souvent de l’écouter ...
      Comme l’intégrale d’I. Albéniz d’ailleurs....
      https://www.youtube.com/watch?v=t1-umzoIw1o&list=PLyrS5_ErY3KSmauO_h-4yYszhFIIa2h3Q


    • Fergus Fergus 14 avril 11:32

      Bonjour, chantecler

      Les goûts et les couleurs...
      Cela dit reconnaissez avec moi que cette suite n’est que très rarement mise au programme d’un concert.

      Même à la Folle journée de Nantes où ont lieu chaque année plus de 250 concerts, la Suite espagnole n’est jamais jouée dans son intégralité, pas même lorsque le thème du festival justifie que soient programmées des oeuvres d’Albeniz (dont Asturias).

      Je n’ai pas non plus le souvenir d’avoir vu cette Suite espagnole depuis fort longtemps aux programmes (je les reçois chaque année) de la Philharmonie de Paris ou de l’Auditorium de Radio-France.

      Cela dit, je ne cherche pas à vous dissuader d’écouter cette oeuvre dans son intégralité. Il y a d’ailleurs sûrement des opus classiques que j’apprécie énormément mais auxquels vous n’accrochez pas. smiley


  • Seth 12 avril 12:30

    Et en parlant de Tango, n’oublions pas les grands maîtres.


  • xana 12 avril 13:22

    En lisant le titre j’ai eu un coup au coeur : Ca y est ! Rosemar se décide à visiter d’autres pays !

    Hélas, non. Ce n’était qu’une figure de style (au mieux). Rosemar ne sait plus où elle a fourré son passeport. Et puis, aller dans des pays où on ne parle que l’étranger, quelle horreur !

    Cette pauvre vieille fille ne quittera jamais ni sa maison ni ses habitudes, ni surtout ses préjugés. Sotte elle était, sotte elle est restée.

    Dommage, et d’ailleurs surtout dommage pour elle. Elle aurait pu avoir la chance de découvrir autre chose que ses certitudes flétries. C’est sans doute cela qu’elle craint le plus. Après avoir enseigné des notions fausses et figées toute sa vie, comment supporterait-elle le choc d’une vérité ?

    D’autres enseignants se sont suicidés pour bien moins...


  • Seth 12 avril 14:00

    "Les femmes sont incontournables avec le tango et je dirai même qu’elles en sont les principales inspiratrices et Malena en est l’incarnation parfaite


    « Malena canta et Tango como ninguna.. » mais le Tango se dansa tout d’abord entre hommes. Ici on est plus près de la Milonga.


    • rosemar rosemar 12 avril 14:41

      @Seth

      Etonnant ! Ce sont des vrais ? !


    • Seth 12 avril 15:09

      @rosemar

      Des vrais hommes ? Pourquoi ? Vous en douteriez ?  smiley

      Ce n’était pas une danse sexuelle mais relevant des anciennes danses « guerrières » du type de la Pyrrhique de la Grèce antique. Ici c’est plutôt sport que frotti frotta.


    • rosemar rosemar 12 avril 21:10

      @Seth

      je plaisantais...


  • In Bruges In Bruges 12 avril 14:17

    Comment peut-on oser évoquer Fernando Sor, sans faire un clin d’œil à ce bijou d’intelligence et de finesse ? Incompréhensible...

    https://www.youtube.com/watch?v=iNiCGgRh1RE


    • Seth 12 avril 14:35

      @In Bruges

       smiley

      J’ai en plus eu aussi le plaisir de la travailler. Avec la 1ère qui est plus difficile mais en restant dans le jouable. Blague ou pas, Sor est très agréable.


    • rosemar rosemar 12 avril 14:40

      @In Bruges

      Elle est belle aussi ! Toute en douceur...

      https://youtu.be/gCWo2b23_7M?si=_oc3ieglbID61-Pr


    • Seth 12 avril 15:18

      @rosemar

      Sor a beaucoup de qualités. On n’est pas de la musique de scène mais dans de l’intimiste se jouant entre soi. Ça laisse une grande liberté d’interprétation, c’est très agréable à jouer et il est facile de s’y investir totalement. Pas d’espagnolades.

      Ici c’est une étude sur le travail de la main droite et de l’attaque nuancée de la corde, de doux arpège legato et coulants. Côté main gauche, pas de problème.


    • rosemar rosemar 12 avril 21:11

      @Seth

      MERCI pour ces explications techniques...


  • Seth 13 avril 12:46

    Quand les icônes de 81 ans chantent une espèce de tango, ça donne ça : https://www.youtube.com/watch?v=-MQce2lvheU

     smiley


  • Seth 13 avril 16:03

    Et il est beaucoup question ici de machos mais les mujeres ont aussi chanté le Tango :

    https://www.youtube.com/watch?v=q3PX3IlH6jA&list=PLbqssl-Rw51-uMejjPZvqBdbrwJ8Rv1s1&index=1


Réagir