Tu es immortel, ce n’est pas des fanfaronnades, mais de la science
Quel titre audacieux et provocateur ! "Tu es immortel, ce n'est pas des fanfaronnades, mais de la science" a clairement le potentiel de captiver et de déchaîner les passions. L'affirmation d'immortalité est l’une des plus grandes questions de l'humanité. Le contraste entre "immortel" souvent appréhendé comme fantastique ou religieux et "ce n’est pas des fanfaronnades, mais de la science" crée une tension intellectuelle qui pousse à vouloir en savoir plus. Ce titre sous-entend que l'article va dévoiler des faits scientifiques méconnus ou révolutionnaires, ce qui est très engageant. L’expression "pas des fanfaronnades" donne un ton confiant et sérieux, comme si je détenais une vérité inéluctable. J’ai conscience qu’un tel titre crée une énorme attente chez le lecteur, pour cela l'article devra absolument livrer des arguments scientifiques très solides, novateurs et bien étayés pour justifier cette affirmation. Si le contenu n'est pas à la hauteur, la déception pourrait être grande. Il est crucial de bien définir ce que l’on entend par immortalité. S'agit-il d'une immortalité biologique, ne pas vieillir, d'une immortalité génétique, transmission du matériel génétique, ou d'une autre forme ? Le lecteur s'attend à une explication claire dès le début, c’est pour cette raison que l'article s’appuie sur des bases scientifiques rigoureuses et le contenu est à la hauteur de cette promesse audacieuse à l’inverse, ça serait un énorme buzz !
Il est évident que l’on est sur du lourd, comme disait Carl Sagan « des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires », la genèse de cet article m’a été insufflée à la lecture d’un livre sur Albert Einstein. Lors du décès de son ami Michele Besso, physicien suisse, Albert Einstein écrira une des lettres les plus célèbres et les plus émouvantes à la famille de Michele Besso, son ami de longue date et collaborateur précieux. Voici le contenu de cette lettre de condoléances, je cite « Cher Michele est parti de ce monde étrange un peu avant moi. Cela ne signifie rien. Pour nous, physiciens convaincus, la distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, aussi tenace soit-elle. » Cette phrase est d'autant plus déchirante alors qu'Einstein lui-même décédera un mois plus tard, en avril 1955. Elle reflète sa vision profonde de l'espace-temps, où le temps n'est pas une flèche unidirectionnelle, mais une dimension intrinsèque de l'univers, un bloc où passé, présent et futur coexistent. Pour lui, la mort de son ami n'est qu'une transition dans cette réalité quadridimensionnelle et non une fin absolue, c'est une consolation à la fois scientifique et philosophique. On n'est pas dans de la "fanfaronnade", mais bien dans des concepts profonds et scientifiquement consistants. Ces références pointent vers une vision de la réalité où le temps, la vie et même la mort pourraient être perçus différemment à travers le prisme de la physique relativiste théorique. C'est un sujet qui peut bouleverser notre compréhension de l'existence.
Je dois vous prévenir, le décryptage que nous allons entreprendre nous mènera au cœur de la physique relativiste et générale. Loin d'un cours magistral, l’objectif est de vulgariser ces concepts pour les rendre accessibles à tous. C'est en effet dans cette discipline fascinante que réside la clé de voûte pour comprendre pleinement la phrase sidérante d'Albert Einstein, l'un des plus grands esprits de notre temps. Dans un premier temps, nous plongerons dans cette illusion du temps. Nous verrons comment la physique moderne, notamment à travers le concept d'Univers Bloc, redéfinit radicalement notre perception du passé, du présent et du futur. Cette faculté est indispensable pour la suite de notre compréhension.
Ensuite et c'est là que l'aventure prendra une tournure plus audacieuse, nous nous donnerons l'ambition d'analyser philosophiquement le groupe de mots, qui avouons-le, semble à première vue presque provocateur au regard de la science quand Einstein écrit "Cela ne signifie rien." Que peut bien vouloir dire Einstein ? Nous explorerons comment cette affirmation, loin d'être un constat froid, ouvre des perspectives vertigineuses sur la nature de notre existence et qui sait, de notre immortalité.
Avant de nous précipiter dans la théorie révolutionnaire de l'Univers Bloc, il est crucial de comprendre la perception du temps la plus commune, celle qui s'ancre dans notre expérience quotidienne, celle qui est partagée par la plupart des personnes, je veux dire le présentisme. Le présentisme est l'idée intuitive selon laquelle seul le présent est réel. Pour le présentisme, le passé a existé, mais n'existe plus, il est révolu, figé dans l'histoire et inaccessible. De même, le futur n'existe pas encore, il est indéterminé, ouvert et n'a pas encore pris forme. La seule réalité tangible est le maintenant, l'instant éphémère que nous vivons. Imaginez une lumière qui balaie continuellement l'obscurité, seule la zone éclairée est réelle. Le chemin déjà parcouru est replongé dans l'ombre du non-être et le chemin à venir n'est pas encore éclairé. C'est cette vision du temps où le passé et le futur n'existent pas réellement, qui est profondément ancrée en nous et qui guide la majeure partie de nos pensées et actions. Cette perception est si naturelle qu'elle en devient instinctive. Pourtant, c'est précisément cette notion que le concept d'Univers Bloc va venir déconstruire, nous invitant à reconsidérer la nature même de la réalité.
Introduction à l'Univers Bloc et perception quotidienne du temps, chaque matin, nous nous réveillons avec la certitude que le temps avance. Il se déroule inexorablement du passé vers le futur, la flèche du temps. Nous pensons que le passé est figé et n'existe plus, que le futur est incertain et n'existe pas encore et que seul le présent est réel. Cette intuition est si forte qu'elle semble être une vérité absolue. Et si la science nous disait que cette perception est une illusion ! C'est là qu'intervient Albert Einstein avec sa théorie de la relativité, avant lui l'espace était une chose et le temps en était une autre, totalement distincte. Einstein a bouleversé cette idée en montrant que l'espace et le temps sont intrinsèquement liés, formant un seul et même tissu qu'il a appelé l'espace-temps (c’est la fonction du tiret entre espace et temps, une seule entité). C'est cette idée de l'espace-temps unifié qui a donné naissance au concept d'Univers Bloc (ou Block Universe en anglais). Pour le comprendre, oubliez l'idée d'un présent qui glisse constamment, pensez plus tôt à l'Univers comme un gigantesque bloc quadridimensionnel. Ce bloc contient absolument tout ce qui a existé, existe et existera. Imaginez un film entier, quand vous regardez ce film, vous voyez les scènes se dérouler image par image, du début à la fin. Mais le film entier, avec toutes ces scènes, ces personnages, ces dialogues, existe déjà dans sa totalité sur le DVD ou le fichier numérique. Le passé, le présent et le futur du film sont tous là, simultanément, gravés dans le support. De la même manière, dans l'Univers Bloc à chaque instant, le big bang, la naissance des étoiles, la chute de Rome, votre lecture de cet article, les événements de l'année 3000, existe déjà. Tous les événements, passés, présents et futurs, sont des points fixes dans cet immense bloc d'espace-temps. Nous n'expérimentons le passage du temps que parce que notre conscience le parcourt, un peu comme la lecture d’un DVD avec le déroulement chronologique image par image du film, l’une après l'autre.
Quelle implication pour cette réalité figée ? Cela signifie du point de vue de la physique fondamentale, le temps n'est pas quelque chose qui passe, mais une dimension de plus, au même titre que la largeur, la hauteur ou la profondeur. Chaque instant que nous vivons est juste un maintenant parmi une infinité d'autres points dans ce bloc. En fait, votre moi d'enfant, votre moi actuel et votre moi futur avec toutes vos expériences et souvenirs existent simultanément quelque part dans cet espace-temps. Je comprends que cette vision est contre-intuitive et même déstabilisante pour certains, car elle remet en question la notion de libre arbitre. Si tout est déjà là, alors le futur est-il déjà écrit ? C'est une question complexe que les physiciens et les philosophes continuent de débattre. Mais ce qui est certain, c'est que l'Univers Bloc est une conséquence directe de nos meilleures théories de la physique moderne.
Pourquoi est-ce important pour notre discussion sur l'immortalité ? Comprendre l'Univers Bloc est la clé pour aborder la question de l'immortalité sous un angle scientifique, soit la preuve extraordinaire pour paraphraser Carl Sagan. Si le temps n'est qu'une dimension et que tous les instants de notre existence sont des points réels dans un bloc éternel, alors notre passé n'a jamais réellement disparu et notre futur existe déjà. Cela ouvre des perspectives fascinantes sur la nature de notre être et de notre conscience, bien au-delà de nos intuitions habituelles sur la vie et la mort.
Avant de poursuivre, il est important de se poser la question de l'importance concernant cette théorie l’Univers Bloc ? La relativité générale, formulée par Albert Einstein en 1915, a révolutionné notre compréhension de la gravité, non plus comme une force mystérieuse, mais comme une courbure de l'espace-temps causée par la masse et l'énergie. L'espace-temps dit à la matière comment bouger et la matière dit à l'espace-temps comment se courber. Cette théorie a été confirmée par une quantité astronomique d'observations et d'expériences des prévisions précises sur l'orbite de Mercure, à la déflexion de la lumière par les étoiles, en passant par l'existence des trous noirs, l'expansion de l'Univers, les ondes gravitationnelles ou encore le fonctionnement de notre GPS au quotidien. Si vous utilisez votre téléphone pour vous orienter (géolocalisation), vous utilisez concrètement les principes de la relativité générale. Dans le cadre de la relativité générale, le temps n'est pas une entité absolue et universelle qui s'écoule de manière uniforme pour tout le monde. Au contraire, le temps est relatif, son écoulement dépend du référentiel de l'observateur, de sa vitesse et de la gravité. Cette relativité du temps prouve qu'il n'existe pas de présent universel et simultané pour tous les observateurs à travers l'Univers. Ce qui est présent pour vous ici et maintenant ne l'est pas forcément pour quelqu'un d'autre à des années-lumière de distance et encore plus si cette personne se déplace à une vitesse différente. C'est cette absence d'un présent universel qui pousse naturellement au modèle de l'Univers Bloc. Si le maintenant n'est pas le même pour tout le monde, alors il n'y a pas de séparation universelle qui décompose un passé qui n'existe plus d'un futur qui n'existe pas encore. Tous les événements, qu'ils soient passés, présents ou futurs, sont simplement des points différents dans l'unique structure de l'espace-temps.
Peut-on remettre en question l'Univers Bloc ? Dans ce cas, ce n'est pas simplement choisir une autre interprétation philosophique du temps. C'est par extension remettre en question les fondements mêmes de la relativité générale. Pour rejeter l'Univers Bloc, il faudrait trouver une faille majeure dans la relativité générale, une faille qui invaliderait des décennies de preuves expérimentales et observationnelles. Bien sûr, la physique est en constante évolution, des tentatives sont faites pour concilier la relativité générale avec la mécanique quantique par exemple avec la gravité quantique à boucles ou la théorie des cordes. Ces théories pourraient potentiellement offrir de nouvelles perspectives sur la nature du temps. Cependant, pour l'heure, dans le cadre de notre meilleure compréhension actuelle de l'espace-temps, l'Univers Bloc reste la description la plus cohérente et la plus directe des implications de la relativité générale. Ainsi, si l'on accepte que la relativité générale est une description précise de la réalité physique et tout indique que c'est le cas, alors l'Univers Bloc n'est pas une vue de l'esprit que l'on pourrait ignorer. Il est une conséquence profonde de la manière dont notre Univers est structuré.
Maintenant que nous avons une meilleure idée de ce qu'est l'Univers Bloc, je veux dire cette réalité quadridimensionnelle où le passé, le présent et le futur coexistent, il est temps de voir comment nous, êtres humains, nous inscrivons dans ce grand tableau. C'est ici qu'intervient la notion de Ligne d'Univers. Imaginez que l'Univers Bloc est une gigantesque tapisserie, un tissu continu où chaque point représente un événement unique, une tasse de café posée sur une table à un instant précis, une étoile qui s'allume, une conversation entre amis hier. Votre Ligne d'Univers est simplement la trajectoire de votre existence individuelle à travers cette toile de l'espace-temps. C'est une courbe unique et continue qui relie tous les événements de votre vie, de votre naissance à votre mort et même au-delà.
Pour visualiser cela, pensons en deux étapes, dans l'espace à trois dimensions (longueur, largeur, hauteur), si vous marchez d'un point A à un point B dans une pièce, vous laissez une trace, une ligne dans l'espace, c'est votre trajectoire spatiale. Ajoutons le temps, chaque pas que vous faites prend du temps, chaque instant de votre vie, chaque respiration, chaque pensée, chaque mouvement, se produit à un endroit précis dans l'espace et à un moment précis dans le temps. Votre Ligne d'Univers est la somme de toutes ces coordonnées spatio-temporelles, de tous ces événements successifs. Donc, si l'on pouvait visualiser l'Univers Bloc dans son ensemble, votre Ligne d'Univers ressemblerait à un fil unique, tendu du début à la fin, traversant une partie de l'espace-temps. Chaque point sur ce fil est un événement spécifique de votre vie. Votre premier cri, votre dixième anniversaire, votre lecture de cet article et aussi les événements encore à venir pour vous, ils sont tous des points distincts, mais connectés sur cette même Ligne d'Univers, votre ligne d’Univers. Dans cette perspective, votre vie n'est pas une succession d'instants qui disparaissent. C'est un chemin déjà tracé, une sorte de sillon permanent dans la structure de l'espace-temps. Le présent que nous percevons n'est alors qu'un point de lecture que notre conscience parcourt le long de cette ligne, donnant l'illusion du passage du temps. La Ligne d'Univers n'est donc pas une simple métaphore, c'est une représentation directe de votre existence telle qu'elle est conçue par les théories de la relativité. Cette ligne qui existe déjà en entier, qu'est-ce que cela implique pour notre perception du passé et du futur et pour la nature fondamentale de notre être ? C'est précisément la question vertigineuse que nous allons continuer à explorer.
Si tout est déjà écrit dans le grand bloc, la notion de libre arbitre peut sembler menacée, le sentiment d'être un acteur qui façonne son destin peut être ébranlé, laissant place à une impression de déterminisme. Cette pensée peut être anxiogène pour certains, donnant l'impression que nos choix ne sont que l'exécution d'un script préétabli. Psychologiquement, nous utilisons le concept de passé révolu pour gérer les regrets, les erreurs ou les deuils, l'idée que ces moments existent toujours dans l'Univers Bloc peut rendre plus difficile le processus de faire son deuil du passé, ou de laisser derrière soi les échecs. Si le futur est déjà là, cela peut ôter l'excitation de l'inconnu, mais aussi amplifier l'anxiété face à des événements futurs redoutés, le suspense de la vie disparaît. Cependant, au-delà de ce vertige initial, l'adoption de la perspective de l'Univers Bloc peut paradoxalement mener à une forme de sérénité profonde et à un rapport transformé à l'existence. Si le passé n'est jamais vraiment parti, alors chaque moment de bonheur, chaque expérience précieuse n'est pas perdue à jamais. Elle existe éternellement dans l'espace-temps, cela peut apaiser la nostalgie et transformer les regrets. Si chaque maintenant est éternellement inscrit, alors chaque instant acquiert une valeur et une permanence inestimables. Il n'est pas éphémère, mais un fragment éternel de notre Ligne d'Univers. Cela peut encourager à vivre le présent avec plus de pleine conscience et d'intensité, sachant qu'il est gravé dans le marbre du cosmos. Comme l'a si bien exprimé Einstein, la mort d'un être cher, bien qu'entraînant la fin de la conscience de cet être, ne signifie pas l'anéantissement de son existence passée. Tous les moments vécus avec la personne aimée continuent d'exister dans l'Univers Bloc. C'est une forme de pérennité qui, bien que non conventionnelle, peut offrir un réconfort face à l'idée d'une disparition totale. La ligne d'Univers de l'être aimé est là, complète, pour l'éternité. Pour ceux qui souffrent de la course contre la montre, de la peur de vieillir ou de la finitude, l'Univers Bloc offre une libération, le temps ne s'enfuit pas, il est. Nous ne sommes pas des créatures condamnées à une flèche temporelle unique, mais des entités dont toute l'existence est déjà déployée dans une dimension supérieure. Avec ce changement de Paradigme, l'Univers Bloc nous invite à un véritable changement de vision psychologique. C'est un défi à notre intuition, mais aussi une opportunité de transcender nos angoisses existentielles les plus profondes. Il ne s'agit pas de nier nos émotions humaines face au temps et à la mort, mais d'offrir une perspective où la fin n'est pas une annihilation, mais une partie intégrante d'une entité spatio-temporelle éternellement existante. Accepter cette conception, c'est peut-être trouver une nouvelle forme de paix dans l'idée que nous sommes, en quelque sorte, des œuvres d'art intemporelles gravées dans le tissu de l'Univers.
Pour Einstein, en dépassant le présentisme avec la mort de Besso n'est pas une fin au sens où son existence s'évaporerait. C'est simplement un autre point sur sa Ligne d'Univers qui continue d'exister dans le grand bloc. La distinction entre avant et après le décès devient une illusion spatio-temporelle, pas une annihilation. Einstein offrait-il une forme de consolation rationnelle, basée sur la physique, face à la perte ? Est-ce que cette perspective peut changer notre rapport à la mort et au deuil ?
Pour Einstein, les mots "cela ne signifie rien" avec sa perspective de physicien transcendait le présentisme. La fin de l'existence consciente dans un "ici et maintenant" donné, n'est pas la fin de l'existence de cet "ici et maintenant" dans l'Univers Bloc.
Nous avons établi que l'Univers Bloc et notre Ligne d'Univers sont des conséquences directes de la relativité générale, soit notre existence, du premier au dernier instant, qui est gravée pour l'éternité dans la trame de l'espace-temps. Cela nous confère une forme d'immortalité existentielle, où rien de ce que nous avons vécu n'est jamais vraiment perdu.
Cependant, il est toujours bon de rester pragmatique et de se poser la question élémentaire, celle qui sépare la froide réalité scientifique de l'intuition humaine. Pour la personne lambda, quelle est la portée de cette immortalité si après la mort elle n'a plus accès à sa propre Ligne d'Univers ? N'est-ce pas une forme d'illusion, à l'instar des promesses religieuses, qu'Einstein aurait vendue à la famille de Michele Besso ?
C'est ici que la distinction entre la permanence de l'information et la continuité de la conscience devient essentielle. Dans l'Univers Bloc, l'information qui constitue votre Ligne d'Univers, chaque souvenir, chaque pensée, chaque action, chaque cellule de votre corps à un moment donné existe effectivement de manière permanente. Elle est là, figée dans la quatrième dimension, comme les images d'un film sur un DVD. En ce sens, votre vie en tant que succession d'événements spatio-temporels est éternelle, elle ne disparaît pas.
Le problème, pour l'individu, est l'accès à cette information, notre conscience telle que nous la connaissons est inextricablement liée à l'activité de notre cerveau. Lorsque le cerveau cesse de fonctionner, la conscience s'éteint. Il n'y a aucune preuve scientifique, à l'heure actuelle, que cette conscience puisse parcourir ou accéder à sa propre Ligne d'Univers après la mort biologique, le DVD est sur la position-STOP. Les images de ma Ligne D’Univers sont éternellement sur le support, mais personne ne les regarde, personne ne les expérimente de manière séquentielle.
Ainsi, pour la personne lambda dont la conscience a cessé, cette immortalité de la Ligne d'Univers est de facto, une immortalité sans expérience subjective. La vie est là, c’est une forme d’existence en tant que fait physique, non en tant qu'expérience vécue. En vue de ces arguments, doit-on se poser la question pertinente et provocatrice, Einstein était-il un consolationniste scientifique, ou un marchand de religions, de rêves ?
Il est important de nuancer la démarche d'Einstein, en tant que physicien rigoureux, ne promettait pas une vie après la mort au sens d'une âme consciente qui continuerait d'exister ou d'accéder à un paradis. Sa phrase est une déduction logique des implications de sa propre théorie. Il n'y a aucune preuve qu'il ait voulu induire en erreur ou vendre une illusion d'immortalité consciente. Sa consolation résidait dans l'idée que l'existence de Michele Besso n'était pas effacée du tissu de l'Univers. Pour un esprit scientifique et pour ceux qui sont réceptifs à cette vision, il y a une forme de grandeur et de réconfort à penser que les moments vécus, les êtres aimés, ne sont pas perdus, mais demeurent éternellement inscrits. C’est la pérennité de l'être en tant que phénomène physique, non en tant qu'entité consciente. La différence majeure avec les marchands de religions est qu'Einstein s'appuyait sur la science la plus avancée de son temps, vérifiée par des expériences pour formuler cette perspective. Il ne demandait pas la foi, mais l'acceptation des conséquences de théories validées, la réalité de l'Univers Bloc est une déduction physique, pas un dogme. En fin de compte, l'immortalité de la Ligne d'Univers n'est pas une immortalité au sens où la plupart des gens l'entendent, c'est-à-dire une continuation de la conscience et de l'expérience subjective. C'est une immortalité des données, des événements et de l'information. Cela signifie que pour la personne décédée, il n'y a plus d'accès à cette Ligne d'Univers. La coquille n'est pas vide dans le sens où l'information est toujours là, mais elle est vide de l'expérience vécue par le sujet. Le titre de l’article "Tu es immortel" est juste dans un sens physique, mais la nuance doit être apportée sur ce que cela signifie pour la conscience individuelle. Cela renforce la puissance de l’argumentation, ce n’est pas un conte de fées, mais une réalité complexe et fascinante, même si elle est teintée d'une certaine mélancolie.
La permanence comme incitatif avec l'éternel retour de Nietzsche, soit un prélude à l'Univers Bloc. Dans sa vision, chaque événement, chaque instant, chaque pensée, chaque douleur et chaque joie que nous vivons est voué à se répéter à l'identique une infinité de fois, pour l'éternité. Cette pensée de Nietzsche n'était pas pour lui une description physique, mais une épreuve existentielle, je le cite (dans les grandes lignes) « que se passerait-il si un démon venait te dire que cette vie, tel que tu la vis actuellement, il te faudra la revivre une fois et d'innombrables fois ? . » Nietzsche invitait à considérer cette idée non comme une malédiction, mais comme un test ultime de notre volonté de puissance et de notre capacité à aimer notre destin. Si chaque instant est éternel, ne devrions-nous pas le vivre avec la plus grande intensité et la plus grande affirmation ? L'Univers Bloc, bien que par des voies scientifiques et non métaphysiques, nous confronte à une permanence similaire de l'instant, nous poussant à nous interroger de comment vivre si notre existence est d'une certaine manière, déjà et éternellement inscrite.
Psychologiquement, la prise de conscience que chaque instant de notre vie est non pas éphémère, mais permanent et ineffaçable dans le grand tissu de l'espace-temps, pourrait effectivement avoir des répercussions significatives. Si ma vie est un film déjà tourné et que chaque scène existe pour l'éternité, alors peut-être y a-t-il une motivation pour que ce film soit le meilleur possible. Chaque acte, chaque parole, chaque expérience devient une partie immortelle d'un tout. Cela pourrait encourager à une vie plus maîtrisée, plus éthique, ou plus axée sur la création de moments jugés beaux ou significatifs. La quête de sens pourrait être amplifiée par la conscience de cette permanence. L'idée que les moments de honte ou de regret sont également gravés éternellement pourrait être une puissante motivation pour éviter de tels actes. De même, la conscience que nos actions envers autrui sont également immortalisées pourrait renforcer l'empathie et la bienveillance. L'héritage qu’on laisse derrière soi ne serait pas seulement dans la mémoire des vivants, mais dans la réalité physique de l'Univers.
Adopter la perspective de l'Univers Bloc, c'est adopter une sorte de vue d'ensemble sur sa propre vie. Cela pourrait amener à relativiser les préoccupations triviales et à se concentrer sur ce qui semble avoir une valeur plus durable, sachant que la Ligne d'Univers ne fait pas de distinction entre le bon et le mauvais du point de vue de son existence. Cependant, il est important de nuancer cet impact potentiel, comme nous l'avons abordé, l'immortalité de la Ligne d'Univers ne garantit pas une conscience qui en jouirait ou en souffrirait après la mort. Si ma conscience s'éteint, peu importe la qualité de ma ligne gravée, car je n'en aurai pas l'expérience. Cela pourrait limiter l'incitation pour ceux qui sont motivés par des récompenses ou des punitions post-mortem sachant que cette vision de l'Univers Bloc est très contre-intuitive et philosophique. Pour la plupart des gens, l'ancrage dans le présentisme est si fort qu'il est difficile d'intégrer pleinement cette permanence dans la vie quotidienne et les prises de décision. Les motivations immédiates et les biais psychologiques ordinaires, impulsivité, égoïsme, etc. restent puissants. Avec l’ambiguïté de l'immortalisation, qu'est-ce qui est bon ou mauvais à graver pour l'éternité ? La notion de soigner son image peut être subjective, certains pourraient y voir une incitation à l'héroïsme, d'autres à une image superficielle. Si une personne parvient à véritablement intérioriser le concept de sa Ligne d'Univers comme une entité spatio-temporelle éternelle, il est tout à fait plausible que cela puisse engendrer une forme de nouvelle responsabilité existentielle. Nos actions ne seraient plus seulement des événements éphémères, mais des contributions permanentes au grand tableau de l'Univers. Cela pourrait, pour certains, transformer la manière dont ils perçoivent la vie, leurs choix et leur place dans le cosmos, les incitant à signer leur éternelle Ligne d'Univers avec plus de conscience et d'intention.
Pourra-t-on un jour élaborer un lecteur de Ligne d'Univers, science ou rêve lointain ? L'idée de construire un lecteur de Ligne d'Univers, je veux dire une technologie qui nous permettrait d'accéder aux informations de notre passé ou de notre futur ou de celui d'autres, en les lisant directement depuis l'espace-temps est incroyablement séduisante. Elle découle logiquement de la vision de l'Univers Bloc où tout est déjà là. Mais est-ce une perspective réaliste, même en extrapolant les avancées de la science ? Pour le moment, l'idée d'un tel lecteur reste fermement dans le domaine de la science-fiction, pour plusieurs raisons fondamentales. Lorsque l'on parle de lecteur de Ligne d'Univers, la question de sa faisabilité nous pousse à évaluer son degré de spéculation face à d'autres concepts intrigants comme les multivers ou les machines à remonter le temps. Les multivers, bien que variés, trouvent souvent leurs racines dans des théories physiques établies, comme l'inflation cosmique ou certaines interprétations de la mécanique quantique. Leur spéculation dépend donc de leur type, certains découlent naturellement de nos modèles, d'autres sont plus conceptuels. Pour les machines à remonter le temps vers le passé, elles sont confrontées à des obstacles physiques et logiques majeurs, notamment les paradoxes de causalité (grand-père). Leur existence exigerait des phénomènes comme les trous de ver et des énergies si exotiques qu'elles sont pour l'heure considérées comme très probablement impossibles par la majorité des physiciens.
Quant à la lecture d'une Ligne d'Univers, même si elle découle de l'Univers Bloc solide physiquement, sa réalisation est extrêmement spéculative. Elle nécessiterait non seulement une capacité inimaginable à manipuler l'espace-temps pour en extraire des informations spécifiques, mais surtout une compréhension complète de la conscience et de la manière dont l'expérience subjective est encodée. Pour l'instant, aucun mécanisme théorique sérieux ne nous permet d'envisager une telle prouesse.
En somme, si certains multivers ont des bases physiques solides, les machines à remonter le temps et la lecture de Lignes d'Univers s'aventurent bien plus loin dans le domaine de l'hypothétique. Elles posent des défis qui dépassent non seulement nos capacités technologiques actuelles, mais aussi nos compréhensions fondamentales de l'Univers et de l'esprit. Le plus grand obstacle est que nous ne comprenons pas fondamentalement la nature de la conscience elle-même. Comment l'expérience subjective émerge-t-elle de la matière ? Comment est-elle encodée ? Sans cette compréhension, l'idée de relire une conscience passée, ou même une simple séquence d'événements subjectifs, est un mystère insurmontable. La Ligne d'Univers, tel que décrit par la physique relativiste, correspond à une succession de faits objectifs et mesurables dans l'espace-temps. Par exemple, la position de vos atomes à tel instant, la température de votre corps, l'activation de certains neurones, ce sont des données physiques brutes. Pour la conscience l'énigme est persistante pour un lecteur hypothétique, elle ne disparaît pas pour autant. Ce que nous appelons la conscience n'est pas seulement un ensemble de faits physiques, mais c’est aussi l'expérience subjective de ces faits, la sensation du rouge, la tristesse d'une perte, le goût du café. Les données physiques, les neurones qui s'activent, les signaux électriques ne nous disent pas comment nous faisons l'expérience de ces choses, c'est le fameux fossé explicatif ou le problème difficile de la conscience. Un lecteur de Ligne d'Univers pourrait potentiellement obtenir toutes les données physiques d'un cerveau à un instant T, mais est-ce que cela signifierait qu'il décode l'expérience consciente vécue par ce cerveau ? Rien ne le prouve. La continuité de la conscience, même si par un tour de force inimaginable, on pouvait rejouer les activations neuronales d'un cerveau passé, cela recréerait-il la conscience originelle ou simplement une simulation ? Et surtout, cela n'implique pas que votre conscience continue d'exister ou puisse se réactiver pour parcourir votre Ligne d'Univers. Il s'agirait d'une nouvelle instance consciente, ou d'une simulation, mais pas d'une survie de l'originale. Nos théories physiques actuelles ne contiennent pas de règles de décodage pour transformer des arrangements d'atomes ou de champs en expériences conscientes. C’est comme avoir le grand livre de la Ligne d'Univers avec ses données physiques écrit dans une langue inconnue qui est la conscience. On a le texte, mais on ne sait pas le lire pour en extraire le sens subjectif.
Donc, la conscience reste un problème majeur pour un lecteur de Ligne d'Univers, non pas au sens où les données physiques de la conscience seraient absentes de la Ligne d'Univers, mais parce que l'accès à l'information même si l'information de votre Ligne d'Univers est gravée, elle n'est pas accessible à la manière d’une vidéo sur un DVD ou un disque dur. Cette information est intégrée dans la géométrie même de l'espace-temps. Accéder à un point spécifique de cette information nécessiterait une capacité à manipuler et interroger le tissu de l'espace-temps d'une manière que nous ne maîtrisons absolument pas. On parle ici de technologies qui dépasseraient de très loin nos capacités actuelles à manipuler l'espace et le temps.
En fait les limites de la relativité générale, qui prédit l'Univers Bloc, est une théorie macroscopique. Pour manipuler l'information à l'échelle où la conscience opère soit au niveau quantique des interactions neuronales, il faudrait une théorie de la gravité quantique complète et validée. Actuellement, nous n'avons pas de théorie du tout qui concilie parfaitement la relativité générale avec la mécanique quantique. Sans cela, toute tentative de lecture des lignes d'Univers serait pure spéculation. De plus, un peu comme la machine à remonter le temps, si nous pouvions lire le futur, cela poserait d'énormes paradoxes de causalité. Si je lis ce que je vais faire demain et que j'essaie de faire le contraire, que se passe-t-il ? C’est le même problème que le paradoxe du grand-père. Ces questions sont souvent des impasses logiques dans le cadre de nos théories actuelles. Malgré ces défis colossaux, l'idée d'un lecteur de Ligne d'Univers continue d'être une source d'inspiration pour les scientifiques et les philosophes qui s'interrogent sur la nature du temps, de la conscience et de la réalité. Certains scientifiques et penseurs spéculent sur des scénarios où dans un futur très lointain, si notre compréhension de la conscience et de l'information atteint un niveau inimaginable, on pourrait théoriquement reconstruire des états passés à partir de l'information subsistante dans l'Univers. Mais il s'agirait plus d'une reconstruction à partir de données que d'une lecture directe d'une expérience consciente.
Les avancées de l'IA dans la modélisation et la simulation de mondes complexes pourraient nous donner un aperçu des défis liés à la réalisation d'expériences temporelles, mais cela reste très éloigné d'un accès direct à une Ligne d'Univers réel. Bien que l'Univers Bloc nous offre une vision fascinante de la permanence de notre existence dans le cosmos, la capacité de lire activement une Ligne d'Univers, avec ses expériences conscientes subjectives, reste une aspiration hors de portée de nos connaissances et technologies actuelles et à venir. C'est une extrapolation qui, pour l'instant, relève plus de l'imaginaire que de la science réalisable. Cette perspective permet de maintenir l'équilibre entre la profondeur scientifique et l'honnêteté intellectuelle, en reconnaissant les limites de nos connaissances actuelles.
Alors que la physique nous invite à concevoir un Univers Bloc où toutes les données de notre existence sont gravées pour l'éternité, il est fascinant de voir comment d'autres disciplines ont par des chemins différents, effleuré des concepts de permanence et de connexion universelle. Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung a introduit la notion d'inconscient collectif. Pour Jung, cet inconscient n'est pas personnel, mais une strate psychique partagée par toute l'humanité, une sorte de dépôt universel d'expériences et de mémoires ancestrales. Il se manifeste à travers des archétypes, des motifs, des symboles et des images primordiaux comme le héros, la mère, le sage qui apparaissent de manière récurrente dans les mythes, les rêves, les religions et les cultures du monde entier. Ces archétypes sont pour Jung des artefacts psychiques universels, des structures préexistantes de l'esprit humain qui influencent nos pensées et nos comportements.
On peut y voir une résonance intrigante avec l'Univers Bloc qui suggère que chaque événement physique est éternellement inscrit dans le cosmos, Jung propose que des structures psychiques fondamentales le soient aussi, mais dans une dimension collective et transpersonnelle de l'esprit. L'inconscient collectif ne serait-il pas, en quelque sorte, l’ensemble des lignes d'Univers de la psyché humaine, où les archétypes sont les événements psychiques gravés pour l'éternité, influençant chaque individu à travers les âges ? Cette perspective ouvre une brèche fascinante entre le physique et le psychique, suggérant que notre immortalité pourrait ne pas être seulement celle de nos faits, mais aussi celle de nos schémas psychologiques les plus profonds. Bien avant Carl Gustav Jung, on peut voir également une résonance puissante aussi avec de l'Univers Bloc et le monde des idées de Platon. Si ce dernier suggère que nos existences et événements sont gravés éternellement dans le tissu de l'espace-temps, Platon nous invitait déjà à contempler une autre forme d'éternité, celle des essences et des vérités qui sous-tendent notre réalité. Nos lignes d'Univers ne seraient-elles pas, à l'instar des objets sensibles de Platon, des manifestations particulières de formes et d'idées qui existent dans une permanence encore plus fondamentale ? Cette perspective enrichit notre quête d'immortalité, en suggérant que notre être pourrait aussi se connecter à une dimension éternelle au-delà du simple déroulement linéaire du temps.
En conclusion, l’Univers Bloc avec l’idée d’un lecteur de ligne d’univers peut fasciner, mais en y regardant de plus près, nous sommes déjà les lecteurs de notre propre ligne d’univers, nous constatons tous les jours que nous réalisons déjà ce rôle d’une certaine manière. Notre mémoire nous donne accès à une portion de notre passé et nos anticipations nous projettent vers des futurs possibles. Nous ne connaissons qu’une partie de notre trajectoire, mais nous la lisons en permanence, depuis l’intérieur. Dans une vision bloc de l’univers, le temps ne s’écoule pas, mais c’est la conscience qui se déplace dans une structure fixe. Dès lors, lire une ligne d’univers n’est pas un exploit technologique, c’est une activité quotidienne de notre esprit. Se souvenir, prévoir, décider, ce sont là des formes primitives, mais réelles de lecture cosmique.
Le lecteur attentif percevra probablement un oxymore, d'un côté l'Univers Bloc implique un déterminisme où "tout est déjà écrit", suggérant l'absence de libre arbitre au sens classique. De l'autre, notre injonction à "laisser une ligne la plus vertueuse possible" sous-entend un choix, donc une forme de liberté. Pourtant, cette contradiction n'est qu'apparente. Vos délibérations, vos hésitations, vos décisions , toutes ces composantes de ce que nous appelons le libre arbitre, ne sont pas des événements qui créent le futur. Elles sont, au contraire, des événements déjà pleinement intégrés et nécessaires à votre Ligne d'Univers complète. Pour mieux saisir cela, revenons à l'analogie du film sur DVD. Les personnages du film semblent choisir leurs actions, et ces choix sont essentiels à l'intrigue. Mais pour le spectateur, le film est déjà entièrement sur la bobine. Le "choix" des personnages est une partie intégrante de ce qui est gravé. Votre processus de décision n'est donc pas annulé, il est simplement une composante intrinsèque et ineffaçable de votre Ligne d'Univers déjà existante.
Jorge Luis Borges sur le temps comme une lecture intérieure, je cite « Le temps est un fleuve qui m’emporte, mais je suis le fleuve ; il est un tigre qui me déchire, mais je suis le tigre ; il est un feu qui me consume, mais je suis le feu. »
Auteur Gérard Copin pour la tribune libre Agoravox