vendredi 20 avril 2018 - par Mmarvinbear

Une brève Histoire de France : Avant la Bastille

 Outre la disparition formelle de la Gaule avec l’avènement des Carolingiens dans la redéfinition administrative qui s’ensuit et dans la culture populaire, un autre pas significatif se produit au XIIIè siècle avec l’avènement de Philippe Auguste. Depuis Clovis, le souverain Franc était qualifié de Rex Francorum, le roi des Francs, afin de montrer qu’il régnait non pas sur un territoire, mais un peuple.

Avec Philippe Auguste, le paradigme change. Pas d’un coup car c’est suite à une lente évolution et à une habitude prise de plus en plus de désigner le souverain Français comme étant désormais le Rex Franciae, le Roi de France. Car c’est désormais sur un territoire que le souverain règne.

Mais il ne le dirige pas complètement. Son influence totale, politique, économique, financière et judiciaire n’est complète que sur le Domaine Royal, que les souverains vont s’ingénier à agrandir au fil des décennies face aux grands Barons, Pairs et Ducs qui dirigent le reste du territoire. Ces duchés, comtés, baronnies et seigneuries possèdent leurs propres lois, coutumes, justices. Le rôle du roi se contente de s’assurer du respect des procédures locales. Il joue aussi le rôle d’arbitre dans les conflits judiciaires impliquant deux ou plusieurs seigneurs locaux. La monnaie royale est acceptée sur tout le royaume mais les grands seigneurs et abbayes possèdent toujours le privilège de battre monnaie, le plus souvent issu d’un héritage des ateliers monétaires romains qui ont continué à fonctionner de façon autonome après la fin de l’empire.

La fin des Capétiens directs projette le royaume dans une crise dynastique qui va se doubler d’une crise militaire majeure, elle même conséquence du règne de Philippe le Bel qui le premier va amorcer la centralisation du pays et l’extension du pouvoir royal direct sur toutes les provinces au détriment des seigneurs locaux.

L’éviction de Charles de Lorraine du trône a montré que dès le Xè siècle, les grands du royaume possédaient ce que nous appelons maintenant un sentiment national. Sans pour autant détester, haïr, mépriser les pays voisins, l’idée d’avoir un gouvernement étranger ne sied plus aux grands barons et tout sera fait pour éviter que cela arrive.

Ce sentiment n’est pour l’heure présent que chez les grands du royaume et certains lettrés, et parmi eux, une grande majorité de moines et de religieux tout simplement parce qu’ils sont le plus au fait de la marche du monde et des liens qui existent entre les différents niveaux et les relations entre les Etats. Le peuple, lui, ne se sent pas Français. La langue française d’ailleurs n’existe pas encore. Le royaume est constellé de langues locales qui se rattachent en deux groupes majeurs : les langues d’Oïl au nord, les langues d’ Oc au sud, avec entre les deux une frontière ou les groupes se mêlent un peu mais ces langues sont assez différentes : un amiénois, mis en présence d’un toulousain, ne le comprendra que difficilement et un nantais aura du mal à comprendre un lyonnais dont la ville vient de quitter le Saint Empire pour s’intégrer au Royaume.

 

Il faut attendre l'édit de Villers-Côteret pour que le français devienne langue administrative du royaume en place du latin et des langues locales.

 

Cela ne pose pas vraiment de problème pour la marche du pays : dans leur immense majorité, les gens ne voyagent pas et il n’est pas absurde de dire que pour plus de 90 % des habitants du pays, l’horizon qu’ils voient est une ligne au delà de laquelle ils n’iront jamais. Seuls voyagent les commerçants ambulants ou leurs représentants, les pèlerins, les soldats parmi le peuple. Les trajets sont d’ailleurs longs et difficiles : pour relier Paris à Toulouse il faut près de trois semaines et il est plus simple et plus prudent de voyager en suivant les fleuves et les rivières. Pour les gens du communs, la nationalité n’a pas de sens encore : ils se définissent avant tout par leur province d’origine plutôt que par la Couronne dont ils dépendent. Le tisserand limougeaud ne dira pas qu’il est français, mais poitevin et le gens d’armes de Clermont sera auvergnat avant toute chose.

Les paysans sont dans leur grande majorité des serfs qui n’ont d’ailleurs pas le droit de quitter leurs terres, sauf autorisation expresse de leur seigneur. Les affaires courantes, judiciaires, financières et économiques sont facilement traitées par l’usage collectif du latin, qui sert de langue commune au royaume mais seuls les lettrés sont capables d’échanger ainsi d’une province à une autre.

Dans ce contexte, ce qui lie les provinces les unes aux autres plus surement que la suzeraineté commune du roi, ce sont déjà les liens économiques qu’elles entretiennent et c’est ce qui permet d’expliquer la longue présence anglaise en Guyenne et en Flandres, terres pourtant françaises : ces deux régions dépendent énormément de l’économie insulaire pour prospérer. Les draperies flamandes sont réputées car tissées avec soin à partir des laines de moutons anglais, seuls capables de fournir un haut niveau de qualité ; aussi bien que relevant de la couronne française, Gand, Ypres et Bruges ont une politique plus tournée vers Londres que vers Paris. C’est la même chose pour la Guyenne.

Le vieux duché d’ Aquitaine pouvait être intégré facilement au domaine royal après la mort de son duc Guillaume X : son seul fils meurt à l’âge de 4 ans alors qu’Aliénor arrive à l’âge adulte et devient son héritière légitime, ce qui rend le domaine rattachable par mariage. Louis VI négocie son mariage avec son fils, le futur Louis VII. Le couple a deux filles mais l’entente est loin d’être cordiale. La reine semble avoir un esprit trop libre et trop indépendant pour les moeurs de la cour parisienne et elle est régulièrement accusée d’infidélité, sans preuve sérieuse. Louis se lasse de sa femme et de son caractère et obtient, contre l’avis de ses ministres, l’annulation du mariage pour cause de cousinage trop proche. Redevenue célibataire, Aliénor choisi d’épouser l’ héritier du roi d’Angleterre, apportant ainsi la Guyenne en dot au souverain anglais.

 

 La province va donc naturellement orienter ses flux économiques vers Londres et non plus vers Paris, ce qui bénéficie à Bordeaux qui développe son port et à l’arrière pays car Aliénor introduit en Angleterre le vin aquitain dont les anglais vont vite raffoler. Quand la guerre de Cent ans va faire rage, Bordeaux va donc naturellement soutenir le parti anglais et la candidature d’Edouard III au trône de France, tout comme la ville avait soutenu les forces anglaises quand Philippe le Bel a essayé de reprendre la ville. Faute de soutiens internes à la ville, le roi avait renoncé.

Pour lui, cela n’avait été qu’une péripétie, un échec caché parmi d’autres succès. Philippe le Bel s’est illustré dans son entreprise de centraliser et d’uniformiser le pouvoir royal en France, usant des lois et des coutumes avec dextérité pour s’assurer de l’obéissance de ses vassaux, quitte à les déposséder ensuite pour intégrer leurs terres au Domaine Royal si les lois rendaient la chose possible. Le roi va cependant voir sa tâche se complexifier au fil du temps : les grands du royaume ont parfaitement compris sa stratégie et le danger qu’il en découle pour eux, aussi vont-ils contester le plus possible les décisions du roi en attaquant ses ministres et en profitant des déboires de Philippe dans une Flandre révoltée. Cela n’empêchera pas le roi d’affermir son emprise mais la multiplication des officiers royaux, baillis et sénéchaux en tête, que l’on peut comparer aux préfets actuels, entraine un déficit du trésor toujours plus grand.

Philippe trouve un temps une échappatoire en manipulant la monnaie, usant de dévaluations et de rognages toujours plus assumés. Mais bientôt, même la saisie des biens des Templiers, puis des Lombards et des Juifs expulsés du royaume ne peuvent couvrir des dettes toujours croissantes.

Cet accroissement du pouvoir royal allait de pair avec un affaiblissement automatique du pouvoir de ses vassaux. Sa politique ne pouvait pas lui survivre car ses successeurs directs vont mourir dans un temps rapproché, ce qui redonne de fait du pouvoir aux vassaux et quand Philippe de Valois monte sur le trône et semble vouloir vivre, les grands usent de sa légitimité bancale pour tenter de regagner de l’autorité directe en affaiblissant le pouvoir royal par des jeux d’alliances ayant pour cadre la succession à la Couronne. 

Philippe n’a guère le choix car il tient sa Couronne d’eux après tout : ce sont les grands qui ont avalisé l’usage d’ un article de droit privé successoral tiré hors de son contexte pour définir les règles de successions des rois de France, domaine normalement régi par le Droit public. La loi dite salique écarte ainsi définitivement les femmes de la succession, complétant les coutumes antérieures qui écartaient aussi les souverains étrangers comme Edouard III.

En outre, le pays entier fait face à des troubles alimentaires graves : les progrès en terme de productivité agricole ne suivent pas la hausse de la population et pire, le climat clément qui a baigné l’ Europe de l’ Ouest ces trois derniers siècles se termine et un Petit Age Glaciaire s’amorce, qui trouvera son apogée au milieu du XVIIè siècle : les famines réapparaissent et la population fragilisée ne peut pas supporter le choc de la Grande Peste : on estime qu’ entre un quart et un tiers de la population du pays va mourir de Peste Noire. Ajoutez à cela la débâcle à Crécy contre les archers anglais et il est compréhensible de voir le peuple presque applaudir la mort de Philippe VI. Son fils, Jean II, ne va pourtant guère faire mieux à Azincourt et son manque de compétence politique va faire de lui le premier et seul roi de France à mourir prisonnier de guerre, sur le sol anglais de surcroît.

Le conflit de 122 ans qui va opposer la France à l’Angleterre est la conséquence de facteurs multiples dont la succession au trône n’est qu’un élément. Edouard III a compris que s’il revendique la couronne usant de son lignage féminin, celle-ci devrait alors être dévolue en premier à Jeanne de Navarre, fille de Louis X. Sur ces bases, il renonce en premier lieu et accepte Philippe VI sur le trône. Mais ce dernier soutient les rebelles écossais dans le cadre de la Auld Alliance traditionnelle et Edouard ne peut pas accepter d’avoir des rivaux sur deux fronts. La question flamande envenime la situation qui dégénère à coup de rétorsions mutuelles qui finissent par franchir le point de non-retour : Edouard refuse de prêter l’Hommage annuel à Philippe qui confisque donc la Guyenne. En rétorsion, Edouard revendique à nouveau le trône après avoir obtenu du parlement anglais un prêt pour deux années de guerre. Grâce à de bons stratèges, l’utilisation des archers anglais et comptant aussi sur l’impétuosité des chevaliers français qui chargent d’abord et réfléchissent ensuite, l’armée anglaise conquiert de larges portions du territoire, infligeant à Crécy et à Azincourt deux terribles défaites qui ont au moins le mérite d’éliminer les têtes brûlées des rangs de l’armée française.

Les souverains anglais vont poursuivre leur oeuvre de conquête, usant toutefois plus de diplomatie que d’épées pour nouer des alliances plus vastes, mais aussi plus fragiles car moins anciennes que les alliances françaises : il ne faut pas voir la guerre de Cent ans comme un conflit ouvert sur un siècle, mais comme une succession de crises intervenant la plupart du temps à la mort d’un souverain, ce qui ravive les disputes successorales. Entre les crises, le pays panse ses plaies en attendant le mouvement suivant.

Le futur Charles V comprendra ainsi qu’il ne regagnera pas les provinces perdues par le fer, mais par le coeur. Quand les anglais multiplient les chevauchées dévastatrices pour affirmer leur puissance, les français commencent à faire jouer du chant patriotique, offrant privilèges et protections aux cités et places fortes qui acceptent de remettre en cause la suzeraineté anglaise. 

La rivalité entre souverains anglais et français se complique quand Charles le Mauvais, le fils de Jeanne de Navarre, entre dans le jeu de la succession avec l’appui de la Bourgogne dont la famille était apparentée à la mère de Charles. Son charisme lui apporte des soutiens majeurs et crédibles en tant que petit-fils de Louis X. Mais son caractère et son impétuosité finissent pas lui jouer des tours et par lui aliéner ses soutiens, surtout que le futur Charles V, alors juste dauphin pendant que son père Jean, prisonnier à Londres, a accepté de signer un traité livrant presque tout le pays aux anglais le sachant inapplicable, tire profit de son expérience pour renverser la situation quand le Mauvais perd le soutient des parisiens suite à une trahison de trop.

Un traité applicable cette fois est signé et livre le tiers du pays à l’influence anglaise. Edouard III aurait espéré plus mais ses ressources limitées lui ont fait comprendre que son armée ne pourra jamais contrôler le pays et que de fait la couronne française lui est inaccessible. Devenu roi, Charles V profite de la trêve pour renforcer son image auprès du peuple en éliminant une à une les bandes de pillards issues des régiments dissous alors qu’ Edouard III n’a plus les moyens de renforcer son armée et de protéger efficacement les territoires qu’il est censé contrôler et protéger. Cela pèsera lourd à l’avenir. Charles use en outre de diplomatie pour faire entrer les pays voisins dans le conflit, usant lentement l’effort de guerre anglais. Cela force l’usage des chevauchées qui affaiblissent encore plus l’image des anglais sur leurs territoires et les forcent lentement au repli, ne laissant que quelques ports maritimes sous le contrôle anglais direct.

Charles V parvient ainsi à la fin de son règne à rétablir une situation presque perdue. En plus, il peut se permettre de suspendre le paiement de la rançon de feu son père sans que Londres n’ait la possibilité économique de répliquer : le pays connait alors une guerre civile. Il va en garder toutefois les premiers impôts modernes qui vont alimenter le trésor sans subir les vagues des alliances internes mouvantes.

Le règne de son fils Charles VI aurait pu entériner la fin du conflit de façon prématurée. Hélas, le roi sombre dans la folie et une régence devient inévitable. Les grands du royaume y voient une nouvelle occasion de reprendre du terrain perdu sous Philippe le Bel et ils ne vont pas s’en priver : le conseil est partagé entre Armagnacs et Bourguignons et le pays sombre lentement dans la guerre civile, ce dont va profiter le nouveau roi anglais Henri V qui a un grand besoin de consolider le trône : il est un Lancastre dont la lignée vient de détrôner les Plantagênets et unir les barons anglais contre un ennemi commun est la meilleure façon d’arriver à ses fins.

Instruit par l’exemple à ne pas suivre d’ Edouard III, il renonce aux chevauchées et use plus de diplomatie, usant du conflit en cours en France pour facilité le ralliement des provinces anciennement sous le contrôle anglais, comme la Normandie, l’Anjou, le Maine et la Guyenne. Il use aussi d’expédients peu recommandables, faisant signer par un Charles VI privé de raison un traité qui déshérite son fils ainé sous prétexte des homicides commandités ( à raison…) par ce dernier, faisant de son héritier le futur Henri VI le prochain roi de France à la mort de Charles VI. Henri possède le puissant appui des ducs de Bourgogne à qui il promet par des mariages successifs la possibilité de voir un des leurs porter la Couronne à l’avenir. Les Ducs se sont ralliés à l’anglais car ils pensent gagner de toute façon : soit la famille de Bourgogne ceint la Couronne via les Navarre, soit la désintégration du royaume donnera au duché la possibilité de devenir un Etat indépendant. A la fin du conflit Charles le Téméraire sera à peu de choses de réaliser le rêve bourguignon mais sa mort devant Nancy mettra fin à la partie. Il joue aussi sur les liens familiaux communs par le biais de la famille de Navarre pour refouler les Armagnacs et les soutiens du dauphin Charles au sud de la Loire.

Charles a alors une double chance : son père meurt et il dénonce facilement le traité qui le prive de la Couronne car cette dernière est indisponible. Cela signifie que le roi ne possède pas la Couronne mais que cette dernière possède le roi. Aucun traité ne peut donc perturber la succession française. De plus, Henri V meurt alors que son fils est un enfant : les troubles inhérents aux régences ne manquent pas de se produire, ce qui lui donne du temps de préparer l’avenir : se souvenant de Crécy, il confie l’armée à des connétables expérimentés qui se font obéir des chevaliers français et se dote aussi d’archers, venus pour la plupart d’Ecosse.

Ensuite, comme il en arrive une fois par millénaire, une figure charismatique venue de nulle part se signale et se distingue dans son entourage : Jeanne d’ Arc entame sa légende. Contrairement à l’imagerie populaire, elle n’est pas à la tête de l’armée royale mais elle se distingue par sa personnalité et son haut sens stratégique. Orléans n’est qu’ une escarmouche d’arrière garde bien exploitée par la propagande. C’est à Patay qu’elle conseille le roi de façon efficace en faisant éliminer en premier lieu les archers anglais cachés dans la campagne. Privée de sa force de frappe, l’armée anglaise est massacrée et la route de Reims ouverte rapidement : le Sacre de Charles VII montre au peuple sa légitimité divine et lui donne les armes diplomatiques pour négocier avec le duc de Bourgogne un renversement d’alliance. Jeanne ne verra pas la fin de la guerre. Charles VII l’éloigne sous le prétexte de lutter contre des pillards, mais surtout pour faciliter les négociations entamées. Capturée, elle est envoyée en Normandie, hors de portée d’un secours possible de Charles et se voit accusée de sorcellerie pour affaiblir la légitimité de Charles VII.

Son exécution ne permet pas de renverser le cours du conflit. Considérant toutefois la condamnation de Jeanne comme une menace potentielle, Charles VII fait conduire une révision de son procès qui l’innocente aux yeux de l’Eglise, affermissant sa légitimité de la même façon.

 

Gilles de Rais a été maréchal et compagnon d'armes de Jeanne. Mais il est entré dans l'histoire comme étant un des premiers serial-killers connu, ayant pour ses expériences alchimiques et ses plaisirs pervers tué plus de 140 enfants.

 

La mort de Jeanne est vécue à l’époque comme un accélérateur de la diffusion du sentiment national au sein du peuple : les anglais sont considérés comme des occupants et ils perdent toute possibilité militaire de maintien car le rapport de force est trop favorable à la France. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque l’ Angleterre est trois fois moins peuplée que la France et que ses ressources financières sont limitées et sous le contrôle efficace du Parlement. Le roi anglais ne peut pas puiser comme il l’entends dans les caisses.

Egalement, les armées françaises anéantissent la supériorité anglaise en archerie en développant l’artillerie : les premiers canons et mortiers font leur apparition et Castillon marque la dernière bataille majeure ou les anglais sont rejetés de Guyenne. Seule la ville de Calais demeure anglaise et le roi de France estime qu’elle ne vaut pas la poudre pour la reprendre.

Du coté anglais, la possibilité de poursuite du conflit ne se pose pas : Henri VI devient fou comme avant Charles VI en France et la maison d’ York chasse les Lancastre du trône. La guerre des Deux Roses s’enclenche alors et distrait les anglais de toute opération sur le continent.

Ce changement de dynastie a aussi pour effet d’amoindrir encore plus les prétentions légales des rois anglais sur le trône de France, ce qui n’empêchera pas les Tudor, puis les Stuart de continuer à intégrer dans leur titulature complète un titre de roi de France complètement irréaliste qui sera présent jusqu’en 1802.

Ce conflit inédit dans l’histoire européenne par sa durée a durablement marque les esprits : le développement de l’imprimerie permet la diffusion des figures héroïques comme la Pucelle qui vont servir à forger le sentiment national dès cette époque et à l’avenir en permettant de graver dans la mémoire populaire les grandes figures du passé. Le conflit a été long mais il a apporté aussi des changements majeurs : la France va développer sa force marine et l’Angleterre, qui a perdu son lien avec la Flandre, commence son industrialisation avec la généralisation du tissage, une activité dévolue à l’étranger auparavant. La Flandre se tourne vers l’Espagne pour sa laine et prépare son intégration à l’empire des Habsbourg.

Victime de l’insécurité routière, la Champagne périclite définitivement et Paris prend la place de Reims et Troyes comme haut lieu du commerce international. Cela développe aussi de nouvelles techniques bancaires avec la généralisation des lettres de changes, ce qui dispense les commerçants de devoir protéger des fortunes en numéraire sur eux lors de leurs voyages. Cela implique le développement du secteur bancaire et les commerçants commencent à s’organiser en compagnies et en filiales, donnant naissance à l’embryon du système commercial moderne.

Le roi de France est ainsi plus tranquille. Normandie, Bourgogne, Aquitaine et Champagne sont désormais sous sa coupe directe. Le Domaine Royal a atteint sa taille critique, préparant lentement la marche vers l’absolutisme. Le roi doit toutefois encore composer avec ses fratries et ses propres cousins qui tirent leurs puissances des apanages, des terres détachées du Domaine de façon temporaire afin de faire vivre leur lignée.

 

Les flagellants parcouraient les contrées pour demander à Dieu d'épargner les villes visitées de la Peste. En fait, ils aidaient sans le faire exprès à diffuser le bacille auprès de nouvelles populations.

 

La guerre et la Peste ont pris leurs écots mais en éliminant un tiers de la population, ces calamités ont permis au pays de connaître un nouvel essor démographique, économique et social : les terres devenues sans propriétaires abondent et la redistribution des propriétés permet aux survivants d’avoir des surfaces plus étendues qu’avant, ce qui limite les risques de famines. La perte sévère en bras a rendu nécessaire la fin du servage en permettant aux paysans de racheter leur liberté d’installation, ce qui de fait met un terme à ce quasi-esclavage. Il faudra attendre 1776 pour que le servage soit aboli en Droit mais dès le XVè siècle, la paysannerie jouit en grande majorité d’une liberté nouvelle et relative : les services dûs aux seigneurs existent toujours par exemple.

Une fois signé le traité de Picquigny qui met un terme définitif à la guerre de Cent ans, le roi Louis XI continue à moderniser son administration. Dauphin rétif, l’Universelle Aragne a montré dès le départ son caractère et sa compétence en terme de gestion d’un Etat en dotant le Dauphiné d’institutions et de lois qui inspireront le Royaume entier par la suite. Il a aussi montré sa capacité à interpréter en sa faveur les traités internationaux, en mettant la main sur le Roussillon alors que l’ Aragon ne lui avait diplomatiquement accordé qu’une part des impôts de la région.

Il manoeuvre également avec succès pour briser l’alliance anglo-bourguignonne qui menaçait le royaume d’une reprise des combats et quand Charles le Téméraire meurt, il s’arrange avec l’ Empereur pour marier son dauphin de fils avec la fille de ce dernier qui doit lui apporter la Franche-Comté en dot.

 

Charles a tout fait pour réunir les territoires bourguignons du nord et du sud, y compris s'attaquer directement à la Lorraine. Nancy sera le tombeau de ses ambitions.

 

Mais l’union ne se fera pas et son successeur, Charles VIII, restitue Roussillon, Franche-Comté et Artois à leurs anciens suzerains quelque peu spoliés afin de se garantir un réseau d’alliances pour son grand projet.

L’extension vers l’Est des frontières du royaume s’est amorcée dès le Xè siècle mais de façon lente et hasardeuse. Blanche de Castille avait ainsi marié son Louis IX de fils avec Marguerite de Provence avec l’espoir que son père la dote de la Provence afin de l’annexer au royaume, mais l’empereur décide de garder la province au sein de ses Etats et la donne en héritage à une autre de ses filles.

Cette expansion territoriale répond à un impératif : non pas rejoindre de prétendues « frontières naturelles », mais s’assurer le contrôle de la vallée du Rhône, une des plus importantes voies de communication et de commerce de l’époque, mais aussi son prolongement vers la Saône, puis la Meuse et enfin le Rhin : les canaux entre ces bassins n’existent pas mais les bateaux ont de très faibles tirants d’eau et peuvent naviguer sur des petites rivières avant de transborder leurs marchandises sur des chariots sur quelques kilomètres avant de rejoindre d’autres bateaux qui poursuivront le voyage.

Pour cela, les rois ont fait jouer entre autre la réputation du pays : par la qualité de son système judiciaire, le royaume est souvent choisi comme arbitre lors de disputes internationales et la notoriété fait le reste. C’est ainsi que Lyon, ville impériale depuis le partage de Verdun, devient française quand sous pression des bourgeois de la ville, désireux de bénéficier de la législation française de façon pérenne, l’archevêque signe le traité cédant la ville au royaume. Cette annexion rejoint celle du Dauphiné, vendu par son dernier souverain à la mort de son dernier héritier potentiel en échange de la promesse de voir le fils aîné du roi en devenir le souverain traditionnel.

La Provence, elle, tombe dans l’orbite Française quand Louis XI en hérite à la mort de son dernier Comte, Charles III, mort sans enfants.

Il ne reste plus qu’à sécuriser le comté de Bourgogne, terre impériale à cette époque pour mettre la main sur la quasi-totalité du bassin du Rhone. Louis XI négocie la terre en dot pour son fils mais Charles VIII renonce à l’union et, bien plus honnête que son père, restitue le territoire au Saint Empire.

Pour le fils de l’Aragne, le Doubs et le Jura ne sont pas importants. Par héritage, la maison capétienne avait récupéré, à l’extinction de la maison d’ Anjou, une branche cadette mineure, les possessions et les droits sur divers royaumes dont ceux de Naples et de Jérusalem. Louis XI s’était désintéressé de la perte effective de Naples par ses lointains cousins, chassés par la maison d’ Aragon mais son fils y voit une occasion non seulement d’agrandir sans peine le royaume, mais aussi d’initier une série d’alliances intégrant le Pape afin d’organiser la première Croisade près de trois siècles après la fin de la dernière expédition vers la Terre Sainte. C’est la raison pour laquelle Charles VIII embarque, sans le savoir, le royaume dans une série de guerres dans la péninsule Italienne alors morcelée en une douzaine d’Etats qui vont s’étirer sur 70 ans.

Philippe le Bel avait compris que l’Italie était un piège mortel pour ses armées et il s’était tenu éloigné de la Botte avec prudence après une première expérience très instructive. Son lointain successeur n’a pas cette sagesse et si Naples est prise facilement, l’arrivée d’un roi Français au sud de l’Italie déclenche une série d’alliances qui réunit toute la péninsule ou presque, mais contre Charles VIII qui ne peut pas sécuriser la conquête et doit rentrer en France la queue quelque peu entre les jambes.

Dès lors, piqué au vif, Charles VIII va tenter vainement de reprendre pied en Italie avec des alliances différentes à chaque fois mais toutes les expéditions sont des échecs complets. Quand il meurt, c’est sans fils capable de lui succéder et c’est un lointain cousin, Louis XII, qui hérite du trône et de l’obsession napolitaine.

Il faut dire aussi que le nouveau monarque a, par sa mère, hérité des droits sur le duché de Milan, ce qui attise les convoitises et fait oublier bien des prudences. L’autre grand avantage d’une guerre menée sur un territoire adjacent, c’est que cela ne nuit pas à ses propres terres et cela permet d’occuper les nobles oisifs et les soldats tentés sinon par la vie de bandit de grand chemin.

Mais les conséquences profondes des guerres italiennes sont ailleurs : la haute noblesse est mise en contact avec l’Italie de la Renaissance, ce qui va permettre de diffuser dans le royaume toute une série de nouveaux concepts, de nouvelles acquisitions architecturales et picturales. Les oeuvres littéraires italiennes sont traduites et diffusées dans le royaume et de nouveaux courants d’esprit imprègnent les milieux savants. Les nations italiennes se sont enrichies des savants et des nobles exilés par la chute de Constantinople, ce qui va accélérer le rythme des découvertes scientifiques. L’annonce de la découverte d’un nouveau continent quand il est clair que Colomb n’a pas rejoint les Indes par l’ouest constitue le point d’orgue de la frénésie exploratoire.

Malheureusement pour la France, les derniers Valois ne vont pas donner la priorité à l’ Amérique ou l’Espagne et le Portugal commencent à se tailler des empires malgré les raids des corsaires anglais qui s’accaparent une partie de l’or et de l’argent du Pérou pour renflouer les caisses d’Albion. L’Italie est une obsession complète pour François Ier qui y englouti des fortunes, tout comme pour son obsession pour le trône Impérial ou il estime avoir sa chance. Les 7 princes électeurs chargés de trouver un successeur à Maximilien désignent en fin de compte et sans surprise Charles d’Espagne qui, sous le nom de Charles Quint, réalise un exploit diplomatique en entourant complètement le royaume de France, ce que François Ier espérait éviter.

Maigre consolation : le double mariage d’ Anne de Bretagne avec Charles VIII puis, une fois veuve, avec son successeur Louis XII, donne à François Ier le titre de duc de Bretagne, ce qui rattache la péninsule de façon définitive à la France.

 

 

Ce petit prolongement d’Europe dans l’Atlantique aura donné bien des soucis au royaume avant son rattachement.

Ses habitants, les Bretons, ont pour particularité de ne pas en être issus. Les celtes puis les gallo-romains ont habité ces terres austères avant que les Bretons ne viennent s’y installer, chassés par la migration des Angles et des Saxons. Ils y ont constitué de petites principautés progressivement unies sous un roi ou un duc unique selon les périodes. Conscient de leur valeur militaire et de la pauvreté de leurs terres, Charlemagne et ses descendants ont toujours gardé un oeil vague sur la région, se satisfaisant d’une suzeraineté même théorique parfois, et n’ intervenant que lorsque les soldats bretons s’enfonçaient trop près de Rennes et de Nantes pour y piller les terres intérieures plus riches.

La situation changea lors de la guerre de Cent Ans. Officiellement, la Bretagne était neutre mais dans les faits, les anglais pouvaient faire relâche sans problèmes dans les ports bretons. Afin de sécuriser le front ouest, Charles VIII décide une bonne fois pour toute de priver les anglais de tout abri au cas ou la guerre reprendrait. Les négociations sont ardues et le Parlement de Bretagne obtient que si le mari d’Anne venait à mourir en premier, les droits du duché seraient rendus à Anne et non pas à un fils éventuel. Charles VIII accepte en obtenant en contrepartie que dans ce cas, la duchesse ne pourrait qu’épouser son successeur s’il n’était pas de son sang. C’est ce qui arrive car le couple n’a pas d’enfants qui vivent plus de trois ans et la couronne de France échoit à un lointain cousin de Charles. Anne doit l’épouser et leur fils François Ier est reconnu par le Parlement de Rennes comme Duc de Bretagne. Afin de se garantir une certaine tranquillité, François accorde aux bretons des privilèges légaux et fiscaux qui perdureront jusqu’en 1789.

Son successeur immédiat, Henri II, se détourne progressivement de l’ Italie et finit par signer le traité de Cateau-Cambraisis par lequel il renonce aux droits héréditaires sur Naples et Milan afin de se fermer définitivement les portes de la péninsule. L’Espagne en est la grande gagnante mais Henri II n’a pas de regrets : sans alliés, il a compris que l’Italie est impossible à garder. Les caisses du royaume sont vides et la crise économique qui frappe l’ Europe empêche ses banquiers anversois de lui souscrire les prêts habituels pour payer les frais exorbitants d’une armée en campagne.

Surtout, il estime faire une meilleure affaire en garantissant à la France les 3 Evêchés conquis des années plus tôt sur le Saint Empire et qui entrouvrent les portes de la Lorraine et de l’ Alsace, indispensables pour rejoindre un jour le Rhin. La reprise de Calais est la cerise sur le gateau qui permet en fin de compte de sauver la face. Mais contrairement à la légende, les calaisiens ne sont pas libérés de 150 ans de domination anglaise : les habitants de la ville sont expulsés vers l’Angleterre car tous étaient anglais !

Henri II sait cependant que la fin des guerres italiennes n’est que le prélude à autre chose : depuis une trentaine d’années, une hérésie est née dans l’Empire et s’est rapidement diffusée, gagnant de nombreux esprits de nombreux milieux. Défenseur d’un Catholicisme intransigeant, Henri II ne peut pas accepter la liberté de religion et de laisser le Protestantisme se diffuser dans le royaume. Il sait d’ailleurs aussi que la liberté religieuse ne saurait amener ensuite que la contestation politique, et donc de son pouvoir de roi. La lutte contre les adeptes de Luther devient sa priorité absolue, ainsi que de ses enfants après sa mort subite lors d’un tournoi. Cela engendre une série de guerres religieuses qui vont ensanglanter le pays, déchirer la noblesse, provoquer un exode et mettre un terme à la dynastie des Valois qui, comme les capétiens directs, vont voir trois frères se succéder sur le trône avant de devoir passer la main à la branche cadette des Bourbons.

Les guerres de Religion affectent gravement le pays en coupant la noblesse en deux, les réformés exigeant la liberté de culte et les catholiques ayant le bûcher facile. Parce que inviolable, les opposants au roi concentrent comme de coutume leurs attaques sur les ministres et les conseillers sous le prétexte de « protéger le roi des mauvais conseils ». La reine Catherine de Médicis, qui a survécu enfant aux intrigues italiennes bien plus retorses, est de fait un des chefs du parti catholique, mais elle pressent qu’une victoire définitive sur la Réforme serait désastreuse en fin de compte, aussi elle se montre plus diplomate et plus tolérante face aux catholiques ultras comme les Guise. Elle conseille ses jeunes fils en espérant mettre fin aux cycles des violences et des ripostes qui font des centaines de victimes dans les deux camps.

Catherine a donné 4 fils à son défunt époux mais elle les sait tous de santé fragile : François II meurt après 18 mois de règne seulement et Charles IX a 10 ans quand il devient roi.

Elle n’était pas destinée à régner car elle a épousé Henri, le fils cadet de François Ier. Mais son aîné François meurt de façon prématurée et Henri accède au trône sans réelle préparation au règne. Elle, en revanche, a été mêlée aux intrigues florentines dans son enfance et elle en a acquis une grande expertise politique, aussi sait-elle naviguer entre les eaux malgré les trahisons de chaque camp. En gros, sa politique consiste à ce qu’aucun camp ne puisse avoir un ascendant définitif sur l’autre afin de pousser à la concorde.

Elle croit parvenir à ses fins en permettant le mariage de sa fille Marguerite avec Henri de Navarre, un des principaux chefs protestants. Mais l’attentat sur Coligny brise l’équilibre et Catherine accepte de devoir sacrifier les chefs protestants venus à Paris pour le mariage, à l’exclusion des princes du sang comme le futur Henri IV. Malheureusement, la situation est envenimée par les prêches de fanatiques catholiques qui poussent le peuple à massacrer des jours durant tout Protestant identifié ou supposé. La reine sait qu’elle a définitivement perdu la confiance du parti Protestant et elle adopte une politique plus dure.

Charles IX meurt adolescent et Henri III monte sur le trône. Sa position est fragile car il n’a pas d’enfant et la rumeur publique fait porter à croire qu’il n’en aura jamais. Aucune liaison masculine n’est certaine mais les monarques bisexuels ne manquant pas dans l’ Histoire, cela reste donc du domaine du possible. Mais l’union avec sa femme Louise de Lorraine restera stérile et son dernier frère cadet François d’Alençon fait figure de prince héritier. La tuberculose l’emporte alors, tout comme François II auparavant.

 

 Cadet de famille, Henri n'était pas destiné à règner. Il se porte candidat à la couronne vacante de Pologne et est choisi par la Diète. Il quitte Varsovie discrètement un an après son arrivée à la mort de Charles IX.

 

Cette mort plonge alors le parti catholique dans la consternation : si Henri III n’a pas de fils, l’héritier en ligne droite est Henri de Navarre, un des chefs du parti Protestant, ce qui hérisse au plus au point les catholiques ultras qui ne veulent pas d’un protestant sur le trône, allant jusqu’à violer en toute connaissance de cause les règles de successions en lice et de proclamer le Prince de Guise, lointain cousin du roi, comme seul héritier légitime à leurs yeux.

Henri de Navarre a régulièrement navigué entre catholicisme et Réforme. Il est déjà roi de Navarre et a donc l ‘expérience de la politique. Quand Henri III est assassiné par un moine exalté, il accepte de redevenir catholique pour ceindre la Couronne, ce qui le coupe de certains de ses alliés protestants.

Adepte d’une politique de tolérance mais soucieux aussi de voir la paix religieuse s’établir, il négocie la fin du conflit qui voit les réformés se voir garantir des droits dans une proportion bien inférieure à ce qu’ils espéraient. Mais les problèmes d’argent des deux cotés ne permettent pas la reprise des combats et une paix de plus en plus solide s’installe avec l’Edit de Nantes.

Le premier Bourbon n’a cependant pas le loisir de prolonger sa politique car il meurt assassiné à son tour par un catholique ultra.

La mise au tombeau d’ Henri III a également été celle des Valois, qui cèdent la Couronne aux Bourbons. Une fois une paix précaire établie, la politique royale va consister à réparer les dommages et donner à la France de nouveaux horizons. C’est l’époque des grandes expéditions vers l’Amérique du Nord ou s’établissent les premiers comptoirs français du Canada, mais aussi en Afrique occidentale ou se développe la traite négrière rendue nécessaire par la disparition des améridiens d’Amérique latine, victimes des guerres de conquêtes et surtout des épidémies contre les maladies contre lesquelles ils n’avaient aucune défense naturelle.

Mais comparée à la colonisation espagnole ou anglaise, les forts français n’ont jamais eu la capacité de se développer de façon large : en France, les colons ne se voyaient offrir qu’une simple transplantation sur un nouveau continent mais avec l’ordre social ancien préservé, ce qui n’a pas encouragé au volontariat.

Les anglais en revanche ont établi des colonies et les ont peuplées en vidant leurs prisons et en envoyant leurs malfrats sur ces terres vierges sans espoir de retour afin qu’ils établissent de nouvelles sociétés. Oubliez les pèlerins du Mayflower. Les colonies qui deviendront à l’avenir les Etats-Unis ont été fondées en grande majorité par des gibiers de potence, des commerçants et des prostituées qui ont eu le choix entre la corde ou l’exil.

Sur le continent, la politique française consiste à endiguer, affaiblir et si possible briser l’étreinte des Habsbourg qui encerclent le pays. Repousser les frontières trop proches de Paris est la première priorité et cela passe par la reprise de l’ Artois et d’une partie des Flandres. Louis XIII va faire attention aussi aux frontières du sud sur les conseils de Richelieu et de Mazarin en nouant les bonnes alliances lors des guerres de succession européennes. La Savoie (de façon provisoire) et le Roussillon sont à leur tour rattachés, un petit oubli diplomatique créant l’enclave de Llivia qui est toujours espagnole à ce jour.

Mais la grande oeuvre sociale des premiers Bourbons est la mise au pas définitive des Grands du Royaume. La quasi-totalité du territoire fait désormais partie du Domaine royal mais les grandes familles féodales ont gardé de l’influence et du pouvoir. Les guerres de religions ont amoindri la puissance royale qui est sous la menace des partis ultra-catholiques qui n’hésitent pas à s’en prendre au roi, pour son bien-être bien évidemment. 

Pour cela, ils prennent appuis sur les parlements, qui contestent de plus en plus les décisions royales. Le jeune Louis XIV vit la désagréable expérience de la Fronde alors qu’il n’est qu’un enfant. Il en gardera la certitude que la noblesse doit être mise au pas et que les parlements doivent voir leur influence législative réduite. Cela va passer par une Etiquette de plus en plus stricte et la multiplication des honneurs dévolus à ses proches de la cour. Afin de remplir les caisses du royaume vidées par l’achat de la fidélité des nobles, les emplois législatifs et judiciaires sont de plus en plus vendus à bon prix, sans pré-requis de compétence. Louis XIV s’attache la fidélité des porteurs de ces charges en les rendant héréditaires, à condition bien entendu de montrer une fidélité infaillible.

Et cela marche. Le roi réuni la fine fleur de la noblesse autour de lui dans le nouveau chateau de Versailles qui illustre sa puissance militaire et politique. Dans leur immense majorité, les nobles terminent avec une laisse dorée autour du cou, ce qui tranquillise le roi et met fin aux troubles politiques internes, au prix cependant d’une sclérose de l’administration et de la société toujours plus prononcée.

 

Derrière chaque grand roi, se cache un grand Premier Ministre. Louis XIV ne fait pas exception.

 

Louis XIV a été le monarque qui a régné le plus longtemps sur le pays, et il l’a marqué d’une empreinte politique, sociale, mais aussi économique et culturelle telle que le prestige français luit sur toute l’Europe.

Bien formé et bien éduqué, Louis XIV sait aussi s’entourer et écouter. Il continue la politique étrangère contre les Habsbourg et parvient à briser l’encerclement en mettant sur le trône d’ Espagne son fils cadet Philippe dont la lignée règne toujours sur Madrid avec Felipe VI.

Les artistes et les architectes s’inspirent volontiers toujours des apports italiens mais apportent leur propre personnalité pour donner naissance à l’époque classique française. Bon nombre des premières pièces de Molière sont ainsi issues du théâtre populaire italien et Versailles s’inspire en partie des palais de la Renaissance italienne.

Seul défaut du roi : sa propension à faire la guerre. Il aime cela, trop de son propre avis mais il dote le pays d’une frontière plus sûre en ajoutant l’ Alsace et en permettant à la France de border enfin le Rhin. Certaines conquêtes, comme les Pays-Bas, ne sont que provisoires mais il écoute Vauban et simplifie les frontières en comblant de nombreuses enclaves, laissant quelques exclaves en échange sur la frontière du nord-est et dans les Alpes.

Cette politique est poursuivie par ses successeurs qui mettent un terme à la fragmentation territoriale avec le rattachement de la Lorraine. Il ne manque plus qu’ Avignon, propriété papale, la Savoie, Nice et la Corse pour parachever l’ Hexagone.

En revanche, Louis XIV et ses successeurs ne vont pas parvenir à éviter les conséquences inattendues de la mise au pas de la noblesse : la société se sclérose car pour s’assurer de la fidélité de la noblesse, cette dernière s’est retrouvée aux postes administratifs, judiciaires et militaires les plus importants sans soucis de compétence et surtout en excluant de fait toute possibilité de brassage social : si la condition paysanne ne s’est guère améliorée depuis la fin effective du servage, la bourgeoisie et les citadins ont accru de façon considérable leurs richesses et leurs capacités à participer à la gestion de l’Etat.

Cela engendre de nombreuses frustrations sociales et politiques, ainsi que des situations aberrantes ou l’on voit des maréchaux atteindre ce grade par droit de naissance alors que de hauts stratèges ne peuvent même pas accéder aux écoles d’officiers faute d’avoir un arbre généalogique assez fourni en particules. 

 

Violemment combattue par les jésuites, la première encyclopédie française met 20 ans à paraître et inaugure la diffusion en masse du savoir et des connaissances.

 

Lentement, la situation interne au pays va ainsi se détériorer sous le règne de Louis XV qui ruine lentement le crédit de la monarchie par des décisions politiques jugées contraires à l’intérêt de la France. L’avènement de Louis XVI porte un souffle d’espoir car le personnage est très populaire. Mais il est mauvais politique et ne prend pas conscience rapidement du niveau de frustration intense qui ronge une grande partie de la bourgeoise qui est bien consciente que de larges pans de la noblesse ne valent plus rien alors qu’ils continuent par tradition à tout avoir. 

La diffusion de plus en plus profonde des connaissances par les dictionnaires et les encyclopédies, les écrits de penseurs, l’exemple américain d’émergence d’un nouveau type de nation sans roi et régie par une constitution qui fait du Peuple et non d’un monarque la pierre angulaire de la Nation finissent de faire de la cour de France un bal qui s’amuse sur un volcan.

L’allumette qui met le feu aux poudres est selon certain une nouvelle période de famine, renforcée par les difficultés économiques d’un budget de l’Etat en déficit constant.

Le déséquilibre budgétaire est d’autant plus injuste que pour beaucoup, il serait résolu si le système fiscal et économique était réformé en profondeur mais les maladresses de Louis XV et la passivité de Louis XVI ont rendu les parlements rétifs à toute réforme et la noblesse et la haut-clergé complètement opposés à la fin de leurs privilèges.

Face à une équation budgétaire insoluble, Louis XVI est contraint de réunir les Etats Généraux, une assemblée représentative qui n’a pas été convoquée depuis des siècles afin de doter le pays d’un nouveau système fiscal plus efficace que l’ancien. Le roi a bon espoir de voir la situation s’améliorer car les travaux avancent bien mais son intransigence à ne pas voir la réforme étendue à l’administration, l’armée et le corps ministériel et politique provoque l’embrasement incarnée le 14 Juillet 1789 par la prise de la Bastille et le début de sa destruction.

Les participants de cette journée en conçoivent de grands espoirs, mais ils n’imaginent pas à quel point la nation millénaire va basculer et changer du tout au tout.



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