lundi 1er juin 2009 - par Orélien Péréol

« We are la France » ou le sens est toujours possible

We are la France est un spectacle théâtral qui débat de nos représentations sociétales. Sommes-nous vraiment dans ce danger de ne ressentir la vie que dans et par la consommation ? N’avons-nous pas notre invention dans ces modes de vies qui ont l’air si commandés par le capitalisme international, la mondialisation ? Peut-on nous l’enlever ? Les congés payés nous paraissent des acquis sociaux fondamentalement « humanisants », des acquis de hautes luttes admirables et indispensables. Utiliser les congés payés pour faire du cyclotourisme en monomaniaque… comme le faisait le père d’un des narrateurs, pourrait aisément paraître comme le comble de l’aliénation. Au lieu de se plaindre du complot international qui pèse sur nous et nous rendrait l’air irrespirable, au lieu de vouloir résister bravement, nous pourrions voir tout le positif et l’inaliénable de notre humanité et la prendre et s’en servir pour développer nos vues, nos pratiques, nos modes, nos inventions, faire advenir notre vision du monde par la création, la positivité…

We are la France se présente comme une sorte de conférence avec des moments (quelque chose comme des actes, mais plus courts et sans entractes).
Ce spectacle démarre par une simulation de dialogue entre une mère et un directeur d’école. On ne sait pas bien qui il est, on entend bien qu’il représente la « maîtresse ». La mère demande pourquoi le redoublement de Jordan est nécessaire au développement industriel. En gros, la soumission des entreprises aux intérêts des actionnaires impliquent un abaissement du niveau de la communication. Il est nécessaire que les enfants soient tous en retard, en difficultés pour abaisser le niveau de l’intelligence et réduire les capacités de l’analyse des « gens ». Ce discours est débité à une vitesse maximale. La mère et les mères en général acceptent mal. Comme d’habitude, les enfants sont des garçons et n’ont que des mères pour parent. Détail.
Ensuite, les comédiens viennent à la face nous dire que tout va mal, nous allons mal, surtout nous les Français. Les Français ont peur de tout. Les Françaises sont les femmes les plus minces d’Europe et sont celles qui ont le plus tendance à se trouver trop grosse. Ce n’est pas dans le spectacle, ça vient de sortir, ça pourrait y être.
Puis tout change de sens de nouveau. Et là se dit ce qui ne se dit jamais. Il ne faut pas s’affoler, les puissants du monde n’ont pas la puissance de détruire l’humanité et l’humanité garde toujours la capacité de détourner ces formes qui de prime abord ont l’air abêtissante, avilissante… croire en leur pouvoir destructeur nous range du côté des puissants qui se sentent sûrs de nous posséder avec ces techniques nouvelles, attractives, séduisantes. Croire que cette attraction est celle de « trous noirs » qui nous font détruire nous-mêmes ces caractéristiques essentielles de l’humanité et nous réduisent à l’état de nullité absolue est ce ranger du côté de ces puissants. Chaque individu a son histoire et invente un usage, un rêve personnel dans l’usage de ces machines. A défaut de penser cela, que nous reste-t-il à faire ? A conspuer les méchants et à réduire notre réponse à cette demande sociale et économique… réduire, c’est peut-être déjà quelque chose mais tout n’est pas quantitatif. Le 11 juillet 2004, Patrick Le Lay, de TF1, déclara qu’il pensait vendre du temps de cerveau humain disponible à Coca-Cola. Ce fantasme de toute-puissance est odieux. Mais il n’a aucune chance de s’accomplir. Conspuer ce propos de Le Lay et conspuer Le Lay parce qu’il méprise les gens est partager ce mépris pour les gens… L’humain ne se rend pas disponible avec les programmes de TF1, aussi rusés soient-ils pour agir en ce sens. Que font les gens ? Que font-ils quand ils regardent la télé, comment associent-ils ce qu’ils voient à ce qu’ils vivent ou ont vécu, à ce qu’ils ont vu ou lu ?… on en sait rien. Supposer que ce qu’on leur donne à voir entre en eux et les constituent sans hiatus est cauchemarder inutilement.
On a un moment émouvant où le comédien nous parle de son père qui aimait tant le vélo et « lit » un texte de Jean de la Ciotat sur le sujet. On comprend que Jean de la Ciotat n’est autre que l’auteur Jean-Charles Massera…
Au dernier moment, si j’ose dire, les comédiens passent dans l’écran plasma et, habillés comme des sauveurs du monde avec une cape et des accessoires un peu ridicules façon superman et superwoman vont après des « recherches » visuelles de conquérants sur les collines faire leur course dans un grand distributeur Super Lettre…
Une forme théâtrale minimale, portée par le talent des comédiens. Ils s’adressent au public. Il n’y a pas de scène. Il n’y a pas de lumières, pas de noir. Il y a même des fenêtres par lesquelles on peut voir que la vie coule toujours dehors. Les comédiens sont dans un rapport qui peut faire penser au théâtre de rue. Ils voient les yeux des membres de leur public. Ils leur parlent. La leçon est belle, elle parvient au public avec aisance. Le texte défile à une vitesse record, dans une diction claire et impeccable.
Un discours fondamental, utile, à rebrousse poil du moralisme ambiant qui est le seul discours reconnu comme étant de gauche, alors que sa capacité de dérangement et de transformation est proche de zéro. Un discours de gauche à contre-pied et qui passe, peut-être parce qu’il fait sa place aux discours qui bâtissent la figure de l’autre comme ennemi insupportable, aux motivations ignobles… et qui expriment une indignation « tripale », verbale, contre-offensante souvent, et inopérante toujours. Alors qu’il y aurait tant à faire pour jeter les bases d’un autre monde… et aller vers… un spectacle qui nous y aide.


1 réactions


  • Bois-Guisbert 1er juin 2009 10:31

     Les Français ont peur de tout.

    Les Français n’ont peur de rien. Simplement, ils ne veulent pas savoir, Ils regardent ailleurs (Drucker, Petitrenaud, Mireille Dumas) pour ne pas voir que leur pays s’est délité, que c’est d’ores et déjà, et chaque jour un peu plus, un ingérable foutoir multiethnique.

    Alors qu’il y aurait tant à faire pour jeter les bases d’un autre monde…

    Celui des Bisounours, si je comprends bien. C’est ça, j’ai juste ?


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