Assemblée Générale
Les incontournables.
C’est la grande réunion annuelle d’une association, le noyau dur de la vie collective dans notre pays. Depuis la loi de 1901, un maillage considérable irrigue la France d’une multitude d’activités fédérées grâce à cette structure si souple. Oublions les associations paravents, celles qui permettent à quelques margoulins de profiter de l’aubaine d’un statut confortable pour dissimuler des gains au fisc. Ceux-là sont une tache dans un océan de bénévoles sincères et honnêtes. Les évoquer plus avant serait leur faire bien trop d’honneur.
Dans la grande majorité des cas, une association c’est une structure qui vit grâce au dévouement de quelques-uns, les membres élus d’un bureau directeur qui se demandent encore comment trouver une échappatoire pour se sortir de ce piège. Ils y consacrent tant de temps, en réunions vaines, en paperasses insensées, en rencontres institutionnelles, en demandes de subvention souvent dont si peu aboutissent vraiment.
Il en faut une belle dose de foi ou de naïveté pour se donner tant de mal. Les risques sont immenses, le président est responsable de tout ou presque dans une société qui ne cesse d’ouvrir le parapluie et de chercher la petite bête à tout propos. La judiciarisation de tous nos faits et gestes rend impossible les activités, on s’oriente sans y prendre garde vers un monde de la peur et de la précaution absolue.
Le président sait tout cela. Il compte bien sur son A.G. pour rendre son tablier, se délester de cette charge qui lui pèse tant. Il espère qu’un membre se lèvera pour prendre sa suite comme lui avait su répondre autrefois à l’appel du devoir. Mais plus les années passent et plus les bénévoles et les membres blanchissent sur le harnais. Le relais vient à manquer, le renouvellement tarde à se faire. L'esprit associatif ferait-il une pause générationnelle ?
Le président en est certain. Il est bon pour un nouveau mandat. Il l’annonce, espère une réaction salutaire, une main qui se lève pour se glisser à sa place. Hélas, les têtes se tournent, le silence se fait. Personne ne pense reprendre un flambeau qui finira par s’éteindre faute de renouveau. Alors, de guerre lasse, notre bon président en reprend pour une année en ce disant que c’est la dernière.
Dans les travées, on le félicite, on l’applaudit, on l’encourage pour tenir le cap, ne pas renoncer à ce qu’il fait si bien. Quand les marrons auront été tirés du feu, les petites critiques fuseront de-ci de-là, en catimini. Il y a toujours des griefs, un manque de délégation, une communication qui ne passe jamais assez, quelques petits abus de pouvoir, des décisions qui auraient manqué de concertation. C’est toujours si facile de savonner une planche sur laquelle on ne veut pas monter.
Le président n’est pas dupe. Il sait tout ça mais a-t-il le choix ? S’il veut que l’association perdure, il doit s’y coller une fois encore et plier l’échine sous les inévitables railleries de couloir. D’année en année pourtant sa conviction s'érode, sa patience s’amenuise, son engagement s'essouffle. Le pouvoir ça use quand il n’est qu’illusion et tracas. Nous sommes bien loin de la foire aux vanités de nos chers politiques. Les associations c’est un autre monde, une onde d’emmerdements et de soucis sans paillettes ni privilèges.
Le président retrouve ses grognards : secrétaire, trésorier et leurs adjoints. Ils ont compris qu’ils en reprennent pour un tour, une nouvelle année de complicité certes mais dans la lassitude de ce qui revient immuablement, sans surprise, sans renouveau. Les mêmes sorties, les mêmes manifestations, les mêmes obligations et cette mairie qui reste sourde et indifférente, les subventions qui ne sont plus que peau de chagrin, les membres qui ne rajeunissent pas, le calendrier qui devient fou !
Le président pourtant est un homme heureux. Pour remercier tous ceux qui sont venus, il a fait venir un drôle de duo pour animer le repas de clôture. Leur spectacle ne ressemble à aucun autre, les membres sont heureux, sa femme lui glisse à l’oreille que c’est la meilleure animation qu’il ait fait venir. D’autres viennent ajouter à la remarque, c’est un concert de louanges et c’est lui qui en tire bénéfice.
Le sourire de la soirée redonne du courage à tous, un petit rien qui change tout et permet de repartir du bon pied. Quelques chansons et des histoires, le tour est joué et la belle équipe va repartir du bon pied. Les duettistes s’en vont sur la pointe des pieds, ils ont réussi leur coup.
Matelotement leur