samedi 18 mai - par C’est Nabum

C’est la faute à Albert

Tout, tout est relatif !

Je cours après le temps ; je ne parviens jamais à le rattraper. Il me file entre les doigts d'autant plus facilement que ceux-ci ne cessent de tapoter sur ce maudit clavier qui me prend tant de mes précieux moments. Le temps se contracte, ma vie se dilate et la folie gagne celui qui ne maîtrise plus le moindre instant.

Au début, il y a bien longtemps, le temps prenait son temps. Il faisait la pluie et les belles journées, allait au rythme des saisons et du soleil, se souciait parfois de la lune pour d'obscures raisons. Le temps avait tout son temps et les hommes allaient à leur rythme. Puis il a fallu que les maîtres du temps règlent la chronologie sur des considérations qui échappaient à notre entendement. Le temps entrait dans leurs desseins.

Qui commande au temps commande aux hommes. La chose n'est pas nouvelle et les religions n'ont eu de cesse qu'elles n'aient plié le calendrier à leurs désirs hégémoniques. Le rituel, la répétition de la chronologie sacrée étaient les plus sûrs moyens de prendre du bon temps pour ceux qui dictaient leur foi et leurs dates à tous les autres.

Le temps c'est sacré et il fallait bien que les lieux de culte imposent leurs clochers à tous les mécréants qui passaient leur temps à bayer aux corneilles ou bien à regarder tourner le soleil. Si le salut est au ciel, il ne l'est certainement pas dans le rythme naturel des saisons et des jours. Le temps n'est plus à la rêverie ni à la contemplation.

Le temps a fini par nous être compté, mesuré, pesé. Le temps c'est de l'argent, surtout pour les autres qui nous facturent le temps passé à des prix astronomiques. Nous qui vivons de l'air du temps, nous ne pouvons que déplorer cette inflation considérable, ce temps qui s'écoule vers d'autres poches que les nôtres.

Puis tout a basculé avec Albert qui a affirmé que le temps n'était pas uniforme, qu'il pouvait se rétracter, se vivre autrement. La relativité, une théorie si complexe que je ne vais pas perdre mon temps à essayer de la comprendre, moi qui ne suis pas une lumière. Ce que je sais pourtant, c'est que le temps qui, depuis longtemps s'était fait un nom, se découvrait un pronom et de nombreux antécédents.

Nous basculions dans la physique quantique ; fini le latin de cuisine, le temps était désormais aux savants et aux sérieux. Le temps nous échappait, il devenait astronomique. Les aiguilles ne tricotaient plus les minutes et les heures, le cadran perdait de son attrait et les chiffres lumineux rendaient fastidieuse la lecture de l'heure.

Nos vies sont ainsi passées sous les fourches caudines de la rigueur des horaires SNCF ; curieusement, dans le même temps, cette noble entreprise a perdu, quant à elle, sa légendaire régularité. Notre temps n'est plus à une contradiction près. Maintenant, la précision, si elle n'est plus horlogère, s'inscrit sur les téléphones portables qui ont relégué montres et pendules dans les oubliettes du temps jadis.

Le temps va de l'avant. Il ne prend même plus le temps de regarder en arrière, de réfléchir ou de simplement prendre du bon temps. Il faut toujours aller plus vite, se dépêcher, courir, voler, dévorer le temps et l'espace. Nous sommes des ogres, nous nous dévorons la vie en oubliant de jouir du moment présent.

Le temps est venu de renoncer à ce temps contraint. Qu'Albert cesse de nous dicter sa loi ! je le préférais tirant la langue et se moquant de lui-même. Il est grand temps de revenir à un temps tranquille, un temps qui goûte l'instant. Retrouvons le pas débonnaire de l'humain qui va son train de sénateur. Le temps de l'instantané devra passer de mode sinon il nous emportera dans sa folie destructrice.

 

Tableaux de Jacek Yerka

 



19 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 18 mai 13:10

    Albert le contractuel qui croyait que sa vie était belle.

    En tout cas les illustrations sont magnifiques ....


  • zygzornifle zygzornifle 18 mai 13:12

    Dieu a dit : « que la lumière soit ! » et Macron répondit « on dit s’il vous plaît »


  • christophe nicolas christophe nicolas 18 mai 13:49

    Connaissez vous le théorème de Noether qui interdit le mouvement perpétuel avec un potentiel conservatif (gravité) dont Albert Einstein aurait dit : 

    Démontré en 1915 et publié en 1918 par la mathématicienne Emmy Noether à Göttingen, ce théorème fut qualifié par Albert Einstein de « monument de la pensée mathématique » dans une lettre envoyée à David Hilbert en vue de soutenir la carrière de la mathématicienne

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Noether_(physique)

    Pourtant Johann Bessler dit Orffyreux aurait fait une roue à mouvement perpétuelle contredisant ce théorème en 1712 :

    https://www.besslerwheel.com/timeline.html

    https://www.youtube.com/watch?v=2JvwBPPcR8k

    Cette dernière resta secrète à cause de l’indélicatesse des disciples de Newton qui fondèrent la franc-maçonnerie, ceci expliquant cela, leur devise étant « soit c’est à moi, soit ça n’existe pas ». La théorie de Newton ayant été absorbée par celle d’Einstein, la franc-maçonnerie est donc devenue cachère ce que confirme Stéphane Blet :

    https://crowdbunker.com/v/kD4YmpUBNx

    Comme on dit au bristrot, s’ils pouvaient se couper le bout de la langue comme le bout de la queue, ça nous ferait des vacances, mais je divague, revenons à nos moutons...

    Cette roue de Bessler a été estimée d’une puissance entre 0,5 et 1 kW, disons 0,75 kW. Bessler utilisait sans doute des boulets de canon comme masse pour faire tourner sa roue de 3 mètres de diamètre ce qui corrobore la puissance de traction mise en oeuvre lors de démonstrations.

    Une telle roue produit donc l’énergie suivante à l’année :

    0,75 x 24 x 365 =6570 kW.h

    Savez vous quelle énergie produit un panneau solaire de 1 m² en une année ?

    Il produit autour de 270 kW.h ce qui fait une puissance lissée de l’ordre de 31 Watts.

    Il faut dont 25 m² de panneau solaire de 2012 pour faire une roue de Bessler de 1712.

    Étonnant n’est-ce pas ? Que vous inspire le progrès à part que les femmes et la science sont incompatibles parce que celles ci se laissent trop facilement tenter par les serpents... :)


  • ZenZoe ZenZoe 18 mai 14:25

    J’aime bien l’auteur, il écrit son truc sans embêter personne, c’est fignolé et bien torché. Cerise sur le gâteau, il choisit toujours des illustrations remarquables. Aujourd’hui par exemple ! Je ne connaissais pas ce Jacek Yerka. Fabuleux ! Et, deuxième cerise sur le gâteau, il se contente de les montrer, il n’essaie pas de les décortiquer, comme sa consoeur Rosemar, qui est à la critique d’art ce que je suis au commentaire sportif.


  • mosel 18 mai 18:05

    Carpe diem.


  • juluch juluch 19 mai 18:13

    En effet...toujours plus vite, toujours plus loin....on en est pas sage pour autant.

    Il y a pas si longtemps, c’est la cloche de l’église qui donnait le temps et on s’en contenté....mais ça c’était avant....

    merci Nabum.


  • sylviadandrieux 19 mai 23:19

    Tricotez-vous des boucles du temps


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