samedi 27 septembre 2014 - par C’est Nabum

De la futilité en général

C'est tendance ! 

L'esprit du temps.

Dieu que j'envie ces gens qui avancent dans la vie en voguant joyeusement à la surface des choses ! Tout pour eux est plaisir et légèreté, bonheur sur commande et joies à dates fixes. Ils vont, libérés du fardeau de la conscience, débarrassés des états d'âme, soulagés de la misère des autres. Ils se laissent porter par toutes les injonctions de ce temps, toutes les prescriptions qu'on leur suggère, pour vivre pleinement cette merveilleuse société des loisirs.

Ils sont futiles et si heureux de l'être. Petites girouettes de la tendance, ils frémissent au moindre signe des médias ou des publicitaires. Se précipitent pour voir le film en vogue : la grande production à gros spectacle qui distrait et ne fait pas réfléchir. Se pressent dans tous les lieux où il faut se montrer. Courent pour entendre la vedette du moment : celle qui n'a rien à dire et tant à exposer.

Ils sont émerveillés devant le spectacle de leurs semblables, ces célébrités de la vacuité qui rient de tout et s'esclaffent à la plus insignifiante pitrerie sur des plateaux télé qui deviennent le fond de l'abîme. Ils passent leurs soirées devant des séries insipides, des héros si éloignés de nos vies quotidiennes, que le risque est nul de se reconnaître. Ils passent ainsi leur existence à ne plus ouvrir les yeux sur ceux qui les environnent, dans la rue, dans leur entourage, dans leur ville ….

Ce sont les rois de la technologie galopante. Ils ont le dernier téléphone : l'ultime version avec la meilleure liaison internet. Ils recherchent le beau, le cher, le clinquant, l'indispensable inutile, l'incontournable gadget. Ils n'existent que par ce qu'ils possèdent ; ils ne sont que ce qu'ils achètent et qu'un matraquage éhonté leur a glissé dans les yeux.

Ils sont heureux et c'est bien là l'essentiel. Ils traversent les crises, les soubresauts de la planète, les guerres et les drames sans un regard, sans une pensée. La légèreté est leur credo, leur ligne de vie, leur seule idéologie. Ils ne votent plus, ils ne lisent pas, ils ne pensent pas, ils s'agitent, consommateurs zélés, moteurs obéissants d'un système qui aliène l'individu.

Ils repoussent d'un revers de la main de telles remarques. Ce sont eux qui sont dans le vrai. Épanouis, sans soucis ni états d'âme, sans préoccupations pour le lendemain ou pour une humanité dont ils ignorent tout. Quand ils voyagent, ils se retrouvent dans des îlots artificiels de luxe et de douceur, restent dans leur hôtel tout confort pour profiter du soleil et vivre ce qu'ils imaginent être le paradis : alcool à volonté, musique à gogo, piscine et autres délices pour le corps, serviteurs zélés et silencieux …

Ils se retrouvent en joyeuses bandes bruyantes, font du tapage, ne respectent pas la nature qu'ils jonchent de canettes de bulles raides et autres cartons d'emballage alimentaire. Ils aiment la nuit, la peuplent de musique tonitruante pour importuner les imbéciles qui veulent dormir. Ils se lèveront bien au-delà de midi : dans leur vie si heureuse, les matins ont été abolis .

Ils sont l'avant-garde des robots lobotomisés que souhaite ce magnifique système économique. Ils ont tout oublié de la culture humaniste que des professeurs incompétents et saoulants ont voulu leur imposer. Ils sont, par contre, incollables sur le monde des paillettes, les étoiles filantes de la scène et de l'écran.

Ils parsèment leurs conversations d'anglicismes à tous propos, en toutes occasions. C'est la marque de leur appartenance au monde qui va à sa perte. Leurs phrases sont brèves, leur lexique francophone de plus en plus restreint. Ils ont renoncé à la syntaxe, à l'emploi des conjonctions de subordination, du subjonctif et des temps du passé. Ils sont ancrés dans l'immédiateté.

S'ils écrivent, ce ne sont que de pauvres messages courts, creux, vides d'information. Leur communication est limitée à si peu d'éléments, que c'est tout un art de la répéter ainsi, à longueur de journées, dans des milliers de messages, copies les uns des autres. Sous les yeux émerveillés des chantres de la vacuité, ils inventent un nouveau langage. C'est du morse sans grammaire, des sémaphores sans lumière, de la cacophonie sans bruit.

Mais ils sont le monde de demain. C'est une telle évidence, que bien des adultes les singent en tous points, ont adopté tous leurs codes, tous leurs comportements. Le tatouage et le piercing, la tenue et l'allure, la démarche et le langage, les goûts et les pratiques. Cela doit d'ailleurs être exaspérant pour ces jeunes branchés de se voir ainsi imités par les vieux et, qui sait, un jour, ils retourneront leur veste pour ne plus faire comme ces pauvres perroquets.

La futilité est une épreuve ; elle ne laisse pas indemne. Elle vous ruine et vous épuise, vous vide l'esprit et le porte-monnaie, vous entraîne dans une ronde effrénée sans contenu ni valeur. La futilité n'est que la surface des choses : l'écran d'une existence sans relief, sans profondeur, sans mémoire. Cela ne peut être un état permanent : le risque est trop grand de devenir un androïde virtuel.

Futilement leur.



7 réactions


  • Jean Keim Jean Keim 27 septembre 2014 09:37

    Je pense que le débeurdinoir de Saint Menoux serait impuissant. 

    Existe-t-il quelque part un débeurdidéconnectoir, ou peut être qu’il suffirait simplement d’enlever les piles ?

  • C'est Nabum C’est Nabum 27 septembre 2014 10:03

    Jean


    Je me débranche alors ?

  • Jean Keim Jean Keim 27 septembre 2014 10:41

    Mais non ! Pas vous Nabum mais la faune des allumés numériquement branchés. 


  • C'est Nabum C’est Nabum 27 septembre 2014 11:31

    Jean Keim


    Pour ceux-là, il n’y a pas de salut !

  • Goulven 27 septembre 2014 17:11

    Cette futilité de la part de cette génération qu’est la mienne face aux enjeux de notre temps, que vous décrivez dans cette article, n’est à mon sens qu’un symptôme d’un mal bien plus grand : l’inconscience.

    A tous les niveaux, ces enfants, qu’ils aient légalement 15 ou 40 ans, sont pleinement inconscients et apathiques. Manipulés par l’ego & la peur, réfugiés dans de futiles préoccupations matérielles et en manque cruel d’amour véritable, ces humains déshumanisés « vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu » (Tenzin Gyatso). Malgré cela, en eux brille toujours faiblement cette flamme intérieure qui ne demande qu’à être ravivée. C’est cette flamme qui, quand elle se rallume, donne un sens à chacune de ces vies. La conscience revient, ouvrant une porte débouchant sur un long chemin, celui de l’existence véritable et de l’expérimentation. 
    Ainsi risque de s’accentuer dans l’avenir la fracture déjà existante entre les porteurs de cette conscience profonde, désireux de cheminer, et les êtres encore inconscients, sujets de votre article, qui s’isolent dans ce qu’ils connaissent le mieux : le monde virtuel.
    Respectueusement vôtre. 

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