jeudi 18 février 2021 - par C’est Nabum

Épicène de ménage

Claude et Dominique

Il s'appelait Claude, elle se prénommait Dominique, à moins que ce ne soit l’inverse. Comment s’y retrouver quand on découvre au coin des vieilles archives l’histoire de ces deux-là, unis pour le meilleur et pour le pire quand tous deux portent des prénoms épicènes ? Le temps nous permet cependant d’être certain d’une chose, ce couple d’alors ne pouvait jouer que la carte du genre pour respecter celle du tendre. Le doute n’est pas permis, l’un était masculin quand l’autre était féminine, il n’y a pas à tergiverser. Depuis, l’incertitude régnera pour les chercheurs du futur.

Ils eurent quatre enfants, comme cela se faisait en cette époque lointaine. À leur tour, ils se jouèrent de la confusion, mêlant volontairement les pistes pour les générations futures. Alix, Camille, Maxime et Valéry par ordre d’entrée en scène et dans ce monde qui n’aime guère ce qui est indéterminé. Là encore nous savons que la parité fit son œuvre à la grande loterie de la naissance. Deux filles et deux garçons sans qu’il soit possible de certifier qui est quoi.

La chose n’a sans doute guère d’importance, beaucoup d’eau ayant coulé sous les ponts, ils ont tous depuis longtemps emprunté le bateau du passeur pour rejoindre l’autre rive. Mais un biographe aimant la précision et les accords parfaits se serait lancé dans une longue investigation pour déterminer qui était fille et qui était garçon. Le recours au test génétique ne pouvant matériellement se réaliser, nous n’avons droit qu’aux conjectures, celles qui ont la vie dure et la précision floue.

Il convient de reprendre tout au point de départ pour tenter de tirer les choses au clair, formule qui porte en elle une dimension machiste fort peu adaptée à notre démarche. Nous pourrions alors user de la symbolique et chercher le facteur X dans les quelques éléments évoquant leurs parcours respectifs.

Une fois encore nous allons faire chou blanc et les archivistes nous enverront sur les roses pour perpétuer le trouble. Seule la cigogne eut pu nous donner la clef du mystère mais elle préféra prendre celle des chants après avoir rempli sa mission. Le mieux est donc l’ennemi du bien quand on voit le mâle partout car voyez-vous, le tirage au sort épargna cette fratrie et nul gamin n’alla sous les drapeaux pour revendiquer un sexe qui se prétend fort au point de prendre les armes.

Claude à moins que ce ne fut Dominique nous laissa un écrit du cœur dans lequel il évoquait ses rejetons. Malheureusement, l’âge aidant, il ou bien elle, perdait les oies comme il est coutume de dire dans leur pays. Elle, à moins que ce ne fut il, cita les gamins tous à la file, sans prendre la peine de leur accoler un marqueur pronominal. Pire même, regroupant souvent les héritiers dans le même sac ou faisant parfois des paquets réduits, l’accord au pluriel ne donna aucune preuve tangible d’autant plus qu’en ce temps, le masculin avait la primauté.

Les règles anciennes et les prénoms épicènes firent le reste. Une poule y aurait perdu ses petits et un coq aurait fait semblant de s’en préoccuper. Dans la réponse, Dominique à moins que ce ne fut Claude fit grande et belle remontrance à celui ou à celle qui donnait des nouvelles de manière aussi imprécise. La réponse fut virulente et je perçus là les motifs d’une scène de ménage.

Si au moins il y avait eu des traces et loin de moi l’idée de souhaiter que des coups furent échangés à cette occasion, nous eussions pu dans les mots employés, identifier l’une et l’un. Nous resterons ainsi sur notre faim et n’avons d’autres recours que de conseiller aux générations futures d’éviter l’usage de prénoms qui vont aussi bien à une dame qu’à un monsieur.

Vous allez me dire : « Tout ça pour ça ! ». Je vous l’avoue, ça n’en valait pas la peine pour tous ceux qui n’ont pas eu à souffrir de ce choix qui contraint de préciser son sexe après avoir décliné son identité. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour les Dominique, Claude, Alix, Camille, Maxime et Valéry, parfois ça veut dire beaucoup. De là à en faire un roman, seule Amélie Nothomb pouvait s’y coller.

Genrement leur.



12 réactions


  • Pic de la Mirandole Pic de la Mirandole 18 février 2021 09:37

    Après l’anthropocène (une théorie du genre... mais quel genre ?) viendra l’épicène (qui rétablira Anne de Montmorency dans son intégrité virile)


  • Clocel Clocel 18 février 2021 09:56

    Que faites-vous du troisième genre ? smiley

    Qui sait si l’ambiguïté ne commence pas par un prénom !?

    Une chose est sûre, on croise des êtres dont on n’a pas vraiment envie d’aller vérifier le genre...

    On sent que vous la kiffer Amélie-Mélo ! smiley


    • Clocel Clocel 18 février 2021 09:57

      @Clocel

      Kiffez...


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 février 2021 10:57

      @Clocel

      Je ne m’aventure pas à compter tous les genres je me contente d’être du mauvais


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 février 2021 10:58

      @Clocel

      Là vous faites grave erreur

      Elle m’exaspère et j’estime qu’elle fait commerce d’une écriture trop facile


    • Clocel Clocel 18 février 2021 11:17

      @C’est Nabum

      Je plaisantais, on a déjà croisé les touches au sujet de ce personnage.
      Je n’ai jamais lu un de ses bouquins mais le côté déjanté me plaît.

      Après, elle vend des bouquins, on n’est pas même pas obligé de les acheter, a fortiori de les lire.

      (Queneau disait que le verbe lire ne conjuguait pas à l’impératif).

      Cela dit, si je devais sacrifier un bouquin pour allumer mon rocket stove, je prendrais plutôt une des nombreuses tartines à Onfray...


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 février 2021 11:34

      @Clocel

      J’en ai lu quelques-uns

      On y perçoit la facilité d’écriture, le style fluide et aussi l’envie d’en finir au plus vite pour passer tous les ans à la télé


  • juluch juluch 18 février 2021 15:57

    Connait pas du tout l’auteur, je suis allé voir sur wiki.....

    vous avez apprécié ?,


  • Esprit Critique 18 février 2021 18:25

    je suis athée, laïque, et j’affirme que le mariage pour tous est une monstruosité de connerie.

    Je pense qu’un jour il faudra faire des avenants a ces lois débiles, pour revenir a des séparations claires de notion de filiation, des droits en matière de biens et patrimoine, de l’état civil, des réalités biologiques, et d’un minimum de bons sens.

    Imaginez la généalogie épigénique dans quelques décennies tes arrières grands parents, tu ne sauras quelle étaient leur sexes, Male, femelle, transgenre ?

    A moins que grâce aux factures tu retrouves dans quel pays était l’élevage de mères porteuses a qui tu dois ton existence.

    Les socialos sont de monstrueux cons, je le pense très sincèrement. 


    • C'est Nabum C’est Nabum 19 février 2021 07:25

      @Esprit Critique

      Voilà un sujet où exprimer une idée contraire à la doxa officielle c’est prendre le risque d’être étripé

      La déraison a gagné le terrain des idées


Réagir