lundi 30 juillet 2007 - par Laurent Haddad

Impressions de lecture : Sarkozy, le Président-Soleil

Une de mes lectures de vacances a été une biographie de Louis XIV, écrite par Georges Bordonove. Intéressant que ce règne d’un roi adulé par certains, décrié par d’autres.

Au fil de ma lecture j’ai été frappé par une chose extraordinaire...

L’auteur cite parfois le roi lui-même, qui écrit dans ces Mémoires pour l’instruction du Dauphin, des conseils pour son successeur en expliquant ce qu’il faut faire pour bien régner et pourquoi il a fait telle ou telle chose.

Eh bien, si, en lisant ces lignes, vous ne saviez pas qui les a écrites, vous pourriez très bien les attribuer au président de la République actuel.

Elles permettent de comprendre non seulement ces motivations mais également la dérive monarchique qu’il imprime à sa présidence.

Jugez plutôt :

« Quant aux personnes qui devaient seconder mon travail, je résolus sur toutes choses de ne point prendre de Premier ministre ; et si vous m’en croyez, mon fils, et tous vos successeurs après vous, le nom en sera à jamais aboli en France, rien n’étant plus indigne que de voir d’un côté toutes les fonctions, et de l’autre le seul titre de roi. »

Voila pour la disparition implicite du Premier ministre et l’accaparement de tous les prérogatives du pouvoir.

Encore plus troublant :

« Je résolus même quelque chose de plus : afin de réunir en moi seul toute l’autorité du maître, encore qu’il y ait en toutes sortes d’affaires un certain détail où nos occupations et notre dignité même ne nous permettent pas de descendre ordinairement, je me résolus, quand j’aurais choisi mes ministres, d’y entrer quelquefois avec chacun d’eux, et quand il s’y attendrait le moins, afin qu’il comprît que j’en pourrais faire autant sur d’autres sujets, et à toute heure... »

Voila pour l’omniprésence, l’implication sur des dossiers qui d’habitude sont réglés par les ministres eux-mêmes, et la volonté de montrer à ces derniers que le monarque peut faire ce qu’ils font (et bien mieux) s’il le désire.

Je laisse Nicol, euh..., Louis XIV poursuivre :

« Pour découvrir toute ma pensée, il n’était pas dans mon intérêt de prendre des hommes d’une qualité plus éminente. Il fallait, avant toutes choses, établir ma propre réputation, et faire connaître au public, par le rang même où je les prenais, que mon intention n’était pas de partager mon autorité avec eux. Il m’importait qu’ils ne conçussent pas eux-mêmes de plus hautes espérances que celles que je voulais leur donner, ce qui est difficile aux gens d’une grande naissance... »

Voila pour l’ouverture à la société civile, la nomination de ministres inexpérimentés ou de seconds, voire de troisièmes couteaux.

Enfin je me suis toujours demandé si l’épisode « Fouquet’s - Crillon - Yacht luxueux » n’était pas une faute politique. De même, le faste et l’apparat que le président Sarkozy imprime à sa présidence méritaient une explication.

En lisant la justification que donne Louis XIV au sujet du luxe de Versailles, des célébrations grandioses et des cérémoniaux grandiloquents, nous trouvons les raisons des manifestations luxueuses de la présidence actuelle :

« Ceux-là s’abusent lourdement, qui s’imaginent que ce ne soient là que des affaires de cérémonies. Les peuples sur qui nous régnons ne pouvant pas pénétrer le fond des choses règlent d’ordinaire leurs jugements sur ce qu’ils voient au-dehors. [...] Comme il est important au public de n’être gouverné que par un seul, il lui est important aussi que celui qui fait cette fonction soit élevé de telle sorte au-dessus des autres qu’il n’y ait personne qu’il puisse ni confondre, ni comparer avec lui ; et l’on ne peut, sans faire tort à tout le corps de l’État, ôter à son chef les moindres marques de supériorité qui le distinguent des autres membres. »

Étonnant non ?



15 réactions


  • dom y loulou dom 30 juillet 2007 12:41

    président soleil ? Président-éclipse oui !


  • tvargentine.com lerma 30 juillet 2007 13:33

    Il est un peu lourd,de n’avoir comme argument économique ou politique ,que des caricatures sur un président qui n’a rien à voir avec les anciens présidents français dont le métier étaient vraiment de gérer la France comme LOUIX XIV

    Mais Nicolas Sarkozy est un vrai président de rupture avec le passé et la conception du métier de Président.

    L’ouverture est une réussite et nous pouvons enfin tourner la page du PS qui,soyons honnête avec nous même n’a pas durant ces 5 dernières années cherché à se moderniser et moderniser sa base électorale et remettre la frange « fonctionnaire » à sa vrai place dans la représentation du PS.

    Espérons qu’une période de modernisation va s’ouvrir dans les idées et les projets de société avec de nouvelles personnes qui ne représentent pas l’echec ni la technocratie et encore moins cette gauche marketing-caviar de Paris-Plage

    La Municipalité PS-Vert à expulsé les sans-abris des quais de Seine pour faire son produit de marketing Paris-Plage.

    Je trouve cela répugniant,alors ami informaticien,toi qui habite Paris,avant de faire le procès d’un président élu commence par demander des comptes à ceux qui ont mis le PS dans l’état de faillite idéologique et morale et après seulement tu pourra juger les autres


  • La Taverne des Poètes 30 juillet 2007 13:56

    Et Devedjian d’ajouter qu’il est normal, comme dans les monarchies, de donner un rôle important à l’épouse du roi...heu président selon le bon plaisir de ce dernier.


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 30 juillet 2007 14:26

    C’est normal que Louis XIV et Nicolas le Grand Petit Homme convergent : ce que Louis décrit dans ses Mémoires, c’est tout simplement la construction du pouvoir total (absolu, comme on dit dans les livres d’Histoire), exercice auquel il avait été longuement préparé par Mazarin lui-même.

    Tout amateur de pouvoir se doit de connaître ce texte ainsi que naturellement que ceux de Machiavel. De toute façon, il n’y a pas trente-six manières de mettre en place un pouvoir total : il faut s’entourer de gens pas trop brillants, ou tout au moins désireux de garder les honneurs du poste, en s’asseyant sur leur honneur au besoin, et ne pas oublier de les légitimer bruyamment, de façon à être leur seule source de légitimité. Après quoi on les court-circuite dès que possible, qu’ils comprennent qui est le maître. Un petit désaveu public de ces mêmes soumis ne fait pas de mal, mais de temps en temps seulement, parce que sinon, on se demanderait pourquoi on garde de tels branquignols.

    Et naturellement, on met en scène avec minutie chaque action du monarque, afin de lui donner une apparence surnaturelle, et même surhumaine. N’oublions pas que Louis XIV avait même exploité son opération d’une fistule anale ! De ce côté-là, pour la mise en scène, on est déjà bien servi, mais Nicolas ira-t-il jusqu’à la fistule (ou aux hémorroïdes, pour faire plus moderne) ?


  • claude claude 30 juillet 2007 14:30

    cher auteur,

    la ressemblance s’arrête au port des talonnettes et à l’autoritarisme. et être autoritaire ne donne pas du génie.

    que mazarrin fut le mentor de louis xiv...que celui-ci parlait plusieurs langues, dansait fort bien, était très cultivé : il parlait architecture presque d’égal à égal avec mansard et le nôtre pour la construction de versailles.

    ses maîtresses étaient femmes d’esprit et cultivées : mme de montespan fut une grande mécène et mme de maintenon, petite fille d’agrippa d’aubigné et veuve du poète scarron, créa une institution pour instruire les jeunes filles nobles sans fortune...

    il savait reconnaître la valeur des hommes à qui il confiait une mission : vauban, colbert, turenne... et il a formidablement agrandi et développé le territoire de la france.

    je doute qu’à part un talent incontestable de bonimenteur, nicolas n’ait grand chose à offrir à la france.


    • spartacus1 spartacus1 30 juillet 2007 17:09

      Je ne peux qu’approuver les propos de Claude.

      Si, effectivement, il y a quelques points communs entre Louis XIV et Sarkozy, c’est que la construction d’un pouvoir absolu passe toujours par le même chemin. On pourrait aussi trouver des analogies entre Sarkozy, Staline ou Kim Il Sung.

      Par contre, il y a une différence essentielle entre Louis XIV, fin lettré, musicien accompli, etc et un Sarkozy, totalement inculte, bateleur de foire (la pub, cela, il le fait bien) et gougnafier.


    • Le Chacal Le Chacal 30 juillet 2007 21:22

      Le problème, c’est que bon nombre de gens considèrent que le « Loft » ou les jeux de TF1 sont de la culture, alors à ce moment-là, même un bonimenteur de foire a toutes ses chances.

      On a les chefs qu’on mérite...


  • meridien meridien 30 juillet 2007 19:02

    laurent vous avez fait un rtemarquable travail de compilation et de rapprochement entre le Roi soleil et le gnome qui nous gouverne et qui s’agite dans tous les sens .ET pas un homme politique ,capable de relever cette ignominie c’est encore plus dégueilasse...meridien


    • Laurent Haddad Laurent Haddad 30 juillet 2007 21:45

      @Tous

      En fait je ne cherchais pas à dire que Sarkozy était le nouveau Louis XIV, mais montrer les similitudes troublantes de leurs pensées et agissements politiques 300 ans après. Bien évidement l’un est plus brillant que l’autre... à vous de trouver qui.


  • armand armand 30 juillet 2007 22:12

    Il ne faut pas se tromper de régistre. Si Sarkozy fait penser à un monarque, il faut chercher plutôt du côté de Napoléon III. Là encore, on objectera que NIII était un véritable visionnaire, parfois maladroit, alors que Sarko n’est ni l’un, ni l’autre. C’est plutôt l’onction plébiscitaire qui tient lieu de ressemblance : l’idée que ces fameux 55% sont une sorte de mandat du ciel autorisant le détenteur à intervenir à sa guise partout et en toute chose. La réalité, à mon sens, est plus prosaïque - Sarkozy se voit en manager. L’autorité est au service de l’efficacité - en d’autres mots, l’efficacité ne doit pas s’embarrasser d’obstacles institutionnels. Et c’est là que le bât blesse, car une entreprise n’est pas une république, et personne n’a jamais prétendu que l’entreprise, malgré toutes les tentatives passées pour aller dans ce sens, soit démocratique.

    Il n’y nulle transcendance derrière,Sarko n’a nullement deux « corps », comme un roi traditionnel, l’un se confondant avec sa personne, l’autre avec le pays lui-même, celui-ci survivant dans la transmission dynastique à l’extinction de celui-là.


  • moebius 31 juillet 2007 00:46

    Lourdingue...avec ce genre de connerie, sur en 2012 on gagne...président monarque...ou alors bonaparte... gnin ! gnin !..comme c’est drole ! avec ça on a de quoi alimenter une critique absolument radicale, aussi eficace que Sarko égale Le Pen...Continuons ainsi...


    • armand armand 31 juillet 2007 10:14

      Si c’est de mon post qu’il s’agit, lourdingue uniquement pour ceux qui ne savent pas lire... et ne savent rien de l’histoire de France. Remarquez, avec ce qu’on apprend (ou pas) à l’école en ce moment. Sûr qu’avec des étudiants qui ne savent même pas qui était Louis-Philippe... Et encore moins quand il a régné...


  • moebius 31 juillet 2007 01:37

    avec Gengis Khan, la comparaison est absolument percutante, là on est vraiment bon...


  • Angelus 31 juillet 2007 11:41

    Il est clair que la soif de pouvoir n’a pas d’âge. On aurait tout aussi bien comparer NS à Mitterrand, Churchill, Louis XIII, XIV, XV... , François Ier, Guillaume le Conquérant, César, Ramses et Cromagnon. Leur point commun (et certainement le seul, je le précise) est la quete de pouvoir et certainement la volonté de marquer l’Histoire. Après chacun ça méthode... là serait le vrai débat. cdlt,


  • arturh 31 juillet 2007 11:48

    Ce qui est effectivement extraordinaire, c’est que cette lecture révèle à l’auteur qu’il ne parvient pas à faire de différence entre le siècle de Louis XIV et aujourd’hui. Et qu’il vit apparemment encore dans le siècle de Louis XIV !


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