mardi 21 novembre 2023 - par C’est Nabum

La Lucarne avant La porte

 

Sans fermer mon clapet
 

 

Voilà un terme qui nous vient du francique ce qui lui donne une antériorité non négligeable avec une assertion qui est désormais passée de mode et sur laquelle nous reviendrons plus loin. Elle fut un hublot fermé par un clapet, ce que je me refuse du reste à faire ici. Il est de toute première importance de regarder au loin, fut-ce par un œil de bœuf ou un chien assis.

La lucarne n'est plus aujourd'hui, pour bien des jeunes gens, que cet espace entre deux poteaux dans lequel certains footballeurs aiment à retirer la toile d’araignée. Évoquer pour eux une ouverture quelconque risque fort de tomber à plat, ils ignorent souverainement toutes les autres acceptions y compris du reste le sens de ce mot.

La lucarne jadis se plaisait à regarder la Lune, à ouvrir une vue céleste aux chambres de bonnes et aux greniers. Là encore, nous entrons dans le champ du vocabulaire obsolète qu'un nom de marque a substitué dans l'usage courant. On peut lever les yeux au ciel, il en est malheureusement ainsi…

Je doute d'ailleurs que le hublot échappe lui aussi à ce mauvais sort et le clapet a peu de chance de leur survivre. La langue ne s'enrichit guère, bien au contraire, elle se rétracte singulièrement en regardant au loin, en pensant se donner de l'air. La petite lucarne fut à l'origine un œil ouvert sur le monde tout autant que l'opportunité d'élargir son champ de vision. Puis, plus elle prit de la taille plus elle se fit aussi plate que possible pour ne plus rien donner à penser.

L'écran l'a suppléée avec un système qui se fit appeler « Fenêtre » et non pas lucarne quoique ses volets déroulants aussi bien que déroutants furent un curieux appel d'air. Ceci nous ramena bien vite à l'étymologie du mot qui donna en français le verbe reluquer, pratique qui ne cessa de s'amplifier sur une lucarne de plus en plus proche du judas.

La lucarne n'est-elle pas placée en saillie sur la pente d'une toiture ? Elle éclaire les combles avec sa façade verticale composée de deux côtés dites joues pour tenir une couverture appelée croupe. Comme ce dispositif se trouve au pinacle d'un édifice, tout le vocabulaire est en place pour justifier les débordements érotiques de la toile et ses fenêtres ouvertes sur nos perversions.

Revenons à nos lucarnes nées semble-t-il à l'époque gothique quand l'architecture tend à vouloir gagner le ciel. Elles se parent alors d'une multitude d’appellations toutes plus imagées les unes que les autres. Il y a bien sûr l'œil de bœuf et le chien assis déjà évoqués mais d'autres encore qui méritent d'être citées. La meunière me donnerait du grain à moudre si je n'avais à évoquer aussi celle en chapeau de gendarme qui me rappelle à l'ordre.

Avec la Jacobine je risquerais de perdre la tête tandis que je danserais bien autour de la capucine d'autant qu'elle se nomme également à croupe. La demoiselle m'invite dans sa chambrette pourvu qu'elle soit normande ou bien flamande. L'essentielle qu'elle dispose de formes pour la qualifier de bombée, de cintrée ou de rampante au point du reste qu'elle se protège avec un chien couché à ses pieds.

Pour en finir avec nos lucarnes multiples et variées, belles invitations à la rêverie et aux coquineries, il me reste à évoquer la mansarde que l'on doit à l'architecte François Mansart dont nous avons le bonheur à Orléans d'avoir un magnifique exemple avec ce qui fut l'école d'artillerie et qui est connu sous le nom de La Motte-Sanguin.

J'allais oublier le lanterneau pour finir ce billet à la lueur d'une chandelle. Ce qui se passe alors dans la chambre de bonne ne vous regarde pas. Il y a sans doute de quoi perdre la tête sans pour autant qu'il faille lever les yeux au septième ciel.

À contre-jour.



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