lundi 8 avril 2013 - par C’est Nabum

Le canon, avec modération …

Ma Bonimenterie au long cours !

Histoire de Loire et d'Océan

Il était une fois des marins d'eau douce aux mœurs légères et à l'appétence redoutable. Ils avaient, lorsqu'ils étaient sur l'eau, une grande et belle connaissance des vents et des manœuvres de la voile. Ils savaient tous des nœuds et ne rechignaient pas plus à l'ouvrage qu'à vider nombreuses chopines. C'était là leur point faible, leur talon d'Achille et c'est d'ailleurs pourquoi, tels des casaques, ils aimaient à boire dans les souliers …

On est toujours puni par là où l'on pêche amèrement. La morale n'a pas d'exception et c'est ce qui provoqua tant de drames et de larmes sur les bords de notre Loire. Comme souvent, c'est la force publique, qui profita de l'aubaine. Les temps ont changé, les méthodes demeurent immuables. De nos petits travers, l'état a toujours tiré bénéfice. Un pays sans vice aurait à n'en point douter de graves ennuis de trésorerie …

Nous sommes pourtant en une époque où ce n'était pas à la bourse que s'en prenait le pouvoir royal. Il avait, en ce temps là, besoin de bras pour aller sur la grande mer océane. La Royale , notre marine de guerre, avait besoin de volontaires pour s'en aller porter main forte à nos amis de Nouvelle Angleterre. Ils désiraient s'émanciper de ces maudits « Anglois ».

Mettre la pâtée à nos ennemis héréditaires n'était pourtant pas motivation suffisante pour se lancer dans pareille aventure. Les volontaires manquaient. Les recruteurs comprirent bien vite l'intérêt qu'il pouvait y avoir à fréquenter les tavernes des bords de quai. Ils ne manquèrent pas d'y tendre leurs filets et d'y faire belle pêche de gros poissons avinés.

Vous devinez que ce sont des mariniers de Loire, pris de boisson, qui trinquèrent plus que de raison. Après quelques chopines et des paroles enjôleuses, ils se retrouvaient avec un engagement pour un voyage qui n'avait rien de ligérien. Comme la tempérance n'a jamais été la qualité principale du batelier d'ici, malgré le bruit de ce redoutable complot, bien des pauvres gars de chez nous partirent pour des terres lointaines.

Ils se retrouvaient souvent perchés dans la mâture. C'était à n'en point douter une manière bien habile de les guérir de leur petit défaut. L'amour du vin, fût-il de Loire, ne s'accommode guère avec la voltige aérienne. Ceux-là, une fois leur engagement terminé, s'ils n'avaient pas eu la déveine d'un naufrage, revenaient au pays et firent faire grand progrès à la science de la voile sur notre belle rivière.

D'autres moins heureux, restaient sur le pont. Le militaire a parfois le sens de la dérision. La chose n'est pas fréquente et il est bon de la souligner. Puisque nos gaillards devaient leur vocation militaire à l'abus du canon, la marine en fit des canonniers. Pour ceux-là, par contre, le remède fut bien pire que le mal. Ils revinrent, quand ils avaient une chance extrême sourds comme des pots et s'empressaient de les vider à leur retour au pays.

Mais c'était là un sort, pour peu enviable qu'il était, bien plus souhaitable que celui de tous ceux qui se retrouvèrent amputés d'un membre ou bien de la vie. Si vous voyagez le long de nos berges, en levant la tête, vous verrez parfois quelques étranges girouettes sur de modestes masures. On y voit un marinier portant fièrement son chapeau adossé à un canon.

Voilà la triste histoire de ces gars de Loire partis perdre une partie d'eux-mêmes en des rives lointaines. Pour ceux qui revenaient, ils ne leur restaient que leurs yeux pour pleurer et regarder passer les beaux bateaux de bois. Ils n'étaient plus en mesure de naviguer. Il leur restait simplement la pauvre ressource de raconter leurs aventures au bord de la Loire. Et encore, pour les pauvres qui avaient perdu une jambe, il était hors de question que ce fut des histoires à dormir debout.

De ce récit un peu boiteux, vous devez retenir qu'il est prudent de choisir ses compagnons quand on veut boire quelques chopines. Il y a souvent des malfaisants pour profiter de votre petite faiblesse. Quant à ceux qui vous racontent de telles sornettes, regardez bien s'il leur manque une partie d'eux-mêmes. Si ce n'est pas un membre, c'est sans doute la tête qui a souffert. Soyez alors indulgents et ne leur tirez pas dessus à boulet rouge pour cette pauvre fable !

Royalement vôtre



10 réactions


  • alberto alberto 8 avril 2013 13:27

    Cher Nabum,

    Les ligériens ne sont pas les seuls, hélas, à avoir subi les assauts trompeurs des recruteurs de la Royale : aucune région du Royaume n’y échappa !

    Mais plus encore les régions côtières, celles où l’on décèle une petite pointe d’iode dans la taste du vin...

    De cette tradition viendrait qu’aujourd’hui encore, chaque port de mer connaisse sa « rue de la soif » ?

    Bien à toi.


    • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 13:50

      alberto


      Je sais hélas que l’appétit du pouvoir est immense quand il s’agit de se nourir des vies de ses sujets. La République n’a pas dérogé à la règle et en 14 - 18 elle n’a pas hésité à faire de toutes ces générations des ivrognes ou bien des cadavres !

  • ZEN ZEN 8 avril 2013 13:46

    Moi, je préfère un canon sur le zinc
    Par exemple, sur les quais de Montlouis
    Même avec un Anglois de passage..


    • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 13:51

      ZEN


      Je veux bien sauf de boire un verre avec un sujet de sa majesté.

      C’est ma manière de rester fidèle à notre Jeanne ...

    • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 14:04

      Mon Oncle


      À l’ombre de la Pucelle.

      La dame Jeanne.



      Il était une fois, il y a fort longtemps de cela, une jolie troupe marinière qui en avait assez soupé de ne pouvoir naviguer tout à loisir sur son fleuve. L’Anglois, le fourbe, le retors, avait établi bien longue villégiature en la bonne ville d’Orléans. Les troupes du roi d’Angleterre avaient choisi le coin pour grand bain de siège si rigoureux que les voiles étaient proscrites aux pieds des tourelles. Du haut de la forteresse, qui barrait le cours d’eau, de perfides archers veillaient à ce que le blocus fût respecté à la lettre.


      Tous les efforts français pour dégager l’étreinte avaient tourné vinaigre. L’indiscipline était alors le plus grand mal dont souffraient les troupes du roi. Quand en face, le camp des envahisseurs avait dans ce domaine, force bien supérieure et rigueur extrême. La situation militaire était figée depuis si belle lurette que les anciens ne se rappelaient plus le temps heureux d’une province sans ceux qui ne buvaient pas encore du thé ! Les gens d’Orléans y perdaient patience et leur latin. C’est de ce drame que la langue vulgaire fit son chemin de bouche vernaculaire à oreille échauffée.

      Dans la ville et alentour, les mariniers se désespéraient de ne pouvoir aller leur train à bateaux. Les temps étaient durs, la pitance maigre, le vin aigrelet depuis quelques années, sans doute l’influence négative de ces visiteurs si peu portés sur nos bons petits vins de Loire. Je ne sais ce qui poussa quelques gars d’Orléans à tenter l’aventure vers des terres plus hospitalières et surtout dépourvues de ces indésirables visiteurs, mais la chose est certaine, une joyeuse bande de forts en gueule et de hardis gaillards partit loin de cette province devenue maudite pour trouver fleuve à naviguer, chopines à vider et accessoirement, si la chose venait à se présenter, jupons à trousser.

      C’est sur la Meuse qu’ils jetèrent leur dévolu sans omettre l’ancre qu’ils avaient tenu à faire suivre. Le marinier est souvent habile de ses mains, il aime à travailler le bois, ne rechigne pas à l’effort pour scier, tailler, couper, émonder, manier le rabot avec grâce et bien d’autres activités charpentières. Par contre, travailler le fer n’était pas dans sa panoplie ! C’est ainsi qu’il n’était pas question de jeter l’amarre avec l’eau du bain quand un marinier changeait de rivière.


      Ayant posé baluchons et varlopes à Domrémy, la bande se mit immédiatement à l’ouvrage. Les uns se chargèrent de trouver grands pins bien droits pour se lancer dans la construction d’un magnifique Chaland quand quelques autres se mirent en quête de trouver dans la région de quoi casser la croûte sans oublier de boire quelques canons. Ils avaient grande et belle dame-jeanne qu’ils souhaitaient remplir à ras de ce bon petit gris de Toul pour réjouir leur gosier et survivre au chagrin d’avoir quitté la Loire.


      Pendant que les charpentiers, ne restant jamais bien longtemps les deux pieds dans le même sabot, abattaient la besogne avec entrain et efficacité, les responsables de l’intendance et autres douceurs se lancèrent à la quête des victuailles. Ils firent ainsi visite en une petite ferme du village où une jeune fille gardait les blancs moutons de son père. Le brave homme avaient quelques rangées de vigne, ce qui expliquait la présence de nos boit sans-soif en ce lieu retiré de tout.

      « Mon brave homme », lui dit le plus grand des chenapans, « n’aurais-tu pas dans tes fûts, de quoi remplir d’aise notre dame-jeanne ? » Non seulement l’homme ne parlait pas la langue de ce pauvre Charles VII mais il sembla ne pas trouver à son goût les beugleries de ces paillards. D’autant qu’il avait cru entendre dans l’étrange jargon de ces lurons, le doux et merveilleux prénom de sa petite fille, la prunelle de ses yeux.


      Voilà les ingrédients en place pour que naissent les grands destins, les belles histoires ou les plus folles menteries. De cette incompréhension, de ce mur que dresse entre les hommes la méconnaissance des langues, la face de notre monde médiéval sera changé. Mais n’allons pas trop vite en besogne, pour l’heure les deux parties se regardaient en chien d’arquebuse.

      Jeanne bien apeurée s’était accotée à son géniteur. Elle était plus pâle encore que ses jeunes agneaux et brûlait d’une grande frayeur. Elle s’interrogeait sur les intentions précises de ces chenapans, venant parler étrange langue avec force menace auprès de son brave père Elle sentait que sa vie tranquille allait changer de voie, que ces hommes venaient troubler son destin de petite Lorraine. Elle redoutait par dessus-tout que l’un de ces vauriens ne viennent lui dérober sa précieuse fleur, elle qui se voulait agnelle pure …


      Étrange pressentiment, peur infondée, inquiétude face à l’inconnu, crainte de ce qui est nouveau, Jeanne n’échappait pas aux angoisses qui peuplent les cauchemars des jeunes filles en ces temps troublés. Ces démons d’hommes, ces diables lubriques et inquiétants, c’est du moins ainsi qu’elle les voyait, venaient troubler la quiétude de son jeune âge, menaçaient sa douce innocence.

      Le premier contact fut donc catastrophique. Il est reconnu que le marinier est un garçon prudent, sentant le vent mauvais dans le regard du vieil homme, la tempête dans les yeux troublants de la jeune bergère, nos fripons en goguette allèrent traîner leurs guêtres dans une autre ferme. Ils trouvèrent meilleur accueil car le maître de céans avait jadis sillonné des contrées où l’on parlait langue voisine de celle des bords de Loire.


      La troupe fit affaire avec le paysan avisé. Elle paya bon prix pour un vin bien plus jaune que le blanc de chez eux mais qui avait belle allure en bouche et vous rendait gaitiau tout comme faut ! La dame-jeanne fut remplie et ils purent s’en retourner bien vite sur le chantier aider à l’ouvrage les compagnons charpentiers.


      Ils firent ainsi plusieurs fois le voyage pour remplir la grosse cruche qui se retrouvait souvent vide. Le travail donnait soif aux hommes, la grande cruche se vidait aussi vite qu’avançait le Chaland. Les aller et retours de nos gars des bords de Loire finirent par amadouer la donzelle. La fille de ce voisin qui leur avait fait la lippe, ne leur lançait plus ce regard de braise qui ne présageait rien de bon. Elle souriait maintenant à leur passage, voyant que ces braves bougres étaient bien plus dangereux pour un cruchon que pour le trésor d’une bergère.


      Elle aimait à se cacher derrière les futaies pour les écouter parler leur bien étrange langue. Ils évoquaient souvent les maudits soldats et la pauvre ville d’Orléans et surtout n’avaient de cesse que de vanter les mérites d’une dame-jeanne. La Bergère ne comprenait pas tout mais il lui semblait bien que ces gentils garçons accordaient grande et forte vénération pour une dame portant son prénom. Elles saisit bien vite qu’il y avait en leur pays de vilaines gens qu’ils appelaient Anglois !

      Le soir venu, ces histoires tournaient dans la tête de la demoiselle. Elle se prenait à rêver de voyage, d’un grand destin et de trois capitaines qui ne l’auraient pas appelée vilaine. En Lorraine quand on porte sabots et jupon, le soldat a vite la main leste et le mot déplacé, à moins que ce ne soit le contraire …


      Puis un jour, les braves mariniers disparurent de ce petit coin de Lorraine. Ils avaient construit un grand et beau navire de bois, un lourd et solide Chaland pour faire commerce sur les bords de la Meuse. Hélas, s’ils étaient capables de prouesses charpentières et de folies gourmandes, ils n’étaient pas vraiment hommes avisés. La Meuse en cet endroit est une bien étroite rivière et jamais leur bateau ne put les emmener plus loin. Mais de cela, n’en disons rien, la réputation de la Marine de Loire en recevrait un coup fatal !


      Jeanne restait sur son petit coin de terre, ces moutons blancs lui devenaient bien pénibles, elle rêvait de veaux couleur, des idées plein la tête. Chaque fois qu’elle voyait ce gros bateau traîner sa misère sur le flanc au bord d’une Meuse qui ne pouvait le porter, elle se souvenait des propos avinés de ces fous d’Orléans. La tête ne cessait de lui tourner …


      Elle se fit joli conte à dormir debout. Crut plus qu’il ne fallait à toute ces fadaises qui lui tournaient la raison. Il lui fallut convaincre son père de la laisser partir, d’aller vivre son rêve en cette ville d’Orléans qui lui avait tourné les esprits. Elle inventa un joli conte, une folie faite de bondieuseries et de sornettes pieuses. Elle inventa un messager du ciel quand ceux qui lui avaient soufflé ces diableries n’étaient que de braves et doux mariniers de Loire un peu portés sur le cruchon.

      La suite, vous la savez tout aussi bien que moi. Elle avait grande et belle imagination, elle savait vous entortiller une fable et prit dans ses rets plus d’un grand de ce pays. Elle fit son bonhomme de chemin, elle rêvait de brûler les planches, de raconter dans le royaume de France de merveilleuses histoires. Elle partit à la conquête de Chinon pour amuser le roi.


      Sur son chemin de gloire, elle retrouva notre troupe marinière qui s’en revenait la queue basse et la mine défaite après leur mésaventure Lorraine. Ils eurent d’ailleurs grand peine à reconnaître la petite bergère sous l’armure. Ils lui emboîtèrent le pas et la suivirent dans sa bataille victorieuse en leur bonne ville.


      Ils eurent d’ailleurs un rôle décisif dans la victoire. En une nuit sans lune, c’est notre glorieuse troupe marinière qui fit traverser le fleuve à la jeune guerrière au nez fort vilain et à la barbe hirsute des ces maudits assiégeants. L’Anglois bouté comme un malpropre, nos gars reprirent leur passion Loire et abandonnèrent la bergère à ses autres folies belliceuses.


      La fin fut bien moins glorieuse. L’Anglois n’apprécie pas les faiseuses d’histoire. D’autant qu’à force de se faire des chimères, la jeune demoiselle avait mis grande et belle pagaille dans ce pays qu’ils croyaient occuper pour toujours. Ils lui jouèrent un bien vilain tour et vous savez tous que la pauvre fille s’éteint le 30 mai 1431d’avoir mis le feu au poudre !


      Quant à Jeanne, pauvre petite cruche qui avait quitté sa Lorraine pensant être la dame Jeanne dont ne cessaient de parler les mariniers croisés, elle fut bien surprise de découvrir ce que ce fut vraiment quand l’aventure fut consommée.


      Qu’importe ces détails de langage, il est grand temps de rendre à la Marine de Loire les mérites de ce grand fait d’armes. C’est de joyeux mariniers et non des voix célestes qui guidèrent la petite Jeanne vers sa mission sacrée ! Il faut retenir de cette histoire navrante, qu’il n’est jamais raisonnable d’accorder foi à des propos d’ivrognes fussent-ils de braves garçons.


      Johanniquement sien


    • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 15:27

      Mon Oncle


      Et vive la pucelle ! 

  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 8 avril 2013 14:11

    J’bois jamais avec Maude et Ration ,y remettent jamais une tournée !


  • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 15:28

     Aita Pea Pea


    Maudes et Rations sont des élus de notre république Ils se font toujours rincés et ne participent jamais aux dépenses collectives. Pas surprenant de leur part.

  • auguste auguste 8 avril 2013 17:16

    @ C’est Nabum

    Selon vous, « La République n’a pas dérogé à la règle et en 14 - 18 elle n’a pas hésité à faire de toutes ces générations des ivrognes ou bien des cadavres ! »

    Un de mes oncles à dérogé à cette règle manichéenne.

    Merlan de son métier, il est revenu manchot de la guerre.
    Gazé, il a bu du lait pendant un an, ne pouvant avaler rien d’autre, pas le moindre canon estourbissant, avant de décéder en 1919.

    S’agit-il d’une bonimenterie de ma mère ?
    Je l’ignore, vous pensez bien que je n’étais pas encore de ce monde.


    • C'est Nabum C’est Nabum 8 avril 2013 17:59

      auguste


      Une fois manchot il pouvait bien du petit lait, il avait échappé au carnage.

      Quant à continuer à lui donner de l’eau de vie, à quoi bon ? Il ne pouvait plus monter à l’assaut

      Vive cette République ! 

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