Pour bien marquer la gravité de la
situation, Angela Merkel a sorti le grand jeu. Pour la première
fois depuis des mois, la chancelière a convoqué les
ministres-présidents des Länder à débattre autour de la même
table à Berlin. Après plus de huit heures de négociations
musclées, ils ont fini par se mettre d’accord sur un certain nombre
de mesures communes à tout le pays et en particulier, c’est la
mesure phare, sur la nécessité d’imposer un couvre-feu de 23
heures à 6 heures du matin. Si cette « Sperrstunde » ou « heure
de la police » est moins sévère qu’en France (les Allemands ont
deux heures de plus pour écluser les bières), il n’en reste pas
moins que ce pays n’avait pas connu une telle restriction aux
libertés individuelles depuis la Seconde Guerre mondiale. Berlin,
où le virus se propage à toute allure, a été l’un des premiers
Land à décider le couvre-feu le week-end dernier.
Angela Merkel qui animait le débat
avec son calme habituel n’a pourtant pas caché sa frustration. On
sait depuis un moment déjà que les desiderata des uns et des
autres agacent la chancelière, partisane d’une ligne commune
consensuelle. Elle a promis que si le nombre des personnes infectées
(qui selon l’institut Robert Koch se situe autour des 6 600
nouvelles contaminations par jour, un record depuis le début de la
pandémie) ne baisse pas substantiellement d’ici à dix jours, il
faudra de nouveau serrer la vis. « Nos directives ne sont pas assez
sévères pour nous permettre de vaincre cette calamité. Ce que
nous faisons ne suffit pas. »
En Italie, la fin de l’élève modèle
Après avoir longtemps tenu le rôle
de « pays modèle », semblant résister à la tempête de la «
deuxième vague », l’Italie est désormais entrée dans le dur.
Depuis plusieurs jours, les nouvelles contaminations bondissent en
flèche, dépassant mercredi soir la barre des 7 000 cas (multiplié
par deux en l’espace d’une semaine). Pour le gouvernement italien,
un durcissement des mesures sanitaires est alors devenu inévitable.
Ainsi, après le port du masque
obligatoire en extérieur, décidé la semaine dernière pour
l’ensemble du territoire, c’est au tour des bars et des restaurants
de devoir baisser le rideau dès minuit pour tenter de freiner la
contagion. Passé 21 heures, le verre debout est également prohibé.
Interdits aussi les événements en intérieur comme en extérieur à
l’exception des mariages, baptêmes et enterrements qui seront
cependant limités à trente personnes. Coup de sifflet aussi pour
le calcetto, ce match de foot sur mini-terrain, très prisé des
Italiens. Côté vie privée, l’exécutif s’est contenté de «
recommander vivement » d’éviter les soirées et rassemblements de
plus de six personnes à la maison.
Des mesures qui, face à la
progression du virus dans la Péninsule, semblent aujourd’hui déjà
« caduques ». Le retour du confinement n’est désormais plus
totalement exclu, il « dépendra beaucoup du comportement de
l’ensemble de la communauté nationale », prévient le Premier
ministre, Giuseppe Conte. En cas d’aggravation de la situation dans
les prochains jours, un nouveau tour de vis est à prévoir.
L’hypothèse d’un couvre-feu dans les régions de Lombardie et de
Campanie, en première ligne face à la pandémie, fait d’ailleurs
la une de la presse italienne.
Au Royaume-Uni, le gouvernement divisé
Le système en place depuis le 12
octobre prévoit trois niveaux d’alerte en Angleterre. La catégorie
« medium » impose un couvre-feu aux pubs à partir de 22 heures et
l’interdiction des rassemblements de plus de six personnes à
l’extérieur comme à l’intérieur. Londres et les comtés du sud et
de l’est du pays sont concernés. Le niveau « élevé », qui
interdit les rencontres entre différents foyers, réduit les
voyages et encourage le télétravail s’applique au Nord et aux
Midlands. Enfin, l’alerte « maximale » vise Liverpool et le
Nord-Ouest avec fermeture des pubs, des cafés, des centres de
loisirs mais pas des restaurants. L’Écosse, le pays de Galles et
l’Irlande du Nord, qui sont responsables de leurs propres mesures
sanitaires, ont institué un dispositif encore plus musclé.
Avec 43 155 décès, le Royaume-Uni
est à la cinquième place mondiale du classement des morts de la
pandémie. Le pays se place au troisième rang en termes de nouveaux
cas.
La bataille fait rage entre partisans
et opposants des nouvelles réglementations sanitaires. S’appuyant
sur l’avis du conseil scientifique, le leader travailliste, Keir
Starmer, s’est prononcé en faveur d’un reconfinement de deux à
trois semaines en Angleterre. Le gouvernement est profondément
divisé. Boris Johnson a choisi jusqu’à nouvel ordre la solution
médiane des restrictions locales renforcées.
En Belgique, l’UE à l’arrêt
Le Covid-19 s’abat de nouveau sur
Bruxelles et, du même coup, elle grippe les institutions
européennes. Non seulement la Commission n’a pas rouvert ses portes
aux journalistes depuis mars, mais le Parlement européen, à
Bruxelles, connaît une vague de contaminations importantes qui a
conduit son président, David Sassoli, à proscrire la plénière en
« présence physique » qui devait se tenir la semaine prochaine.
Les parlementaires sont invités à ne pas venir et à suivre les
débats derrière leur écran d’ordinateur. Voilà qui met fin au
débat entre le siège de Strasbourg et l’antenne de Bruxelles…
En outre, Manfred Weber, le président
du PPE, le premier groupe politique du Parlement, est contraint à
l’isolement car il a rejoint la longue liste des cas contacts. Les
mesures s’étaient durcies depuis plusieurs jours : les assistants
parlementaires et le personnel administratif se sont vu imposer le
télétravail et devaient justifier d’un motif sérieux pour se
rendre dans l’enceinte du Parlement. Le contexte bruxellois n’est
pas meilleur et les autorités belges vont restreindre encore plus
la vie sociale : les réunions privées à domicile ne devront pas
excéder quatre personnes, le télétravail redevient obligatoire,
un couvre-feu entre minuit et 5 heures du matin sera instauré, mais
les écoles vont rester ouvertes.
En Espagne, la vague sans fin
« Préoccupante, instable et fragile.
» C’est par ces trois adjectifs que Salvador Illa, le ministre de
la Santé qui coordonne le combat contre le Covid-19, résume la
situation en Espagne. Ici, la deuxième vague est arrivée plus tôt
qu’ailleurs, dès la mi-septembre, et avec une force insoupçonnée.
C’est à Madrid et dans la grande agglomération de la capitale que
la contagion s’est fait sentir avec le plus de force : le taux
d’incidence, ayant avoisiné les 700 cas pour 100 000 habitants, a
obligé le gouvernement central à « fermer » Madrid et neuf
municipalités (épicentre européen du coronavirus) de sa
périphérie le 2 octobre, contre la volonté de l’exécutif
régional qui y voit une sorte d’« asphyxie économique ». La
Catalogne lui a emboîté le pas en décrétant la fermeture pour
quinze jours des bars, restaurants et centres de loisirs nocturnes.
La mesure a provoqué la colère des hôteliers concernés qui
exigent une « couverture publique » pour ses 170 000 salariés.
Aux Pays-Bas, un « confinement
partiel »
Avec un taux d’incidence de 435 cas
pour 100 000 habitants, les Pays-Bas se situent sur la troisième
marche du podium européen des pays où la pandémie galope derrière
la République tchèque (660 pour 100 000) et la Belgique (515 pour
100 000). La situation est telle que le Premier ministre, Mark
Rutte, a été contraint, le 13 octobre, de décréter un «
confinement partiel ». Un peu dépassé par la situation, le leader
néerlandais ne lésine plus sur les restrictions : fermeture des
bars et des restaurants pour une durée de quatre semaines au moins,
interdiction de la vente d’alcool et de cannabis après 20 heures,
port du masque obligatoire dès 13 ans dans tous les espaces clos…
Mark Rutte s’est fait violence car, en
bon libéral, il n’a jamais été un adepte des mesures trop
contraignantes. Lors de la première vague, il avait pris soin de ne
pas trop entailler les libertés de ses compatriotes et avait même
cru, au tout début, aux vertus, de l’immunité de groupe. « Nous
devons être plus stricts avec nous-mêmes »